Dès le mois d'août, le vice-président Agnew avait donné le ton de la campagne : laissant de côté la guerre du Viêt-nam et les questions de politique étrangère, il avait dénoncé aux quatre coins du pays les « nababs du négativisme », les « gauchistes troglodytes » et les « hypocondriaques hystériques » qui conduisent le pays vers l'abîme. Il faut, avait-il dit, éliminer les « radicaux libéraux qui contrôlent le Sénat », et réunir une nouvelle majorité nationale, soucieuse de loi et d'ordre, composée de partisans « modérés, centristes et conservateurs » du président Nixon. Ce dernier reprendra les mêmes thèmes, mais en termes plus mesurés, tout au long de la tournée qu'il fera dans une vingtaine d'États. Conspué à San José (Californie) par des contestataires, il durcira cependant son langage et s'en prendra à son tour aux « fauteurs de troubles ». La « tolérance dont ils bénéficient, dira-t-il, gagne du terrain » et « sape la force de la liberté ».

Au lendemain de la consultation, les motifs de satisfaction sont maigres, en regard des efforts consentis par le chef de l'État : au Sénat, trois libéraux notoires, Albert Gore (Tennessee), Joseph Tydings (Maryland) et Charles Goodell (New York) — un républicain battu par le conservateur James Buckley — sont éliminés, mais les démocrates gardent la majorité. En outre, trois candidats virtuels du parti de l'Ane aux présidentielles de 1972 sont élus ou réélus avec une avance confortable : Hubert Humphrey (Minnesota), Edmund Muskie (Maine), Edward Kennedy (Massachusetts). En dépit de l'intervention personnelle du président et du vice-président, le sénateur Ralph Smith est battu dans l'Illinois par Adlai Stevenson Jr, fils du candidat démocrate à la Maison-Blanche en 1952 et 1956.

À la Chambre des représentants, où le bloc des conservateurs sort renforcé de l'épreuve, les républicains limitent leurs pertes à 9 sièges (la moyenne de sièges perdus par le parti au pouvoir était de 29 aux élections de mi-course, depuis 1950). Mais ils essuient un échec sérieux et tout à fait inattendu au niveau des postes de gouverneurs.

L'analyse des résultats (dont le vice-président évoquera le « goût doux-amer ») montre enfin que les républicains n'ont pas réussi à mordre sur l'électorat du parti concurrent. Le fait que les candidats démocrates aient souvent surenchéri dans la défense de « la loi et l'ordre », d'une part, le mécontentement provoqué par le développement du chômage et la persistance de l'inflation, d'autre part, y sont probablement pour beaucoup.

Poussée démographique dans le sud-ouest

204 765 770 Américains (dont quelque 1 500 000 ressortissants vivant à l'étranger : soldats, fonctionnaires, etc.) ont été dénombrés au cours des opérations du recensement de 1970, soit environ 24 millions de plus qu'en 1960. En dix ans, le taux de croissance démographique a donc été de 13,3 %, au lieu de 18,5 % pour la décennie précédente (1950-1960). Dans l'histoire du pays, seules les années 30 ont connu un taux plus faible (7,3 %).

– Certains États, en particulier dans le sud-ouest, enregistrent une poussée démographique importante : le Nevada (68,9 %), l'Arizona (34,6 %), la Californie (25,4 %), le Colorado (25,2 %). Dans le sud, le taux d'augmentation atteint 34,7 % en Floride. Quatre États accusent un déficit de population par rapport à 1960 : la Virginie-Occidentale (– 8,5 %), le Dakota du Nord (– 3,4 %), le Dakota du Sud (– 2,8 %) et le Mississippi (– 0,9 %).

La population noire, qui s'est accrue de 20 % entre 1960 et 1970, représente désormais 11,2 % de l'ensemble des Américains (22 600 000 personnes), au lieu de 10,5 % en 1960. 53 % des Noirs vivent dans le sud des États-Unis (contre 60 % en 1960 et 75 % en 1940) ; 20 % dans le nord-est ; 19 % dans les États du centre et du nord et 8 % dans l'ouest.

– Le gonflement de la population des banlieues s'est fait le plus souvent au détriment des grandes villes. Treize des 25 cités les plus peuplées ont, en effet, perdu des habitants : New York (– 10 000), Chicago (– 225 000). Philadelphie (– 75 000), Détroit (– 177 000), Baltimore (– 43 000), Cleveland (– 137 000), Milwaukee (– 31 000), San Francisco (– 36 000), Boston (– 68 000), Saint-Louis (– 142 000), La Nouvelle-Orléans (– 41 000), Seattle (– 32 000) et Pittsburgh (– 91 000). En revanche, Los Angeles gagne 303 000 habitants, Houston 274 000, Indianapolis 266 000, Dallas 156 000. Le record de l'expansion démographique revient à Jacksonville (Floride), qui passe, en dix ans, de 201 000 à 513 000 habitants.