toundra

(russe toundra)

Caribou
Caribou

Formation végétale discontinue des régions de climat froid, qui comprend quelques graminées, des mousses et des lichens, voire quelques arbres nains (bouleaux).

En finlandais, le mot tunturi désigne, dans le nord du pays, des bosses granitiques, couvertes d'une végétation rase de pelouse, piquetée parfois d'arbrisseaux insignifiants. C'est une formation végétale basse, sans arbres, souvent discontinue, composée principalement de mousses et de lichens, d'herbacées du genre carex et de petits buissons. Elle s'étend sur des régions relativement arides (moins de 250 mm de précipitations annuelles). La toundra se caractérise par un sol perpétuellement gelé en profondeur (permafrost). Elle couvre l'extrême nord de l'hémisphère Nord, avant le sol nu et les glaces, entre 55° et 80° de latitude. Bordant les marges du Groenland, qui lui doit son nom (pays vert), elle omniprésente en Islande, dans le nord de la Scandinavie, sur toute la façade sibérienne de l'océan Arctique, dans le nord du Canada (Barren Grounds) et, dans l'hémisphère Sud, la Terre de Feu.

Le milieu occupé par la toundra représente, autour du pôle Nord, un gigantesque anneau de plus de 8 millions de kilomètres carrés, soit 6 % des terres émergées.

Les racines des plantes s'étalent en surface, ce qui impose un écart entre les touffes. La croissance végétale est entravée par la brièveté de la période favorable (2 à 3 mois). Le peuplement animal est pauvre. Les herbivores ont besoin de territoires étendus pour assurer leur alimentation, et la plupart des oiseaux sont migrateurs.

1. Faune et flore : monotonie d'ensemble et marqueterie de détail

La toundra présente une physionomie caractéristique : végétation rase, naine, prostrée, plaquée au sol. C'est aussi une végétation discontinue, trouée, clairsemée et lâche, avec de nombreuses plages de sol nu. Cette discontinuité du tapis végétal est déjà provoquée dans toutes les zones de solifluxion intense (pentes) par les mouvements des sols. L'impression d'ensemble est souvent monotone dans ces régions mortes et grises pendant les trois de l'année. Pourtant, vue d'avion, la toundra montre de multiples motifs géométriques, en bandes, en lanières, circulaires ou polygonaux, qui composent des mosaïques répétitives ou les figures d'un étrange puzzle. Ces dispositifs rythmés sont liés à l'engorgement des sols et aux successions altitudinales sur des pentes faibles qui font alterner mousses, lichens (essentiellement du genre Cladonia), plantes herbacées (graminées et cypéracées principalement) et ligneux bas comme la myrtille (Vaccinium myrtillus), la bruyère ou le bouleau nain (Betula nana), les saules, les aulnes. Ces arbres sont hauts de quelques centimètres (jamais plus de 40 cm).

1.1. La flore

La flore d'ensemble de ce domaine est relativement pauvre, puisque l'on y admet au total de 750 à 800 espèces (à titre de comparaison, la France en compte 4 200). Mais chaque région a une flore encore plus réduite : environ 400 plantes au Groenland (dont 184 espèces de plantes à graines), 150 au Spitzberg et une centaine pour la Novaïa Zemlia (Nouvelle-Zemble).

Comme espèces très caractéristiques : Dryas octopetala, Betula nana, Salix glauca, Empetrum nigrum, Cassiope tetragonum, Silene acaulis, Melandrium apetala, Polemonium humile, Saxifraga groenlandica, Lichnis apetala, Phippsia algida... Cependant, la toundra n'est pas une formation uniforme dans toute son aire. Elle est constituée par une grande variété de groupements liés aux conditions édaphiques et climatiques.

