En fait, c'est une européanisation de l'indemnité viagère de départ (IVD) créée par la France. Mais les conditions d'octroi de cette IVD (remboursée jusqu'à concurrence de 3 330 F par IVD par la Caisse européenne) sont sur certains points plus avantageuses que les conditions françaises. Selon Bruxelles, l'IVD peut être accordée dès 55 ans (60 ans jusqu'ici en France). Dans l'esprit des décisions de Bruxelles, les États membres peuvent, s'ils le veulent, accorder des aides nationales complémentaires sur leurs propres deniers : pour l'IVD comme pour les autres mesures en faveur des agriculteurs qui restent à la terre (bonification d'intérêts), qui souhaitent cesser leur activité ou qui améliorent la commercialisation de leurs produits, le Fonds européen agricole (FEOGA) contribuera au financement de ces actions communes jusqu'à concurrence de 25 % des dépenses dans les régions agricoles défavorisées.

Pour la France, qui consacre depuis bientôt deux ans une part croissante de son budget à la mise en œuvre de mesures socio-structurelles, il n'y a, en fait, dans les dispositions arrêtées à Bruxelles, que deux éléments nouveaux : une perspective d'économie budgétaire et la possibilité offerte à chaque agriculteur de bénéficier, quelle que soit sa position économique et sociale de départ, d'aides sélectives, à la seule condition de présenter un plan de développement rationnel de la production. C'est la « porte ouverte à tous », souligne Michel Debatisse, secrétaire général de la FNSEA. M. Cointat charge ses collaborateurs de préparer l'ajustement de la législation agricole française aux nouvelles dispositions communautaires.

Relèvement des prix

Le relèvement des prix européens de la campagne 1971-72 (lait et viande : 6 % ; blé : 2 % ; orge : 4 % ; maïs : 1 %) suscite quelques réserves de la part des éleveurs ; ces relèvements, s'ajoutant à la dernière étape du rattrapage des prix français sur les prix européens, vont soulever, en revanche, quelques difficultés. Cette dernière étape signifie une hausse importante pour les productions végétales, tandis que la hausse des prix des céréales accordée le 23 mars était inespérée. Aussi le gouvernement décide-t-il de reprendre a ces producteurs une partie des ressources tirées de ces hausses pour assurer une meilleure distribution des revenus au sein de l'agriculture et une meilleure orientation des productions.

Après maintes délibérations et consultations d'une profession unanime pour refuser toute reprise fiscale ou parafiscale, le gouvernement annonce, par la voix de M. Cointat :
– qu'il reprendra 220 millions de F sous forme de taxes payées par les producteurs de céréales, de betteraves et d'oléagineux, dont le produit sera affecté au budget social agricole ;
– que l'effort de solidarité (admis celui-là par la profession) fourni par les céréaliers à l'adresse des éleveurs (65 millions de F en 1970) serait doublé.

Mécontents, les producteurs de céréales envisagent de déposer un recours auprès des instances Judiciaires de la Communauté.

Le vent de l'histoire souffle le chaud et le froid. À peine l'encre des accords agricoles de mars est-elle sèche que la crise monétaire vient à nouveau ébranler la politique agricole commune. La décision prise, le 9 mai, par le gouvernement allemand est à cet égard plus grave que la réévaluation : la flottaison du DM ouvre une période indéterminée durant laquelle le Marché commun se trouve à nouveau cloisonné. Seules les parités fixes (ou presque) de monnaies sont compatibles avec un dispositif agricole, avec des prix fixés en unités de compte. Le même type de mesures correctives que lors de la précédente crise monétaire internationale est appliqué aux frontières ; mais l'idée commence à se répandre que la politique agricole commune première formule a vécu.

Les syndicats paysans attendent beaucoup, pour faire le point, des travaux de la conférence annuelle de l'agriculture, qui doit réunir le gouvernement et la profession. La Commission des comptes de la nation de l'agriculture a, très officiellement, constaté qu'en 1970 le revenu des agriculteurs a augmenté moins vite (3,2 %) que celui des autres catégories sociales (5,5 %), les charges des exploitations ont fortement augmenté (salaires 10,8 % ; intérêts : 19 %) ; les prix à la production n'ont augmenté que de 0,4 % ; le volume a crû de 5,6 %.