Dans le même temps, elle tente de constituer « une majorité démocratique opposée à la minorité marxiste ». Le 8 septembre, Alessandri propose de se faire élire et de démissionner aussitôt, ce qui entraînerait de nouvelles élections. Cette initiative est rejetée par la démocratie chrétienne, qui appelle à voter pour Allende, un accord ayant été conclu avec lui le 8 octobre, sous la forme d'un projet commun de réforme constitutionnelle ne remettant pas en cause la liberté de la presse, l'activité des partis politiques et l'autonomie des universités. Le 19 octobre, Alessandri demande alors à ses partisans de ne pas voter Allende. Le climat s'alourdit le 22 octobre : un commando d'extrême droite assassine le général Schneider, considéré comme un légaliste au sein de l'armée, pour tenter de déclencher un coup d'État militaire.

Le 24 octobre 1970, Salvador Allende est élu président de la République par 153 voix contre 35 et 7 abstentions. Le 4 novembre. Il succède à Eduardo Frei au palais de la Moneda, à Santiago du Chili.

Dès son entrée en fonctions, le nouveau gouvernement Allende (4 socialistes, 3 communistes, 3 radicaux, 1 démocrate-chrétien dissident de gauche et 4 indépendants) s'efforce de réaliser le programme élaboré par les six formations de l'unité populaire.

Mines de cuivre

Un projet de réforme constitutionnelle permettant la nationalisation complète de l'industrie du cuivre, et devant éviter les recours présentés par les sociétés étrangères (Anaconda, Kennecott), est signé, le 21 décembre, par Allende. Après le Sénat, la Chambre des députés l'approuve le 12 mars 1971. Quatre jours plus tard, Orlando Cantuarias, ministre des Mines, annonce que le gouvernement prend le contrôle des mines de cuivre de Chuquicamata et d'El Salvador, et que leur exploitation est confiée à la Corporation nationale du cuivre (CODECO). Parallèlement, des négociations sont ouvertes, le 13 décembre, pour la nationalisation des aciéries de la Pacific Steel Company (600 000 t par an). Le 31 décembre, les mines de charbon de la compagnie Cota Schwagen (50 % de la production nationale) sont étatisées. Le 28 mars 1971, c'est le tour des mines de fer de la Bethlehem Iron Minos, à El Tofo.

Pour s'assurer le contrôle du crédit, et conformément à son programme, Allende annonce, malgré l'opposition de la démocratie chrétienne et de la droite, l'étatisation des banques privées et entreprend de faire racheter leurs actions à un cours favorable. Le 29 janvier 1971, après les banques Edwards, Hypothécaire, de Crédit et d'Investissements, la banque Panaméricaine, dont l'influence s'exerce sur quelque quatre-vingts sociétés, est accusée d'opérations irrégulières et de pressions illégitimes, et se trouve placée sous le contrôle de l'État.

Le secteur privé ne doit pas pour autant disparaître (sauf en cas de mauvaise gestion : mise sous séquestre des sociétés Alimentos Purina de Chile et Nibsa le 21 novembre, expropriation, le 1er décembre, de la plus importante compagnie de textile du pays, la Caupolican Tome). Le gouvernement a besoin de la confiance des industriels. Les mesures économiques qu'il a prises en réduisant l'inflation (blocage d'une grande partie des prix, limitation des marges bénéficiaires des intermédiaires) et en augmentant les salaires (40 % pour les salaires inférieurs à 125 dollars, allocations familiales doublées) ont permis d'accélérer la production et d'accroître la consommation. Cependant, de nombreux points noirs demeurent. La production dans les mines de cuivre et de nitrate est désorganisée par le départ de certains techniciens. Le chômage (6,2 %) est en légère augmentation. La situation est critique.

Réforme agraire

L'un des points les plus chauds, la réforme agraire, est confié à Jacques Chonchol. Décidé à faire des transformations radicales dans ce secteur, il crée un Conseil national des paysans. La petite et la moyenne propriété sont respectées, mais la grande propriété est expropriée (non par fundos isolés, mais par zones rurales), afin de créer des coopératives et améliorer la production. L'accélération qu'il lui imprime, et particulièrement dans la province du Cautin (350 latifundias, d'une superficie totale de 1 050 000 ha, sont expropriées), se heurte à la résistance des grands propriétaires. Dans cette région considérée comme « le grenier du Chili », un problème racial s'ajoute au problème social. Les Mapuches, dépouillés de leurs biens au siècle dernier, occupent les terres : des affrontements violents ont lieu et des coups de feu sont échangés. Afin de veiller à la réalisation des mesures, Chonchol installe alors, en janvier, son ministère à Temuco, capitale du Cautin. En politique extérieure, le Chili affirme son indépendance à l'égard des USA, tout en se montrant soucieux de ne pas envenimer les rapports. Le 12 novembre, il renoue ses relations avec Cuba, le 15 décembre avec la Chine, le 6 avril avec la RDA.

Confirmation

Première épreuve électorale ; le gouvernement Allende aborde le 4 avril 1971 les élections municipales, considérées par tous comme un vote de confiance. L'Unité populaire confirme sa victoire des élections présidentielles ; elle totalise 1 450 185 voix.