Médiocre enfin pour les grands magasins : les baisses de leurs valeurs en Bourse ont souvent été supérieures à 25 % au cours de l'année 1970. Les résultats d'exploitation révélaient dès le premier semestre 1971 des pertes inquiétantes. Enfin, de nombreux conflits sociaux ont éclaté : grève de la faim ou sur le tas dans différents magasins des Nouvelles Galeries, pour obtenir la signature d'un accord d'entreprise pour l'ensemble des magasins du groupe ; grève à la Redoute, à Roubaix ; manifestation massive des calicots parisiens rue de Rivoli, devant le ministère des Finances, en octobre 1970, etc.

Un mal profond

Selon les dirigeants des grands magasins, ce mal profond a des causes multiples : mauvaise conjoncture, mode incertaine, charges salariales et sociales trop lourdes, difficultés croissantes de circulation dans le cœur des villes ; frais financiers très lourds dus à des investissements massifs à une époque où le loyer de l'argent est très élevé. À ces causes générales s'ajoutent, pour certains, des circonstances particulières ; pour le Printemps, le manque à gagner dû à la fermeture du magasin Brummel pendant les travaux de rénovation ; pour les Galeries Lafayette, la difficile et progressive amputation de ce membre gangrené qu'était son secteur ventes par correspondance (plus de 60 millions de francs de pertes en trois ans), vendu en août 1970 à la société allemande de VPC Schwab (filiale à 97 % du groupe américain Singer).

Mais il y a d'autres raisons que celles qui sont avancées par les professionnels. Bien qu'ils se soient lancés à corps perdu dans l'installation d'unités extra-muros : magasins traditionnels dans des centres commerciaux (où les grands magasins jouent le rôle de pôle d'attraction), nouvelles formules comme les magasins de nouveautés en face d'hypermarchés (les Primevères du Printemps), ou encore comme les garden-centers et autres auto-centers, les grands magasins ont vieilli, ils se sont sclérosés.

La définition et la mise en œuvre de politiques commerciales nouvelles, de politiques d'embauché, de salaires et de promotion mieux adaptées, de méthodes de gestion plus rationnelles aideraient sans doute les grands magasins à améliorer notablement leurs résultats. Les grands magasins attendent un nouveau Boucicaut. Car la formule n'est pas condamnée, comme le prouvent les succès de certains grands magasins à l'étranger (Marks and Spencer, en Grande-Bretagne, par exemple).

Agriculture

L'Europe verte toujours en question

Le président Pompidou manifeste beaucoup de sollicitude à l'égard des agriculteurs. Dans sa conférence de presse du 2 juillet 1970, il affirme : « Ils ont toujours eu mon soutien et ils l'auront toujours. L'exploitation familiale doit rester la base de notre agriculture » ; et un an plus tard, le 26 juin 1971 : « Nous voulons sauvegarder les exploitations familiales pour des raisons sociales évidentes, pour des raisons politiques évidentes et aussi pour des raisons d'environnement et de paysage. Il faut sauver la nature cultivée et habitée ; une autre nature est une nature funèbre. » C'est le discours de Saint-Flour, au cœur de l'Auvergne, l'une de ces régions promises, selon le plan Mansholt, ou plutôt selon sa caricature, au reboisement ou à l'abandon.

De la part du chef de l'État, c'est le même propos rassurant à l'égard d'une paysannerie toujours inquiète, qui subit en première ligne des chocs répétés :
– chocs résultant des manipulations monétaires (la flottaison du mark à partir du 9 mai brise à nouveau l'unité du Marché commun agricole, déjà atteinte par la dévaluation du franc et la réévaluation du mark l'année précédente) ;
– chocs psychologiques vis-à-vis d'un VIe Plan qui met le cap sur l'industrialisation du pays ;
– incertitudes devant un Marché commun qui ouvre ses portes à de nouveaux partenaires aux agricultures très compétitives ; les paysans français vivent, bon gré mal gré, à l'heure européenne.

Manifestations

Dès l'été 1970, la crise qui sévit sur le marché des fruits annonce les signes précurseurs du mécontentement. Les producteurs du Midi viennent distribuer leurs raisins invendus dans la capitale. L'insuffisance de la réglementation communautaire est mise en cause. Prévoyant une récolte très abondante, les vignerons mettent en garde Jacques Duhamel contre les lacunes du Marché commun du vin qui va fonctionner cette année pour la première fois.