Les petits commerçants au bord de la faillite sont fort heureusement beaucoup moins nombreux que leurs défenseurs inconditionnels voudraient le faire croire. Nul ne peut dire avec précision leur nombre, les statistiques commerciales comportant des lacunes. Mais il est sans nul doute très exagéré de penser que la moitié des petits patrons sont à la veille de succomber. Des experts dignes de foi avancent les pourcentages de 10 à 15 %.

Concentration

Deux chiffres sont, à cet égard, à prendre en considération : en 1972, il y a 6 509 entreprises personnelles de moins qu'un an plus tôt, mais 8 542 sociétés de personnes de plus. Le nombre des sociétés de capitaux a augmenté d'autre part de 3 220 en un an. Une bonne part des créations de sociétés de personnes sont le fait de commerçants indépendants qui ont réussi. Lorsque les affaires d'un petit boutiquier marchent bien, il réinvestit tout naturellement ses bénéfices dans un second point de vente, et bientôt il crée avec quelques proches une société de personnes, sous une forme juridique ou sous une autre.

Cette augmentation des établissements commerciaux ne signifie donc pas du tout que les bouleversements commerciaux sont terminés, ni que le petit commerce – au sens où l'entend Gérard Nicoud – va renaître de ses cendres. Elle traduit plutôt une nouvelle phase de la concentration commerciale.

Le petit commerçant indépendant qui réussit change de camp et ouvre à son tour une chaîne (même petite, même réduite à trois ou quatre unités) de magasins succursalistes, voire des supermarchés ou des hypermarchés. Près du quart (23,6 %) du chiffre d'affaires du commerce de détail alimentaire indépendant est réalisé dans des magasins de grande surface. Une étude de l'AFRESCO (Association française de recherches et d'études statistiques commerciales) portant sur neuf départements français révèle que les commerçants indépendants exploitent 11 hypermarchés sur 29, et 58 % des supermarchés (soit 177 sur 306). Cette activité est surtout le fait de commerçants associés dans des chaînes volontaires ou des centrales d'achat. En revanche, les tentatives des commerçants pour créer des magasins collectifs (il en existe une vingtaine) sont loin d'avoir été couronnées de succès : 43 commerçants fort respectables des Pyrénées-Atlantiques en ont fait la triste expérience en lançant le Centor de Pau. Après 9 mois d'exploitation il arbore l'enseigne Carrefour.

La gestion des hypermarchés est en effet un métier très différent des autres formes de commerce, petite boutique ou grand magasin. Le groupe Printemps, entre les mains du groupe suisse Maus, qui avait créé les hypermarchés Escale, en a confié la gestion au groupe Euromarché, filiale spécialisée de Viniprix, la Beaujolaise et Berthier-Saveco.

Remous

Les grandes sociétés commerciales, elles aussi, connaissent des remous : les grands magasins tentent de rationaliser une gestion alourdie par le poids des ans, et ouvrent des unités de vente dans les centres commerciaux périphériques ; certains groupes, comme Promodes, apparaissent avec tous les signes de la réussite, en rénovant leur activité de grossistes et en ouvrant des hypermarchés (Continent) ; d'autres, comme le groupe Taittinger (champagnes et hôtels de luxe), réduisent peu à peu leur activité commerciale : le Louvre de la rue de Rivoli a été vendu à Argyle, filiale du groupe anglais Cavenham, qui en fera des bureaux. L'entrée de la Grande-Bretagne dans le Marché commun s'accompagne (sans qu'on puisse y voir de relation absolue de cause à effet) d'opérations immobilières, mais aussi de prises de contrôle d'affaires commerciales. Les boucheries Bernard (quatre magasins de bonne surface en discount) ont ainsi accepté la tutelle du groupe Matthews (277 boucheries dans la région de Londres) pour assurer leur expansion. Les 100 000 Chemises (deux usines de fabrication et une quarantaine de magasins spécialisés dans la confection masculine) sont maintenant passés dans l'orbite de Great Universal Stores (5,7 milliards de francs de chiffre d'affaires, 40 % de la vente par correspondance britannique et 250 magasins outre-Manche). Le CCC est, de son côté, dirigé maintenant par Acrecrest Ltd, associé pour l'occasion avec Phœnix Insurance Co. Enfin, Marks and Spencer, premier groupe commercial anglais, a annoncé son intention de créer un magasin à Paris, et le groupe House of Fraser compte bien installer, toujours à Paris, un grand magasin de luxe.

Transports

Une évolution inquiétante malgré de bons résultats

Baignant dans le climat économique général, l'ensemble des secteurs des transports traversent une période d'activité satisfaisante, mais la progression de leurs résultats traduit mal, en fait, certaines évolutions qui peuvent être qualifiées d'inquiétantes.

Train

La SNCF a enregistré en 1972 une augmentation de 4,5 % de son trafic de voyageurs (41,1 millions de passagers-kilomètres), notamment grâce à ses trafics les plus rentables (trains rapides, places couchées, trains-autos) ; quoique moins brillant, le trafic marchandises a tout de même crû de 2 %, pour la première fois depuis 1970, et atteint 68 millions de t/km malgré la rapide diminution des transports de charbon.