Trois zones :
– d'abord celle qui avoisine la taïga (donc la plus au sud dans l'hémisphère Nord) et par conséquent qui subit le climat le moins rigoureux. On y rencontre une lande à éricacées, à bouleau nain (Betula nana), petit arbuste de moins d'un mètre de haut et à petites feuilles (c'est une relique glaciaire très rare en France) et des saules rampants qui s'étalent sur le sol, mais dont la hauteur ne dépasse pas quelques centimètres. Des tourbières hautes à sphaignes accompagnent ces formations arbustives : elles vivent dans les eaux maintenues à pH acide par des sphaignes, ces dernières ne se développant que dans une marge très étroite d'acidité (espèces sténoïoniques) ;
– plus au nord se trouvent les pelouses humides à Carex, à Juncus, à Eleocharis, à luzules et à linaigrettes (Eriophorum). Ces dernières sont très caractéristiques, avec les petites houpettes blanches de leurs fruits ;
– dans les parties les plus septentrionales, les plus froides, au voisinage des neiges persistantes, subsiste seulement un tapis de mousses (Polytrichum) et des lichens (Cladonia, Cetraria), qui constituent la toundra sèche.

On peut remarquer que les mousses sont beaucoup plus nombreuses par rapport aux phanérogames dans régions arctiques que dans les régions tempérées. Ainsi, on a en moyenne, 1 mousse contre 5 phanérogames en Europe centrale, 1,5 contre 1 au Spitzberg et 1 contre 1,5 au Groenland.

Les lichens, plantes pionnières, constituent des organismes remarquablement adaptés à ces milieux contraignants. La toundra est l'un des rares milieux où les lichens et les mousses constituent une part très importante de la flore. Le manque d'eau exclut le développement forestier.

Pour en savoir plus, voir l'article lichen.

La biomasse des toundras est très faible : 5 t/ha, pour une toundra du domaine haut-arctique (le plus septentrional), avec une productivité de 1 t/ha/an. Les trois quarts de la biomasse se trouvent sous terre, avec des systèmes racinaires très développés. La faible hauteur des végétaux et leur port rampant constitue une adaptation aux vents violents. Les croissances des végétaux sont d'une extrême lenteur (moins de 1 cm par an, parfois 1 mm seulement, pour le saule rampant). Il en résulte nanisme très accentué. D'autre part la durée très courte de la période estivale (2 à 3 mois) ne permet pas toujours une montée à fleurs normale, et il arrive des boutons floraux ébauchés une certaine année ne parviennent développer complètement que l'année suivante (Cochlearia). 2 à 3 ans sont nécessaires pour l'élaboration des feuilles.

La faiblesse de l'activité bactérienne, qui compromet les possibilités de nutrition en azote, limite aussi le développement des plantes. Le tronc d'un genévrier de la péninsule de Kola, de plus de 500 ans d'âge, n'a que 83 mm de diamètre. L'été correspond à une extraordinaire explosion de vie. A la place d'une terre à l'aspect désolé surgit un épais tapis de fleurs pourpres, bleues et or, donnant à la toundra une allure de jardin.

Les creux topographiques qui recueillent les eaux de fonte superficielle durant le court été abritent des tourbières où se développent des plantes spécifiques comme la linaigrette. En position d'abri plus sèche, la toundra évolue vers une lande à bruyères, où des bouquets d'arbustes plus hauts peuvent se maintenir.

La dryade à huit pétales, Dryas octopetala, est une des plantes les plus célèbres de la toundra. Rosacée rampante, aux grands pétales blancs, aux nombreuses étamines jaune d'or et aux feuilles crénelées, vert brillant, elle colonise les anfractuosités rocheuses et les éboulis. Encore appelée « thé de Suisse », on la trouve en montagne au-delà de 1 300 m et dans les régions arctiques.

Basses températures, faibles précipitations et durée du jour

Ce sont surtout les basses températures qui empêchent la vie des arbres dans les toundras, le sol étant recouvert de neige pendant près de neuf mois. La vie active n'excède donc pas un trimestre, pendant lequel les températures moyennes mensuelles de l'air sont positives et ordinairement inférieures à 5 °C.

Les précipitations annuelles, assez faibles (de l'ordre de 250 mm), sont réparties pour plus de la moitié pendant les deux mois d'été : juillet et août.

Un autre facteur climatologique important est la durée du jour. En effet, au nord du cercle polaire, l'illumination, l'été, peut durer bien plus d'un jour. Ainsi, vers le 70e degré de latitude Nord (sensiblement le nord de la Norvège), le Soleil reste au-dessus de l'horizon pendant 65 jours consécutifs, et 134 jours au 80e, c'est-à-dire au nord du Spitzberg. L'hiver, au contraire, c'est la longue nuit polaire. Le soleil, l'été, ne s'élevant guère au-dessus de l'horizon, même à midi, l'obliquité de ses rayons accuse le moindre accident de terrain et crée ainsi de multiples conditions stationnelles.

