Si 1969 avait été l'année Willot (prise de contrôle de Saint Frères, de la Belle Jardinière et du Bon Marché), 1970 aura été l'année Dollfus-Mieg. Plus prudents, plus industriels que les frères Willot (dont la grande spécialité semble être la gestion immobilière), les hommes de Jacques Biosse-Duplan, PDG de DMC, recueillent aujourd'hui les égarés de l'industrie textile. Parmi leurs opérations récentes, citons la prise de contrôle du département linge de maison d'Albert Masurel (chiffre d'affaires 1969 : 112 millions de francs) — le reste de la société allant au groupe Révillon —, ainsi qu'une percée dans la distribution à l'occasion d'une prise de participation de 15 % — à égalité avec Rhône-Poulenc — dans les filatures de laine peignée de la région de Fourmies, qui, à la suite d'une émission d'obligations convertibles, se sont assuré 30 % du capital d'un des grands de la confection, Armand Thiéry-Sigrand. Avec un chiffre d'affaires 1970 proche du milliard de francs et un chiffre d'affaires de sociétés contrôlées d'environ 1,5 milliard, DMC apparaît comme un challenger parfaitement valable d'Agache-Willot.

Ce dernier a profité de 1970 pour redistribuer certaines cartes à l'intérieur du groupe, en fusionnant notamment les activités de distribution des deux grands magasins : le Bon Marché et la Belle Jardinière.

Un empire qui s'effrite

La grande inconnue du textile reste aujourd'hui le sort du groupe Boussac, isolé dans un secteur où les mariages se succèdent. Témoin : le pourcentage de la filature totale de coton réalisé par les dix première groupes est aujourd'hui de 49 %, contre 42,5 % en 1968, ces chiffres étant, pour le tissage, de 47,5 % et de 38 %. Or, Boussac, avec ses 550 millions de francs de chiffre d'affaires, reste un groupe isolé. Marcel Boussac (quatre-vingt-deux ans) a vu depuis dix ans son empire s'effriter sous ses pieds. Pressé par ses créanciers, convoité par les frères Willot et, dans une moindre mesure, par Prouvost-Masurel, courtisé par l'Institut de développement industriel, Marcel Boussac a repoussé ces avances et s'accroche à la barre. En laissant la part de Moët et Chandon dans les parfums Christian Dior passer de 50 à 70 % (tandis que la sienne baissait de 50 à 30 %), il a reçu 35 millions de francs d'argent frais, qui lui ont permis de faire face à des échéances. Sans plus. Les 800 licenciés dans les Vosges et les 1 300 dans le Nord ne sont-ils pas le signe avant-coureur de nouvelles compressions d'effectifs inévitables si l'on veut améliorer la productivité d'une entreprise dont le chiffre d'affaires par employé est inférieur de 50 % à celui de Dollfus-Mieg ?

Au total, malgré ses regroupements (les grands groupes français sont les plus puissants d'Europe continentale), malgré ses percées dans la bonneterie (Lévy, Bégy, Prouvost-Masurel), le non-tissé (DMC), le tapis (Sommer), l'industrie textile française reste fragile. Dans dix ans, si la CEE reste libérale à l'égard des achats aux pays en vole de développement, on peut s'attendre à une évolution comparable à celle qui s'est produite à partir de 1945 en Grande-Bretagne : disparition quasi totale des petites unités, compression d'effectifs et riblonnage des métiers, constitution de trois ou quatre grands groupes très intégrés et dotés de puissants moyens de recherche.

Transports

Des choix difficiles

Année-symbole, à plusieurs points de vue : quand chacun fera ses comptes, le 31 décembre 1971, on devrait constater que, pour la première fois en France, les routiers auront transporté davantage de marchandises que les cheminots. Déjà, à la fin de 1970, la primauté de la SNCF se trouvait réduite à peu de chose et la tendance ne laissait guère de doute : 70 milliards de tonnes-kilomètres transportées par le rail, contre 68 milliards par la route ; un taux de progression 1969-1970 de 4,7 % pour l'une, de 12 % pour l'autre. C'est une évolution qui semble inéluctable et qui est d'ailleurs plus avancée dans les autres pays développés.

Il serait pourtant trop simple d'y voir le triomphe définitif d'une forme de transport moderne sur une formule dépassée.

Taxe de transport payée par les entreprises : les employeurs de la région parisienne participeront directement au financement des transports en commun. La loi adoptée le 11 mai 1971 fait partie d'un plan d'ensemble, devant assurer la priorité aux transports en commun.