Ceux-ci, dont on citait volontiers la progression constante en l'opposant aux ennuis des fibres traditionnelles, ont vu leur production baisser de 7,1 % au cours de l'année.

La conjoncture médiocre sur le marché français en général n'explique pas seule cette baisse, car les importations ont augmenté de 8,1 %. Comme les exportations, dans le même temps, s'accroissaient de 3,7 % seulement, il en découle que, pour la première fois, en 1967, les Français ont acheté davantage de textiles chimiques auprès des étrangers que chez les fabricants nationaux. Pour l'ensemble de l'année, la part des importations atteignait 54,7 %, au lieu de 28,5 % quatre ans plus tôt.

Il semble que le secteur français des fibres chimiques (pratiquement aux mains d'une seule société, Rhône-Poulenc, qui détient, par exemple, 85 % des capacités de production de Nylon), se soit laissé surprendre.

Contrôlant parfaitement le marché français, implantée dans cinq pays européens, dotée du monopole exclusif en France de l'exploitation des brevets Nylon et Tergal, la firme a mis une confiance excessive dans sa position et ne s'est guère préparée à deux événements majeurs : la chute dans le domaine public des grands brevets des textiles synthétiques, et l'ouverture des frontières au 1er juillet 1968.

Devant cette double perspective de libération des marchés, la concurrence allemande, italienne et hollandaise a voulu préparer une offensive de grand style en développant ses unités de production (la production de fibres synthétiques a triplé entre 1962 et 1966 en Allemagne et aux Pays-Bas, tandis qu'elle doublait en France) et en baissant les prix.

Les conséquences ne se sont pas fait attendre. Elles se sont traduites pour Rhodiaceta, la principale filiale de Rhône-Poulenc, par une chute de 20 % du chiffre d'affaires.

Pour l'ensemble de l'industrie textile, la baisse de production de 7 % enregistrée en 1967, par rapport à 1966, trouve une explication à la fois dans l'évolution de la consommation intérieure et dans celle des échanges extérieurs.

La sous-consommation

En France, le textile, avec sa sensibilité habituelle à la conjoncture, a souffert de l'atonie générale de la consommation, qui a été aggravée par l'attentisme des commerçants dans les mois précédant l'extension de la TVA, à la fin de 1967. C'est le premier de ces deux facteurs qui inquiète surtout les professionnels. Il traduit finalement une sous-consommation.

Au chapitre des importations, la sous-consommation déplorée par les producteurs français n'a guère joué pour la plupart des produits étrangers. Les achats de filés de provenance étrangère ont augmenté de 3,2 %, ceux de tissus et d'articles de bonneterie de 6,3 %. La baisse des achats de matières premières (22,6 %) reflète simplement celle de la production française.

Sur les marchés étrangers, les principaux obstacles à une riposte française ont été d'abord la récession économique traversée par certains pays, notamment par l'Allemagne, la dévaluation de la livre en Grande-Bretagne, et les restrictions sur les importations en Algérie.

Aussi, pour la première fois depuis 1958, l'industrie française du textile se trouve-t-elle devant une réduction de ses exportations de 4,8 % par rapport à 1966. L'évolution est particulièrement défavorable dans les échanges avec les pays du Marché commun, où les exportations se sont accrues de 6,2 %.

Au total, le solde du commerce extérieur textile demeure positif. Mais l'évolution en cours est alarmante. Aucun signe sérieux d'amélioration ne s'est d'ailleurs dessiné dans les premiers mois de 1968, si ce n'est une atténuation dans la progression des importations d'articles finis. Les professionnels redoutaient même une phase nouvelle de difficultés, dues aux perturbations monétaires dans le monde. Quant au marché intérieur, le redressement de la conjoncture générale ne se répercutait pratiquement pas sur les courbes de la production textile.

À la veille de la mise en place du Marché commun, les industriels s'inquiétaient particulièrement du bas niveau de leurs investissements, conséquence de leurs mauvais résultats et du médiocre niveau des prix. Les investissements effectués en 1967 étaient, en effet, inférieurs à ceux de 1966, déjà peu satisfaisants.