1.2. La faune

Le peuplement animal est également pauvre en espèces. Les densités sont faibles, car les grands herbivores ont besoin d'énormes territoires pour assurer leur alimentation. Les gros mammifères et oiseaux sédentaires sont rares (hibou des neiges). Les animaux dans ces régions ont tout à lutter pour leur nourriture rechercher la protection contre le froid, car la production primaire, du tapis végétal, est faible. Les animaux à sang chaud (homéothermes) sédentaires sont bien défendus une fourrure épaisse et une couche graisseuse importante (renne, bœuf musqué). D'autre part, on constate sur ces espèces une réduction très nette des organes à grosse déperdition de chaleur : oreilles, cou, membres, queue. Cela se voit très bien dans le genre Canis (sensu lato) entre le Canis lagopus polaire et le renard d'Europe (Canis vulpes), et encore avec le Canis zerda des régions désertiques.

La taille des sujets est fréquemment importante pour les animaux des régions polaires par rapport à des espèces systématiquement voisines des régions plus chaudes, le rapport surface/volume étant d'autant plus petit que l'animal est plus gros et donc la déperdition de chaleur plus faible.

Les caribous, équivalents nord-américains des rennes eurasiatiques, pâturent dans la toundra jusqu'à la fin de septembre, puis migrent sur des centaines de kilomètres vers les régions d'hivernage, au sud, dans la taïga. Gros mangeurs de lichens, les caribous doivent nager, marcher dans la vase, la neige molle ou sur la glace : leurs sabots servent tour à tour de rames, de crampons, de raquettes et de pelles. Le deuxième grand élément de la chaîne alimentaire (ou chaîne trophique) est constitué par le loup (carnassier), qui suit les déplacements du caribou.

D'autres gros animaux (renne, bœuf musqué), ainsi que beaucoup d'oiseaux (oies, grues), émigrent pour éviter le plus possible les froids de la grande nuit polaire et trouver les ressources alimentaires nécessaires. Les petites espèces qui hivernent (petits rongeurs et carnassiers) le font dans des cavités, précaires à cause de la structure du sol, en partie gelé, qui ne met pas le creusement de terriers solides. Ces animaux doivent en outre contenter de régimes alimentaires variés.

Il faut aussi signaler la fréquence de la coloration blanche chez nombreuses espèces : soit toujours blanche au cours de l'année (ours, certains oiseaux...), soit présentant une hétérochromie saisonnière plus nains importante comme le lièvre polaire, l'hermine, le renard..., coloration qui serait en relation avec les basses températures du milieu. Les reptiles à température variable, sans régulation thermique (poïkilothermes), sont peu nombreux. Les lézards ne dépassent pas le cap Nord et Sakhaline. Il en est de même des vipères, dont la limite septentrionale le 67e degré de latitude Nord. Après avoir passé la période froide à l'état de vie ralentie, les insectes sont assez nombreux pendant les deux mois où la température est suffisamment clémente pour leur éclosion. Moustiques et mouches pullulent tout particulièrement. Par suite de la brièveté de la saison favorable, leur cycle de développement s'effectue pour beaucoup d'espèces sur plusieurs années.

2. Les climats : rudesse et sévérité

Le milieu des toundras est caractérisé par des hivers longs et redoutables et des étés brefs. Les moyennes des mois les plus froids peuvent être très variables : de – 5,2 °C à l'île Jan Mayen à – 30 °C à Coppermine, au Canada. Les périodes sans gel sont généralement inférieures à 120 jours. La saison de croissance de la végétation est donc d'une grande brièveté. La chaleur estivale n'est jamais très prononcée, en raison de l'obliquité des rayons solaires et du fort albédo (fraction de la lumière qui est réfléchie ou diffusée), qui occasionnent des déperditions thermiques importantes.

Pour en savoir plus, voir l'article Arctique.

