Jeanne Moreau

Jeanne Moreau et Wim Wenders
Jeanne Moreau et Wim Wenders

Actrice française (Paris 1928-Paris 2017).

Sortie du Conservatoire, ayant séjourné à la Comédie-Française, s'étant rodée au théâtre de boulevard, Jeanne Moreau est une actrice de formation très classique. Ses premiers rôles lui font affronter des acteurs comme Fernandel (Meurtres, R. Pottier, 1950) ou Jean Gabin (Touchez pas au grisbi, J. Becker, 1954), et prouvent son aisance dans la comédie légère (Julietta, M. Allégret, 1953), autant que l'impact de son incontestable érotisme (la Reine Margot, J. Dréville, 1954), terrain sur lequel elle bat même Martine Carol.

Puis, brusquement, deux films de Louis Malle (Ascenseur pour l'échafaud, 1958 ; les Amants, id.) révèlent une actrice différente : s'ils ont plutôt mal vieilli, le modernisme du jeu de Moreau reste. Elle y faisait admettre une sensualité vraie qui n'était plus érotisme fabriqué, et surtout son jeu au bord du faux pratiquait un curieux décalage, qu'elle rattrapait par des intuitions étonnantes, donnant à ses créations une vérité inconnue jusqu'alors en France. Des films difficiles (la Nuit, M. Antonioni, 1961) ou audacieux (Jules et Jim, F. Truffaut, 1962) contribuent à faire de Jeanne Moreau un phénomène étrange : une star admirée, encensée, mais jamais réellement « aimée » à cause de cette distance qu'elle maintient entre le public et elle.

Joseph Losey (Eva, 1962) et Jacques Demy (la Baie des anges, 1963) l'ont amenée à se surpasser, à donner le meilleur d'elle-même dans deux visages contradictoires (l'un blanc, l'autre noir) d'une même féminité. Dès lors, Jeanne Moreau tourne avec Peter Brook (Moderato cantabile, 1960), Orson Welles (le Procès, 1962 ; Falstaff, 1966 ; Une histoire immortelle, 1968), Luis Buñuel (le Journal d'une femme de chambre, 1964), Jean Renoir (le Petit Théâtre de Jean Renoir, 1971), Bertrand Blier (les Valseuses, 1974), André Téchiné (Souvenirs d'en France, 1975), mai aussi Elia Kazan (le Dernier Nabab, 1976), Joseph Losey (la Truite, 1982), Theo Angelopoulos (le Pas suspendu de la cigogne, 1991). Elle peut aussi bien tenir un film entier sur ses épaules (La mariée était en noir, F. Truffaut, 1968) que se contenter de la marge (Querelle, R. Fassbinder, 1982), voire de l'apparition (Monsieur Klein, J. Losey, 1976). Elle apporte à la fois sa présence et sa caution aux causes et aux œuvres qu'elle croit justes ; on la retrouve ainsi sous la direction d’Agnès Varda (les Cent et Une Nuits, 1995), de Michelangelo Antonioni (Par-delà les nuages, id.), de François Ozon (Le temps qui reste, 2005) ou encore d’Amos Gitaï (Désengagement, 2007 ; Plus tard tu comprendras, 2008).

Jeanne Moreau s'est essayée à la réalisation, et si elle échoue dans l'Adolescente (1979) à recréer la vie campagnarde à travers le prisme du souvenir, Lumière (1976), film d'actrice sur les actrices, lui ressemble comme deux gouttes d'eau : à la fois élégant et vrai, superficiel et troublant jusqu'à l'émotion contenue. Au théâtre, elle s'est notamment illustrée dans le Récit de la servante Zerline (1986) et dans la Célestine (1989).