Deux ans après son putsch de juin 1965, les opposants existent toujours, mais ils ne présentent plus les mêmes dangers qu'alors. L'année a été cependant marquée par des défections spectaculaires. Bachir Boumaza, charge de l'Information, et Mahsas, ancien ministre de l'Agriculture, ont fui l'Algérie en condamnant le « clan Boumediene » et en avouant leur appartenance à l'Organisation clandestine de la révolution algérienne (OCRA). Le 20 octobre, un leader syndicaliste, Slimane Rebba, gagnait à son tour l'étranger, suivi par Abdelaziz Belazouz, directeur général de la presse écrite, et par Lakdar Rebba, député d'Alger.

L'opposition en exil était alors divisée en 4 organisations, sans oublier de nombreuses notabilités sans parti.

L'assassinat de l'une d'elles, Mohammed Khider, le 3 janvier 1967 à Madrid, put laisser prévoir un regroupement des opposants, mais toutes les tentatives sont restées vaines. En mars, un nouveau parti faisait son apparition et dénonçait précisément « les faiblesses et les insuffisances des oppositions ».

À l'intérieur, cependant, une réunion entre le secrétariat exécutif du FLN et des représentants de l'UGTA réglait, dès le 14 juillet 1966, les divergences, et un communiqué de la Centrale syndicale affirmait son « adhésion totale au principe de parti unique ».

L'université, qui pendant longtemps avait été le conservatoire de l'opposition, semble s'être étrangement dépolitisée.

Il s'agit d'ailleurs plus d'un désamorçage de l'opinion estudiantine que d'une dépolitisation véritable. Suspect lors de sa prise de pouvoir, Boumediene a su démontrer que son socialisme était réel et sérieux dans sa politique intérieure comme sur ses options extérieures. Les intellectuels ont vu d'un bon œil les projets élaborés par le gouvernement, notamment la préparation d'un code communal qui devrait accroître l'autonomie des municipalités. Les élections communales du 5 février ont connu une participation de 70 % de l'électorat. La réforme agraire, annoncée au printemps 1966 et pour laquelle le FLN a entrepris une vaste campagne d'explication dans le pays, prévoit l'abolition de la grosse propriété et le développement de l'exploitation collective.

Monopole d'État

En attendant la réalisation de ces projets, le colonel Boumediene accorde toute son attention au développement de la Société nationale pour la recherche, la production, le transport et la commercialisation des hydrocarbures (SONATRACH). Il emprunte 15 millions de dollars aux Américains, attire 20 nouveaux techniciens et des équipements pétroliers soviétiques, modifie unilatéralement l'assiette fiscale des compagnies étrangères (un cinquième de la production totale, qui a atteint 34 millions de tonnes en 1966), et rachète la totalité des actions de la filiale algérienne de la British Petroleum. Le Gouvernement algérien vise ainsi à participer dans tous les domaines à la mise en valeur du pétrole et du gaz sahariens, et, à la longue, d'en faire un monopole d'État.

Les sociétés françaises elles-mêmes ont trouvé auprès du colonel Boumediene une âpreté qui ne le cède en rien à celle de son prédécesseur Ben Bella. Ainsi, après une difficile reprise des négociations, le 17 avril 1966, sur l'achat de gaz par la France, les pourparlers doivent être une nouvelle fois ajournés. Le quotidien El Moudjahid attaque violemment les sociétés pétrolières françaises, laissant entendre que les Algériens pourraient demander la révision de certaines clauses de l'accord du 29 juillet s'ils jugent que, tout compte fait, celles-ci ne leur sont pas suffisamment favorables.

Les capitaux étrangers

Les accords réglant le contentieux avec la France, portant sur les dettes publiques antérieures à l'indépendance (400 millions de dinars), sont signés le 23 décembre 1966 à Alger. À cette occasion, le ministre des Affaires étrangères algérien, Bouteflika, déclare : « La coopération avec la France est plus solide que jamais. »

L'aide française, toutefois, ne suffit pas à régler tous les problèmes de l'Algérie, dont les trois quarts de la population active demeurent sans emploi. Aussi le gouvernement a-t-il promulgué en septembre 1966 un nouveau code des investissements pour attirer les capitaux étrangers. Si les investissements privés américains ont jugé insuffisantes les garanties accordées, les Soviétiques ont considérablement augmenté leur aide cette année.