Le 24 septembre, la Syrie évacue ses forces. Les autorités de Damas ont-elles craint l'extension du conflit ?

En fait, les forces royales enregistrent des succès sur le terrain et parviennent à occuper la majeure partie de la capitale. Réunis au Caire sur l'initiative du président Bourguiba, huit chefs d'État arabes chargent le président soudanais, le général Gaafar El Nemeiry, de se rendre à Amman le 22 septembre pour mettre un terme aux combats. Grâce à la médiation du général Nemeiry, deux cessez-le-feu sont conclus, les 23 et 25 septembre, mais les accords sont aussitôt violés. Le 26, le chef de l'État soudanais tient au Caire une conférence de presse au cours de laquelle il prend violemment à partie le roi Hussein. « Nous assistons, déclare-t-il notamment, au déroulement d'un complot criminel que le roi Hussein exécute sur l'instigation d'Israël et des États-Unis et dont le but est de liquider la résistance et le peuple palestiniens. » (La presse américaine devait rapporter, à la mi-novembre, que le roi Hussein et Ygal Allon, vice-président du Conseil Israélien, s'étaient rencontrés secrètement. Mais l'information a été officiellement et catégoriquement démentie aussi bien par Jérusalem que par Amman.)

Accord du Caire

Aussitôt après la conférence de presse du général Nemeiry, la Libye rompt ses relations diplomatiques avec la Jordanie et invite l'ambassadeur du souverain hachémite à quitter Tripoli sur-le-champ. Le roi Hussein est convié à s'expliquer devant ses pairs qui délibèrent sans discontinuer au Caire.

Les réunions qui se tiennent en présence du souverain et de Yasser Arafat dans la journée du 27 septembre sont orageuses. Les interventions sont d'une rare violence ; le président Nasser (il devait succomber à une crise cardiaque le lendemain) serait intervenu dit-on, pour désarmer certains participants, notamment le président libyen, le colonel Kadhafi.

La conférence, malgré tout, aboutit à un accord en 14 points et à un cessez-le-feu qui entre en vigueur le 28 septembre. Le 13 octobre, le roi Hussein et Yasser Arafat signent à Amman, sous l'égide du président de la Commission arabe chargée de veiller à l'application de l'accord, Bahi Ladgham, ancien président du Conseil tunisien, le document définissant, dans le détail, les rapports entre les autorités jordaniennes et les fedayin.

Malgré les revers qu'ils ont subis, ces derniers s'assurent des droits et des privilèges au détriment du pouvoir du roi Hussein. Mais il apparaît rapidement que ce dernier, ayant cédé aux pressions exercées par les États arabes et surtout par Nasser pour qu'il mette un terme aux combats, n'a nullement l'intention, on s'en rendra compte par la suite, de renoncer aux avantages que devrait lui procurer une situation qui lui est largement favorable. En Jordanie même, son armée est en mesure, à tout moment, de paralyser les fedayin ; d'autant plus que la mort de Nasser, le 28 septembre, accentue l'isolement des commandos à travers le monde arabe, où leur prestige est en baisse ; sur la scène internationale enfin, l'URSS et encore plus les États-Unis se désintéressent d'un mouvement qui ne constitue plus un facteur militaire et politique de première importance.

Les leaders de la résistance analysent de diverses manières les conditions qui ont conduit au bain de sang et à la défaite. Certains même pratiquent l'autocritique. Yasser Arafat s'élève contre « l'exhibitionnisme révolutionnaire », les « slogans intempestifs », les détournements d'avions dont se sont rendues coupables des organisations de commandos. Nayef Hawatmeh, leader du Front démocratique et populaire de libération de la Palestine (FDPLP), déclare que la guérilla est prisonnière de ses contradictions politiques et idéologiques. Salah Khalaf, dirigeant du Fath, dénonce l'embourgeoisement des responsables de la Résistance.

Combats sporadiques

Celle-ci est contrainte de se réfugier dans la clandestinité. Le gouvernement constitué le 28 octobre par Wasfi Tall — connu pour son extrême fermeté — multiplie les mesures d'autorité et réduit progressivement les organisations palestiniennes à l'impuissance. Les permanences des fedayin sont fermées, leur organe El Fath est interdit, les commandos sont refoulés des villes et regroupés au sein d'une zone strictement contrôlée, les milices populaires sont désarmées, les dépôts d'armes sont saisis, les guérilleros qui souhaitent organiser des attentats dans les territoires occupés par Israël sont empêchés de franchir le Jourdain. Des combats sporadiques éclatent au fil des semaines entre forces jordaniennes et Palestiniens. Les deux parties s'accusent mutuellement de ne pas respecter les accords du Caire et d'Amman. La démission de Bahi Ladgham de la présidence de la Commission inter-arabe de surveillance, les protestations de divers gouvernements, l'interruption des subsides versés par la Libye et le Koweit à la Jordanie ne dissuadent pas le roi Hussein de poursuivre la tâche.