On sait seulement que le sultan, grièvement blessé par un groupe de conjurés qui s'étaient introduits en plein jour dans son palais de Salalah, a été contraint d'abandonner son trône et de s'exiler en Angleterre. Son armée, la Sultan's armed forces (SAF), encadrée par des officiers britanniques, ainsi que sa garde personnelle et les esclaves qui l'entouraient sont demeurés curieusement passifs devant le coup de force dont l'agencement a été attribué au prince héritier Qabous. Le commandant en chef de la SAF, le général John Graham, ainsi que les principaux responsables civils du sultanat, également de nationalité anglaise, se sont ralliés le jour même au nouveau sultan, lequel a été officiellement reconnu par le gouvernement de Londres le 29 juillet.

Ce jour-là, le Front national démocratique pour la libération d'Oman et du golfe arabe (organisation révolutionnaire clandestine) publie un communiqué accusant les services britanniques d'avoir fomenté le coup d'État, afin, ajoute le communiqué, « de consolider la domination de la Grande-Bretagne dans le golfe (Persique) et de s'approprier les richesses de la région ».

La situation dans le sultanat était devenue critique dans les mois qui ont précédé la déposition du vieux souverain. La lutte armée dans la province du Dhofar, dirigée par le Front populaire de libération du golfe arabe occupé, prenait des proportions inquiétantes. Les maquisards, qui se réclament du marxisme-léninisme, contrôlent et administrent les deux tiers de la province. Seuls le chef-lieu de Salalah et une partie de la côte demeurent aux mains de la SAF. La contagion gagnait la province septentrionale du sultanat, la province d'Oman, où un commando de guérilleros prend d'assaut, le 11 juin 1970, un camp militaire à Izki. De nombreuses caches d'armes sont découvertes dans cette région montagneuse, destinée de toute évidence à abriter un nouveau centre révolutionnaire. Le Front national démocratique, réplique à Oman du Front populaire au Dhofar, revendique l'attentat d'Izki. Les deux mouvements sont soutenus par la Chine populaire et reçoivent, en outre, dit-on, l'aide de l'Union soviétique.

Le régime du sultan Said, ses conceptions rétrogrades et la cruauté de ses méthodes risquaient fort de favoriser l'extension du mouvement révolutionnaire aux émirats du golfe Persique, fabuleusement riches en pétrole. Déjà la Petroleum development of Oman (PDO), compagnie opérant dans le sultanat d'Oman, estimait que ses intérêts étaient sérieusement menacés. Le vieux sultan refusait obstinément de créer une administration moderne, d'établir un budget d'État, d'investir dans les travaux d'infrastructure (devenus indispensables), d'encourager ses sujets à travailler sur les champs pétrolifères. L'entrée d'Oman dans l'ère pétrolière en août 1967 avait, du coup, sonné le glas du régime obscurantiste et anachronique du sultan Said.

Ouverture

Dès le lendemain de son accession au trône, le sultan Qabous déclare dans une proclamation au peuple : « J'ai observé avec une détresse croissante et une colère accrue l'incapacité de mon père à utiliser les richesses de ce pays dans l'intérêt de la population [...]. Je vous promets que ma tâche immédiate est d'instaurer dès que possible un gouvernement fort, moderne, dont le premier objectif sera l'élimination des restrictions inutiles dont vous souffrez. »

Le jeune souverain (âgé d'une trentaine d'années) fait libérer les prisonniers politiques, offre une amnistie aux maquisards du Dhofar, rétablit la liberté des déplacements à l'intérieur du royaume et vers l'étranger, autorise la publication d'un journal, l'écoute de la radio, la projection de films, l'usage de vêtements européens, l'importation de voitures, toutes pratiques qui avaient été interdites sous l'ancien régime. Pour bien souligner l'unité de son pays, il supprime le mot de Mascate du nom du royaume, désormais désigné par le nom de Oman.

Le sultan Qabous fait appel à son oncle (le frère de l'ex-sultan) Sayed Tarek, chef d'un mouvement réformiste, pour diriger le gouvernement. Ce dernier, élevé aux Indes, en Turquie et en Allemagne occidentale, fait le 2 août une rentrée triomphale à Mascate, après huit ans d'exil. Il met en chantier de vastes projets économiques, sociaux et culturels. Des écoles, des clubs, des polycliniques, des hôpitaux, des hôtels, des restaurants sont hâtivement construits. Le pays s'ouvre aux dizaines de milliers d'Omanis qui avaient choisi de s'exiler à l'étranger, aux universitaires et aux techniciens formés à Koweit, Bagdad, Le Caire, Moscou ou Prague. Des hommes d'affaires, des entrepreneurs étrangers sont conviés à construire des aérodromes, des routes, des ports, des usines de transformation, des fermes modèles, etc.