Enfin, la collaboration avec l'Union soviétique souffre non seulement du secret qui pèse sur la recherche spatiale dans ce pays, mais aussi de l'impossibilité virtuelle, pour un allié des États-Unis, d'envisager soit des opérations importantes telles que l'hypothétique achat d'un satellite de télécommunications Molniya pouvant concurrencer ceux de l'Intelsat (contrôlés par les Américains), soit des programmes qui feraient bénéficier les Soviétiques de progrès technologiques accomplis en Occident.

Hors de ces domaines réservés, la collaboration s'est considérablement développée.

Moscou-Washington

Réuni à Moscou du 9 au 13 octobre 1971, le groupe de travail constitué au début de l'année par la NASA et par l'Académie des sciences de l'URSS a abouti à un accord qui prévoit l'échange d'informations de caractère médical et biologique avant, pendant et après les vols d'engins habités lancés par les deux puissances. Des spécialistes en biomédecine spatiale américains et soviétiques se rencontrent chaque année.

Les doux pays se sont engagés à normaliser leurs méthodes lors des futurs programmes spatiaux, afin que les données acquises par l'un puissent être aisément exploitées par l'autre.

Lors de la réunion suivante, qui a lieu aux États-Unis en mai 1972, de nouveaux accords sont conclus en vue d'uniformiser la terminologie en usage dans les services de médecine et de biologie spatiales des deux pays ; une première étude est faite sur les conditions dans lesquelles des spécialistes de chacun des deux pays peuvent travailler dans les laboratoires de l'autre.

Il a été convenu que les États-Unis et l'URSS échangeraient rapidement les informations recueillies par leurs sondes martiennes. Dès le 18 novembre 1971, le Dr Scheiderman, directeur de l'opération Mariner 9, communiquait par téléscripteur au Dr Jouline, de l'Académie des sciences de l'URSS, les premiers résultats acquis par la sonde, satellisée autour de Mars l'avant-veille.

Par la suite, communications et entretiens se sont multipliés en vue de mettre au point un programme improvisé d'expériences fondées sur l'emploi commun des deux Mars soviétiques et du Mariner américain.

Enfin, la NASA et l'Académie des sciences de l'URSS ont échangé des échantillons du sol lunaire ramenés par les astronautes du programme Apollo et par les sondes automatiques Luna.

Le 24 mai 1972, lors du voyage de Nixon à Moscou, deux accords de coopération sont signés : l'un dans le domaine spatial, l'autre dans le domaine scientifique et technique.

L'Europe spatiale

En décembre 1971, le Conseil du CERS-ESRO met fin à la crise que traversait l'organisation européenne (Journal de l'année 1970-71). Conformément au point de vue commun de la France — qui avait menacé de se retirer de l'organisation —, de l'Allemagne, de l'Italie et de la Grande-Bretagne, un programme et des budgets ont été approuvés pour la période 1972-77. Ils tournent résolument le dos à une tradition qui prétendait limiter les activités du CERS à la recherche pure. Désormais, le but de l'organisation sera surtout de fournir à l'Europe les satellites d'applications qui la rendront indépendante des États-Unis : des satellites Aérosat pour le contrôle de la navigation aérienne, un satellite météorologique Météosat, un satellite de télécommunications dérivé du Symphonie franco-allemand. En outre, des études sont entreprises pour la mise au point d'un satellite détecteur des ressources terrestres, ainsi que d'un autre capable de diffuser des programmes de télévision pouvant être reçus directement par les téléviseurs.

L'organisation achètera de préférence des lanceurs européens, si toutefois leur prix ne dépasse pas 125 % du prix américain. Pour les opérations d'intérêt commercial auxquelles les États-Unis refusent systématiquement leurs fusées, le lanceur européen sera acheté au prix de revient, quel qu'il soit.

Ainsi, avec l'Aérosat, le gouvernement américain s'est trouvé pour la première fois en présence d'un programme européen élaboré et de propositions concrètes de participation des États-Unis, sur un pied d'égalité, à l'installation, au-dessus de l'Atlantique et du Pacifique, de deux satellites destinés à faciliter et à régler la navigation aérienne.