2.1. Les précipitations

Les apports en eau sont souvent déficients : à peine plus de 60 mm par an à Thulé, 250 mm à Coppermine. Une partie importante de ces précipitations tombe sous forme de neige. Si la couverture de neige est trop mince, les risques de gel sont accrus pour la végétation. Si elle est trop épaisse, la fonte estivale dure longtemps, ce qui raccourcit d'autant la période végétative.

Les régimes climatiques à tapis de neige épais (1 à 1,50 m) mais à durée relativement courte (3 à 7 mois) concernent les régions subpolaires océaniques (Alaska, est du Labrador, Islande, Norvège du Nord-Ouest). Les tapis neigeux durables (8 à 10 mois) mais minces (moins de 50 cm) recouvrent la Sibérie du Nord, l'archipel nord-canadien, le nord du Groenland.

2.2. Les vents

Partout, dans les toundras, les vents sont d'une rare violence (blizzards, poudreries au Canada). Leur action sur les plantes se traduit par des ports prostrés, en drapeau ou en coussinet. De plus, ils stimulent la transpiration des végétaux, qui, ayant peu d'eau à leur disposition, résistent grâce à des feuilles petites, coriaces, vernissées...

3. Les sols : discontinus, minces et gelés

Aux temps préhistoriques (ère quaternaire), les glaces ont buriné, raclé, poli et raboté les matériaux rocheux granitiques et déblayé les roches sédimentaires les plus tendres. Aussi les sols sont-ils fondamentalement discontinus : absents des parties dénudées, ils se développent sur les roches mères meubles (moraines, alluvions marines et fluviales, éoliens). Ce sont des sols jeunes et minces, car la décomposition des roches a débuté il y a moins de 10 000 ans, en règle générale, après le retrait des glaciers. La plupart de ces sols sont gelés sur toute leur épaisseur une grande partie de l'année (permafrost). Ces maigres sols sont constamment remaniés par les alternances gel/dégel. Pendant le bref été, lors de la période de dégel, ou raspoutitsa, le sol peut dégeler en surface, donnant une véritable bouillie : le mollisol, qui n'excède guère quelques mètres d'épaisseur. Ce sol, boueux, est instable en raison de l'imperméabilité du permafrost sous-jacent. Cette instabilité entraîne certaines modifications de la topographie et de l'aspect du terrain, caractéristiques des paysages de la toundra.

Pour en savoir plus, voir l'article sol.

Une mosaïque de milieux

L'action du froid explique l'originalité des formes de surface dites « périglaciaires » : sols fractionnés (« polygonaux »), en gradins, pavages de cailloux, buttes gazonnées, appelées thufur en Islande, et grosses lentilles de glace (hydrolaccolites, ou pingos), qui créent autant de terrains différenciés. Les alternances de gel et de dégel (géliturbation, ou cryoturbation) et le glissement du mollisol sur le permafrost (mouvement appelé gélifluxion) forment ces différentes figures géomorphologiques. Dans le cas des sols polygonaux dessinés par les cailloux en terrain plat, ce sont ces lents brassages des matériaux, à l'intérieur du sol dégelé, liés à des différences de température et à des migrations de l'eau, qui trient les fractions fines et caillouteuses, dessinant en surface des figures variées, souvent rehaussées par la végétation. Le matériel le plus fin se trouve au centre et les pierres en bordure. Si la pente est suffisante, ce sont des alignements de pierres ou des coulées de boue. Les pingos sont des monticules circulaires souvent effondrés en leur centre : à la période froide, une poche d'eau contenue dans le sol gèle, sa dilatation soulève ce dernier, formant un cône : lors du réchauffement, la glace fond, provoquant l'affaissement de la partie centrale du dôme. Certains pingos atteignent 90 m de hauteur et 200 à 400 m de diamètre. Les cryokarsts sont des effondrements de terrain dus à la fonte de la glace et à son évacuation, provoquant une diminution du volume total du terrain.

Le mauvais drainage et les immenses marécages estivaux permettent le développement des tourbes et des sols « à gley ». Ces derniers sont des sols à engorgement prolongé par une nappe phréatique privée d'oxygène, qui provoque des phénomènes d'anaérobiose et de réduction du fer. Ces sols sont souvent très défavorables aux végétaux et ont des carences nombreuses. L'une des principales concerne le manque d'azote, en raison de la rareté de la matière organique et de la lenteur de sa décomposition. Souvent, la litière du sol est balayée par le vent et s'accumule dans des sites d'abri, contribuant à y créer des milieux plus riches, avec plus de végétaux, caractéristiques des toundras.

