Le décalage entre les appels naguère lancés aux vocations scientifiques et les possibilités réellement offertes aux étudiants qui s'engagent dans cette voie alimente le désenchantement à l'égard de la science. Cet état d'esprit se justifierait-il aussi par les déceptions qu'apporteraient les derniers résultats de la recherche scientifique et technique ?

En fait, les ralentissements ou les piétinements apparaissent surtout là où l'activité de recherche interfère avec les difficultés nées de la conjoncture économique. L'informatique en est un exemple. Alors qu'on voit paraître sur le marché des terminaux toujours plus perfectionnés et plus miniaturisés, la chute spectaculaire des ventes et des locations de matériel lourd ne peut que ralentir la recherche en matière d'ordinateurs.

Il est vrai qu'après des années de découvertes triomphales la biologie et la médecine semblent ne plus progresser que pas à pas. Elles avancent pourtant, comme le montrent notamment les nouvelles techniques de prévention et de diagnostic de la maladie coronarienne. Mais au cours du dernier trimestre 1971, le professeur Marion, de Lyon, a dû abandonner faute de crédits les recherches qu'il poursuivait avec succès pour la création d'un cœur artificiel.

Une fin en soi

Pour le grand public, l'habitude a quelque peu émoussé l'attrait sportif de l'aventure spatiale. Cependant les nouvelles informations apportées par l'exploration de la Lune et de Mars, celles que promettent les sondes lancées vers les planètes lointaines ouvrent des perspectives exaltantes à la connaissance du système solaire et de ses origines. La découverte incessante d'objets d'une nature inconnue dans l'espace lointain pose à l'astrophysique et à la cosmogonie des problèmes fondamentaux, qu'aideront sans doute à résoudre les prochains observatoires orbitaux.

Les succès enregistrés dans ce domaine et dans quelques autres rappellent que la valeur de la recherche ne saurait se mesurer seulement à ses incidences économiques. Sans doute est-il bon d'accorder à ces dernières plus d'attention qu'on n'a fait jusqu'ici, ce qui justifie l'extension des crédits accordés aux sciences humaines et le développement de ce qu'on a appelé « la science de la science ». Mais on ne saurait oublier que la conquête du savoir demeure, pour l'humanité, une fin en soi.

La Terre et l'espace

Le Centre national d'études spatiales a dix ans

1961 : année mémorable. Février voit le départ de la première sonde interplanétaire Venera, envoyée par les Soviétiques à la découverte de Vénus. Le 12 avril, Youri Gagarine, premier homme satellisé, fait le tour de la Terre. Les 6 et 7 août, enfin, en restant vingt-cinq heures dans l'espace, Gherman Titov confirme que les voyages spatiaux sont permis à l'homme.

Pendant que l'URSS exploite à fond sa percée et que les États-Unis fournissent un effort gigantesque pour combler leur retard, une loi du 19 décembre dote la France d'un Centre national d'études spatiales. Longtemps, cet organisme scientifique n'est qu'un sigle de plus, le CNES, dont l'apparition, pleine de promesses pour les initiés, laisse indifférent un public absorbé par le match que se livrent dans l'espace les deux grands (le 19 décembre, c'est un Ranger américain qui tient la vedette : il s'écrase sur le sol lunaire sans avoir accompli sa mission).

Une série de succès

En décembre 1971, le CNES fête son dixième anniversaire, et les choses ont bien changé. À partir de rien, une fuséologie française a été créée, un matériel scientifique nouveau conçu, toute une infrastructure organisée et une pléiade de spécialistes formée : cela avec des crédits dérisoires en regard de ce qui était investi par les grands de l'espace.

À partir du 26 novembre 1965 débute la brillante réussite du lanceur Diamant A : quatre tirs, autant de satellisations réussies d'emblée. Malgré ses budgets fabuleux, le premier lanceur américain, le tristement célèbre Vanguard, n'a réussi sa première satellisation qu'au troisième lancement, et sur les 13 tirs Vanguard, seuls 3 satellites sont mis en orbite.