L'essor de la civilisation industrielle avec ses nuisances donne une importance nouvelle à l'étude des processus d'adaptation. L'Institut national de santé et de recherche médicale (INSERM) leur a consacré un colloque, qui s'est tenu à Toulouse du 7 au 9 octobre 1971, au cours duquel on a distingué trois mécanismes différents d'adaptation.

Le premier est l'adaptation génétique : dans une population composée d'individus de caractéristiques variées, les individus les mieux adaptés sont favorisés par rapport aux autres. Ils ont tendance à vivre plus longtemps et à laisser un plus grand nombre de descendants. Après une série de générations, il s'est opéré un tri parmi les caractères héréditaires et le nouveau type moyen du groupe est fixé définitivement.

Un exemple connu est celui des habitants des Andes, qui vivent à 3 000, voire à 4 000 m d'altitude. Leur système respiratoire et cardiovasculaire est adapté à une atmosphère raréfiée. Leurs enzymes respiratoires sont plus abondantes que chez les gens de la plaine. Ils sont moins sensibles à une augmentation de la teneur du sang en gaz carbonique. S'ils descendent dans la plaine, ils s'adaptent très mal au climat et ne résistent pas généralement aux infections. L'adaptation génétique a ainsi abouti à la création d'un groupe spécialisé, dont les caractères sont irréversibles.

Une réponse rationnelle

Second type d'adaptation : l'acclimatation, qui s'efface dès que disparaît la cause déclenchante. Ainsi, en montagne, l'homme européen, habitant des plaines, lutte contre le manque d'oxygène par une augmentation du nombre de ses globules rouges. Cette polyglobulie d'altitude disparaît dès le retour en plaine. L'indigène des Andes ne présente pas de polyglobulie, mais un équipement enzymatique spécial et permanent.

Enfin, le colloque de Toulouse a défini une adaptation psychologique, ou culturelle, particulière à l'espèce humaine. L'homme analyse les exigences du milieu et y apporte une réponse rationnelle grâce aux instruments qu'il fabrique à cette fin. Il peut vivre dans l'espace interplanétaire comme dans les profondeurs marines. Cette forme d'adaptation s'associe souvent à l'acclimatation ou même à une prédisposition génétique : certains individus supportent mieux que d'autres l'absence de pesanteur. Des écrivains de science-fiction pourraient imaginer que, grâce à une longue sélection, on arrive à créer des lignées de cosmonautes.

De l'évolution prébiotique à l'évolution biologique

Poursuivant, dans les laboratoires de la NASA, ses recherches sur les acides aminés des météorites (Journal de l'année 1970-71), Cyril Ponnamperuma a repris l'examen de la célèbre météorite qui explosa en fragments avant de toucher le sol à Orgueil, près de Montauban, le 14 mai 1864, et qui a fait l'objet de controverses passionnées.

Des biologistes avaient cru y discerner au microscope des structures cellulaires. L'analyse y a décelé plusieurs hydrocarbures et, récemment, des acides aminés, dont la plupart des chercheurs ont attribué l'origine à une contamination par des matières organiques terrestres. Grâce à un nouveau procédé qui permet de distinguer, même dans des traces très faibles de substances organiques, les molécules D (dextrogyres : déviant à droite le plan de la lumière polarisée) des molécules L (lévogyres : déviant ce plan à gauche), Ponnamperuma a établi que les acides aminés de la météorite d'Orgueil sont racémiques, c'est-à-dire qu'ils contiennent en proportions égales des molécules D et L.

Ils ne peuvent donc provenir d'organismes vivants, chez lesquels prédomine la forme L. Il est probable que ces acides aminés existent en dehors de la Terre, et qu'ils ont été synthétisés sans intervention d'organismes vivants.

Cette découverte vient renforcer la thèse d'Alexandre Oparine, selon laquelle les acides aminés, éléments constitutifs des protéines de la cellule vivante, ont été synthétisés dans les conditions qui régnaient sur la Terre il y a quelque 4 milliards d'années, au cours d'une évolution chimique antérieure à la vie. Dans la suite de cette évolution se seraient formés les premiers organismes vivants (Journal de l'année 1969-70).

Premières enzymes

Le point de passage de l'évolution prébiotique à l'évolution biologique a dû être caractérisé par la synthèse des premières enzymes, protéines qui catalysent les échanges chimiques propres à la vie. La recherche sur les mécanismes enzymatiques primitifs a été marquée, en 1971, par des travaux décisifs, poursuivis simultanément dans plusieurs laboratoires, sur les ferrédoxines, protéines de petite taille, dont la chaîne ne comprend que 50 à 100 acides aminés. Les ferrédoxines les plus simples se trouvent actuellement dans les bactéries anaérobies, vraisemblablement proches des premiers êtres vivants.