L'expérience ne fut pas concluante. Les enfants étaient probablement trop gravement touchés pour être guéris. Elle ne fut pourtant pas négative : on a observé dans leur organisme une remontée du taux d'arginine.

L'idiotie amaurotique

En dehors de l'intervention directe tendant à modifier le programme génétique, la possibilité (déjà effective dans de nombreux cas) de diagnostiquer à la naissance ou même avant, des tares génétiques pose à la médecine des problèmes nouveaux de déontologie. Un cas frappant est celui de l'idiotie amaurotique, dégénérescence du système nerveux central dont les premiers signes cliniques n'apparaissent que vers le sixième mois de la vie et qui aboutit inéluctablement à la mort du petit malade vers l'âge de deux à trois ans.

On ne connaît actuellement aucun moyen de pallier cette tare, mais on en a découvert la cause : l'absence d'une enzyme nécessaire à la dégradation de certaines graisses, qui s'accumulent alors dans le tissu nerveux et le détruisent peu à peu. Il s'agit d'une tare génétique récessive, ne se manifestant que chez un enfant sur quatre lorsque les parents sont tous deux porteurs du gène défectueux.

Il est possible de détecter les adultes porteurs de la tare récessive et, d'autre part, de diagnostiquer la maladie chez le fœtus, par un prélèvement du liquide amniotique. Il se trouve enfin que l'idiotie amaurotique frappe principalement des familles juives originaires de l'ancienne frontière russo-polonaise, chez qui elle a dû se répandre à la suite de mutations accidentelles.

Ces familles sont très nombreuses aux États-Unis, où un dépistage systématique chez 10 000 sujets de ce groupe ethnique a permis de déceler 300 porteurs de la tare. Ce dépistage permet d'avertir les intéressés des dangers que court leur descendance s'ils viennent à se marier entre eux. Il permet aussi, lorsqu'un tel mariage a lieu, de surveiller le fœtus et d'interrompre la grossesse si la maladie est diagnostiquée. Un effort de persuasion sur les porteurs de la tare, pour les faire renoncer complètement à procréer, aboutirait évidemment à l'extinction de l'idiotie amaurotique dans le groupe ethnique concerné. Mais la légitimité d'une telle pression morale soulève de violentes controverses aux États-Unis. Les désaccords sont encore bien plus vifs quand il s'agit de l'avortement provoqué.

Un problème semblable — et qui risque de se compliquer d'aspects politiques — est posé par une autre tare récessive, l'anémie à cellules falciformes, qui frappe 10 % des Noirs américains.

L'institut de bioéthique

Devant la rapidité avec laquelle progressent les recherches, certains se demandent s'il est sage de laisser les biologistes jouer avec le patrimoine héréditaire de l'homme.

Pour tenter de répondre à cette importante question, divers colloques se sont tenus un peu partout dans le monde, notamment à Bâle et à Washington. Aux États-Unis vient d'être fondé, à l'université de Georgetown, le premier institut de bioéthique. Médecins, biologistes, philosophes, théologiens, sociologues, psychologues viendront y étudier en commun les problèmes créés par le développement du génie génétique.

La fondation Kennedy, qui s'occupe des enfants anormaux, est à l'origine de cet institut, dont la direction a été confiée à l'ancien conseiller scientifique du pape Paul VI, le professeur A. Helleghers. Au programme des premières enquêtes sont inscrites des recherches sur les conséquences prévisibles des fécondations hors de l'organisme (que certains ont déjà demandé au Sénat américain d'interdire) et du diagnostic prénatal des maladies héréditaires par examen des chromosomes du fœtus. On étudiera aussi l'avenir des transplantations de gènes, des greffes, des tentatives de chirurgie du fœtus.

L'idiotie amaurotique se transmet selon le schéma classique des tares récessives. Deux parents, en apparence normaux, mais porteurs tous deux du caractère récessif, donnent naissance (en moyenne statistique) à 25 % d'idiots amaurotiques, 25 % d'indemnes et 50 % d'enfants vivant normalement, mais porteurs de la tare. Lorsqu'un des parents seulement porte le gène pathologique, 75 % des enfants seront parfaitement normaux, 25 % d'apparence normale, mais porteurs de la tare. L'éradication complète de la maladie exigerait donc l'interruption de la grossesse, non seulement lorsqu'il s'agit d'empêcher la naissance d'un futur idiot, mais aussi dans tous les cas où le fœtus — même destiné à grandir normalement — porterait le caractère récessif, ce qui soulève évidemment de graves objections morales.

L'adaptation : nouveaux problèmes

L'adaptation est un phénomène essentiel en biologie : elle permet aux êtres vivants de survivre aux modifications de leur milieu. Plus les conditions ambiantes sont sévères, plus les populations animales ou humaines qui s'y trouvent présentent des phénomènes adaptatifs marqués.