Le triomphe électoral du Congrès gouvernemental consacre l'effondrement de la coalition de la droite et du centre. Les alliés communistes prosoviétiques du Nouveau Congrès se maintiennent ; ses adversaires, les marxistes, progressent fortement. Ils les devancent même au Bengale, mais là seulement. Au Goudjerat et au Mysore, le ralliement de congressistes d'opposition provoque la chute du gouvernement de l'État et donne lieu, à l'automne, à de nouvelles élections. Sans majorité gouvernementale, le Mysore et l'Orissa sont administrés jusque-là par Delhi, selon le President's Rule, comme le Bengale occidental.

En mesure désormais d'appliquer son programme (« établir un socialisme égalitaire, réduire le chômage »), I. Gandhi étend le contrôle de l'État sur le commerce extérieur, et, comme elle l'a fait en 1969 avec les banques, nationalise les compagnies d'assurances. Il lui reste à supprimer la liste civile des maharadjahs. Cette décision, qu'avait prise V. Giri, la Cour suprême l'a rejetée comme inconstitutionnelle, en décembre 1970. I. Gandhi, grâce à sa majorité, peut désormais passer outre.

Le dosage régional qui préside au remaniement ministériel est l'exemple des problèmes que posent les conflits entre communautés. I. Gandhi tiendra-t-elle ses promesses aux séparatistes du Télégana, en Andhra Pradesh ? La caution donnée aux régionalistes tamouls du DMK, aux communistes du Kerala, inciterait plutôt les forces centrifuges à l'intransigeance.

Réfugiés

L'État où le gouvernement central est le plus contesté reste le Bengale occidental. L'afflux des réfugiés pakistanais y rend plus explosive une situation déjà tendue. Sur les 6 à 7 millions d'exilés, 3 000 au moins sont morts en juin du choléra. L'épidémie menace Calcutta. On craint qu'elle ne s'étende à l'Inde entière. La mousson aggrave encore le déficit alimentaire. C'est plus d'un milliard de francs de vivres et de médicaments, selon l'ONU, dont ont besoin les autorités indiennes.

Le déplacement et le parcage des réfugiés en des camps qui essaiment dans les États voisins rappellent les événements du Moyen-Orient. La seule façon d'éviter que le Bengale occidental ne devienne une nouvelle Palestine est évidemment que les réfugiés rentrent chez eux (on pense que de toute façon les hindous resteront, ainsi qu'une partie des musulmans), ce qui sous-entend la restauration d'un climat de sécurité au Bengale oriental, à laquelle doivent contribuer les grandes puissances. C'est à leur intention que La Nouvelle-Delhi fait cette constatation, pour gagner de vitesse les révolutionnaires qui projettent un Bengale populaire enjambant la frontière entre l'Inde et le Pakistan.

Planning familial

Les révolutionnaires naxalites et les marxistes, les deux formations communistes rivales, cherchent à s'attirer la clientèle des exilés. Les règlements de compte entre naxalites et marxistes font 10 morts par jour au Bengale. Jyoti Basu, le chef marxiste, qui a dû céder le gouvernement de l'État à une coalition dirigée par le Nouveau Congrès, accuse ce dernier, pour conserver sa majorité, de faire emprisonner ses représentants et même de fermer les yeux sur les activités des naxalites. Contre les deux factions, I. Gandhi a mis au point une nouvelle législation répressive. Le gouvernement du Nouveau Congrès est mis en minorité fin juin ; l'État passe sous le contrôle de New Delhi.

Les dépenses militaires, qui augmentent de 20 % au cours du premier trimestre 1971 à cause de la tension au Bengale, grèvent l'action économique et sociale du gouvernement. Si l'on enregistre avec satisfaction, au recensement de 1970-71, 14 millions de naissances de moins que prévues, grâce au planning familial, l'Inde compte 550 millions d'habitants et l'accroissement démographique (2,5 % l'an) annihile celui du revenu national (3 %).

16 millions de chômeurs

De grands chantiers publics sont ouverts pour absorber une partie des chômeurs, dont le nombre a augmenté de 5 à 16 millions de 1960 à 1971. Même cette mesure est insuffisante. Il faut que les usines, qui tournent à mi-régime, fassent un bond en avant. Utilisez les prêts qui vous sont alloués ; investissez davantage, demande I. Gandhi, qui, pour rassurer les industriels, n'impose pas les bénéfices et menace de la nouvelle loi antiviolence les syndicats privilégiés pour avoir fait perdre en grèves au pays 19 millions de journées en 1970.