4. L'hémisphère Sud : la toundra sur les îles

Si la toundra forme un gigantesque milieu autour du pôle dans l'hémisphère Nord, elle n'a pas d'équivalent dans l'hémisphère Sud, sauf dans de petites îles perdues au milieu de l'océan Austral : Kerguelen, Marion, Malouines, Macquarie, Campbell, Antipodes, Bouvet et Géorgie du Sud, Sandwich, Shetland, Orcades du Sud... Dans cet hémisphère à dominante océanique, le climat, plus maritime que dans l'Arctique, est marqué par la violence des vents et le faible réchauffement de l'été. Ce sont surtout les très faibles températures de la saison clémente (janvier-février) qui sont un obstacle au développement de la végétation, bien plus que celles des mois d'hiver (juillet), relativement peu rigoureuses, car le climat de ces îles est adouci par l'influence océanique des mers où sont perdues ces îles désolées. L'éloignement de ces îles et leur isolement rendent compte de la présence d'un grand nombre d'espèces qui leur sont propres (endémiques). La limite sud de ces formations analogues à la toundra arctique est relativement élevée, puisque pratiquement elle s'arrête au 61e degré de latitude Sud. Les mousses et les lichens tiennent une place essentielle dans les mosaïques végétales. Les flores sont d'une extrême pauvreté : 3 espèces de plantes à fleurs dans les Shetland du Sud et seulement 2 sur le continent antarctique, presque entièrement recouvert par les glaces (une graminée du genre Deschampsia et une caryophillée). Dans les Malouines (155 espèces de plantes à fleurs) coexistent prairies à boutons d'or du genre Acaena, tourbières et landes à Empetrum rubrum et Bolax glaberia, qui forment des buissons en boules. Azorella et en particulier Azorella selago forme de grosses masses hémisphériques, ainsi qu'Accena ascendens, présent dans un certain nombre d'îles. Quelques genres sont communs aux régions antarctiques et arctiques : Poa,avec, dans les régions antarctiques, Poa flagellata (le tussock), Aira, et en particulier Aira antarctica, qui accomplit son cycle annuel en quelques semaines quand le thermomètre est au-dessus de zéro (il ne dépasse pas 5° C). On trouve encore comme genres les renoncules, les myosotis, les pinguicules. Enfin, quelques espèces sont même communes aux deux régions, comme Cardamine hirsuta, Samolus valerandi, Deschampsia coespitosa.

Parmi les animaux, manchots et phoques tirent essentiellement leur nourriture de la mer.

La toundra des îles Kerguelen

Dans les îles Kerguelen, dans le sud de l'océan Indien, les vents soufflent en permanence, l'hiver n'est pas extrêmement froid, mais l'été est inexistant du fait de la position océanique. Le nombre de plantes à fleurs est très faible (une trentaine). Aucun arbre ne pousse. Les paysages sont plats, bas, à graminées naines. Les rares cailloux abritent une végétation en boules dissymétriques à Azorella selago ou Pringlea antiscorbutica, l'étrange chou des Kerguelen. Cette végétation, à l'aspect xérophile, exclusivement herbacée, a été partiellement détruite par des lapins introduits en 1874. Les îles abritent des colonies nombreuses d'oiseaux de mer, de manchots. Les otaries ont été décimées, mais les phoques, protégés, sont nombreux.

5. La toundra alpine : l'influence de l'altitude

En haute montagne, l'étage précédant les neiges persistantes ne porte pas d'arbres, mais une formation parfois nommée « toundra d'altitude », ou « toundra alpine ». La limite supérieure de cet étage est très variable : à 4 500 m dans le Tibet, elle va naturellement en s'abaissant vers les pôles, 2 500 à 3 200 m dans les Alpes, 1 500 m dans le Jura, 250 m dans le nord de la Norvège.

