En France, la production a finalement progressé de façon assez satisfaisante (+ 9,9 %), c'est-à-dire un taux proche de celui des années 60, tandis que les exportations (+ 15,4 %) progressaient plus vite que les importations (+ 12,5 %), ce qui a permis un rééquilibrage de la balance commerciale.

À l'inverse de 1971, mais conformément aux années précédentes, la chimie organique a fait nettement mieux que la chimie minérale : + 14 % contre + 1,7 %. Il faut dire que la mise en service en milieu d'année de deux nouveaux steam-cracking, d'où l'on tire notamment l'éthylène, a contribué pour une bonne part à cet accroissement.

En chimie minérale, la faiblesse de l'expansion s'est surtout fait sentir dans les engrais, en particulier les engrais azotés (baisse de 0,5 % de la production). Il est vrai que les stocks s'étaient accumulés au cours de 1971 et que les médiocres conditions climatiques du début de 1972 ne favorisaient guère la consommation. Depuis la fin de 1972, on constate un retournement de conjoncture dans ce secteur, malgré l'augmentation régulière des importations. Dans la parachimie, dont le taux de croissance a été de 8,5 %, les peintures ont suivi la forte activité des industries de l'automobile et du bâtiment.

Fibres

Le haut niveau d'activité de 1972, qui s'est maintenu pendant la première partie de 1973, ne doit pas masquer certaines faiblesses structurelles de l'industrie chimique française. Ayant insuffisamment investi au cours des années 60, les entreprises françaises se sont laissé distancer par leurs concurrents européens, en particulier dans deux domaines significatifs : les fibres et les plastiques.

Le rattrapage de ce retard nécessitera des investissements considérables, qui ont été partiellement différés en 1972 à cause de la surproduction européenne. Pour être au niveau, il faudra bien mettre un jour les projets en œuvre. Selon les estimations de la Royal Dutch Shell, il faudrait à l'Europe, d'ici 1980, 6 millions de tonnes supplémentaires d'éthylène (produit de base dans les fibres et les plastiques), soit au total 13 unités géantes de 450 000 t, pour satisfaire la demande nouvelle. Or, 40 compagnies produisent de l'éthylène en Europe ! Tout candidat français à un nouveau projet (Elf-Total, Chimique des Charbonnages ou Rhône-Poulenc sont des candidats potentiels) risque donc de perturber gravement un marché à peine remis de ses secousses des années 1970-71.

Cartellisation

Pour résoudre le dilemme croissance/surproduction, les entreprises européennes ont tenté de mettre en place, en 1972, un système de concertation sur les investissements, système combattu par les autorités de la CEE, au nom de l'article 85 du traité de Rome sur les accords restrictifs entre producteurs.

Ces mêmes autorités reconnaissent qu'en ce qui concerne les unités géantes « un certain échange de statistiques pourrait être toléré, sous contrôle des autorités communautaires ». Nous allons donc vraisemblablement vers une décennie de croissance plus faible que par le passé (6 à 7 % par an contre 13 % de 1960 à 1970 ou 12,5 % selon les prévisions du... VIe Plan), avec une recherche de plus en plus grande de cartellisation déguisée.

Les compagnies les mieux placées pour tirer leur épingle du jeu seront alors celles qui disposeront de produits très spécialisés ou protégés par des brevets (polyuréthane chez Bayer, films chez BASF, produits pharmaceutiques chez Rhône-Poulenc) pour leur permettre de souffler avant que le grand voisin ne vienne les attaquer sur leur terrain. En attendant que les Japonais, d'ores et déjà présents dans les polyesters, notamment en Grèce et au Portugal, petits pays en voie de développement, ne se mettent de la partie.

Décidément on ne s'amuse plus guère dans l'industrie chimique.

Textiles

Des résultats positifs, liés aux exportations

Le fameux retournement de conjoncture guetté par tous les observateurs depuis le second semestre de 1972 n'a finalement pas eu lieu et l'industrie textile a entamé l'année 1973 sur sa lancée, en utilisant à plein ses capacités de production.