Cette rencontre annuelle, suggérée par la Commission de l'agriculture du VIe Plan, acceptée par le Premier ministre, n'a pas cependant des objectifs aussi ambitieux que le souhaitait le Congrès de la FNSEA, séduit par la revue annuelle (Annual review) britannique. Il s'agit, selon M. Cointat, que la profession fasse le point avec ses collaborateurs avant d'aller transmettre au Premier ministre le résultat des travaux. Au moment où les syndicats ouvriers regimbent devant les contrats de progrès, les agriculteurs s'interrogent sur l'utilité de s'engager vis-à-vis de l'État.

Le crédit agricole se ruralise

Une réforme du Crédit agricole mutuel est présentée par Jacques Duhamel devant l'Assemblée générale de la Fédération nationale du Crédit agricole, réunie à La Baule du 14 au 16 septembre 1970. Établie d'après des conclusions de la commission Brossolette et du rapport Blot, cette réforme élargit les activités des caisses à « toute la ruralité, mais rien que la ruralité », selon l'expression du ministre.

La réforme, dont la mise en œuvre demandera de longues mises au point pratiques, consiste à ouvrir plus largement l'activité du Crédit agricole dans les communes rurales (ayant moins de 5 000 habitants groupés au chef-lieu).

Recevant des dépôts de n'importe quelle catégorie de Français, le Crédit agricole ne pouvait jusque-là accorder des prêts qu'à ses sociétaires : les agriculteurs et leurs organisations, certains artisans ruraux et les collectivités locales pour certains travaux.

Compétences étendues

Désormais, le Crédit agricole pourra apporter son concours à tous les artisans ruraux et aux membres de certaines professions libérales exerçant en milieu rural ; aux collectivités publiques, plus largement, pour la circulation, l'adduction d'eau, l'équipement touristique.

En outre, il pourra financer la création ou l'extension de toute entreprise industrielle, commerciale, touristique et de services, non seulement dans les communes de moins de 5 000 habitants, mais dans l'ensemble des quatre zones de rénovation rurale (Bretagne, Auvergne, Limousin, montagne).

Sur l'ensemble du territoire, il pourra aider l'industrie agricole et alimentaire.

Le Crédit agricole voulait pouvoir accorder des prêts au logement à l'ensemble de ses clients ; cette possibilité lui est accordée pour les villes de moins de 50 000 habitants dans les quatre zones de rénovation.

Cet élargissement du champ de compétence est assorti d'un assujettissement à la patente des caisses de crédit.

Responsabilités nouvelles

Il s'accompagne également d'une extension des responsabilités des caisses : le Crédit agricole n'est plus seulement un distributeur de prêts accordés automatiquement à des ayants droit déterminés par les pouvoirs publics, ces derniers finançant la bonification des intérêts. Désormais, le Crédit agricole devra faire des choix et, sous sa responsabilité, en avertit Jacques Mayoux, directeur général de la Caisse nationale, qui appelle les caisses régionales et la profession à travailler « à conserver les droits moraux et financiers de l'agriculture sur une institution qu'elle a créée et gérée elle-même ».

Première illustration de la nouvelle politique du crédit impartie à l'institution mutualiste : les caisses régionales peuvent désormais accorder des prêts fonciers sans limitation ni condition de surface, mais aussi sans bonification d'intérêt, aux agriculteurs et aux non-agriculteurs, « dès lors qu'il y va de l'intérêt de l'agriculture ».

Si les rapports entre les ministères de tutelle et le Crédit agricole se normalisent au niveau de la définition des tâches à accomplir et du partage des responsabilités, les rapports quotidiens restent tendus tout au long de l'année, du fait notamment de l'encadrement du crédit particulièrement sensible dans un secteur professionnel fortement endetté.