Comme dans les toundras des régions nordiques, les sols sont peu évolués (rankers sous dépendance climatique). On trouve donc un horizon humique (matière organique et petits fragments de la roche mère) supérieur non lessivé, établi directement sur la roche mère. Les sols subissent d'autre part une forte érosion hydrique, thermique et même éolienne.

La physionomie de cet étage évoque celle de la toundra arctique : pelouses et landes basses et rases rythment les paysages. Le tapis végétal de ces hauts sommets est composé d'une mosaïque de groupements liés aux microstations. Naturellement, on n'y rencontre pas d'arbres : quelques arbrisseaux nains (saules), fréquents dans l'étage immédiatement inférieur, y sont encore présents, mais surtout des plantes vivaces en coussins (chaméphytes), qui résistent bien aux conditions rigoureuses (Silene, Erytrichium, Gentianes...). Les plantes annuelles sont très rares. Nombre de ces espèces sont communes aux régions polaires. L'aulne vert (Alnus viridis), le rhododendron ferrugineux (Rhododendron ferrugineum), la renoncule des glaciers (Ranunculus glacialis) et la dryade à huit pétales (Dryas octopetala) ont des aires de répartition que l'on qualifie d'arctico-alpines. Il n'en est pas de même pour les animaux de l'étage alpin. Certains homéothermes passent l'hiver dans des terriers et entrent en hibernation, d'autres descendent dans les zones boisées inférieures, au climat hivernal moins rigoureux.

Les toundras d'altitude ne peuvent être identifiées totalement aux toundras polaires. En effet, même si pour l'une comme pour l'autre le climat est généralement froid, en montagne, la pression atmosphérique est beaucoup plus faible, le cycle annuel de durée du jour et de la nuit (photopériode) très différent, le rayonnement solaire beaucoup plus fort et beaucoup moins oblique, voire parfois verticale, les variations de températures très importantes au cours de l'année et aussi lors d'une même journée, en particulier en été, les températures estivales plus élevées et le rôle de l'exposition capital.

Dans les régions tropicales, on trouve à très haute altitude (plus de 4 000 m) une formation qui rappelle la toundra. Ainsi dans le massif du Ruwenzori (en Afrique orientale) – au-dessus de la zone à Senecio, Lobelia et immortelles, accompagnées d'un grand nombre d'espèces d'origine boréo-atlantique – se développe une végétation surtout composée de mousses et de lichens, entre autre Cladonia rangiferina des régions arctiques.

6. Les limites de la toundra : l'apparition des arbres

Le contact entre toundra et taïga (ou forêt boréale) s'effectue suivant une large bande de transition, aux limites d'ensemble sinueuses et marquées dans le détail par des avancées et des reculs, liés aux montagnes et aux grands fleuves. La taïga s'arrête sensiblement au niveau du cercle polaire arctique : vers le 72e degré au nord de la Sibérie centrale et vers le 67e en Sibérie orientale (Larix siberica, Larix dahurica), vers le 69e en Scandinavie (bouleau blanc). En Russie d'Europe vers 67e (Picea excelsa), mais dès le 66e degré en Islande et le 53e degré au Labrador et en Alaska (Tsuga canadensis, Picea nigra). Dans l'Arctique, le passage de la toundra à la forêt boréale est caractérisé par un enrichissement progressif en espèces arborescentes. Les arbres qui s'aventurent dans la toundra sont tantôt des résineux, épicéas ou mélèzes, tantôt des bouleaux. Ils parviennent à s'installer lorsque la période végétative dépasse les 60 jours sans gel et que la température moyenne du mois le plus chaud dépasse 10 °C.

La limite de la toundra présente un grand décalage de part et d'autre de l'Atlantique : située sur le 50e parallèle à Terre-Neuve, elle n'apparaît que sur le 60e parallèle en Écosse. Cette opposition est liée à l'effet des eaux chaudes de la dérive nord-atlantique sur les côtes d'Europe, alors que la façade canadienne subit l'effet refroidissant du courant du Labrador.

Localement, les conditions d'abri offertes le long des grands fleuves (Ob, Ienisseï, Lena, Mackenzie) permettent des avancées de grandes langues forestières dans la toundra. À l'inverse, les systèmes montagneux de l'Oural, de l'Alaska et de la Scandinavie favorisent l'extension méridionale de la toundra.