Australie : histoire

Le gouvernement australien et les Aborigènes
Le gouvernement australien et les Aborigènes

1. La préhistoire

1.1. Premiers peuplements humains

Pendant les grandes périodes glaciaires, la régression générale des mers avait donné naissance à une Australie beaucoup plus vaste qu'aujourd'hui et où se trouvaient réunis la Nouvelle-Guinée, l'Australie, la Tasmanie et les grands plateaux continentaux depuis lors ennoyés. En Indonésie orientale, de petits bras de mer séparaient encore cet ensemble de l'Asie continentale. Les hommes les franchirent néanmoins pendant le würm et colonisèrent les terres australiennes. On a en effet découvert à Mungo, dans le sud de l'Australie, des traces de leur activité datées de près de 40 000 ans.

Dans le même site, mais dans un niveau plus récent (25 000 ans), furent découverts les restes d'une jeune femme dont les traits anatomiques sont fort peu différents de ceux des Aborigènes actuels. Dans la même région furent mises au jour de très nombreuses sépultures dont les individus ont des traits beaucoup plus archaïques que ceux du précédent, bien qu'ils soient beaucoup plus récents : 10 000 ans.

1.2. Outillage et art rupestre

L'outillage est néanmoins partout semblable, quels que soient les sites et jusque vers 8000 avant notre ère : gros grattoirs nucléiformes, éclats grossiers, puis, vers 2000 avant J.-C., lames à tranchant poli. En même temps que les milieux naturels se modifient avec le réchauffement postwürmien, un nouvel ensemble d'outils s'ajoute au précédent, très diversifié et finement retouché : pointes unifaciales ou bifaciales, lames à dos, microlites, etc., dont on ignore l'origine ; il est en effet inconnu en Nouvelle-Guinée et en Asie du Sud-Est. Cet outillage restera en usage jusqu'à la période européenne.

L'art rupestre (peintures, gravures) est très ancien. Des motifs linéaires, gravés dans la grotte de Koonalda (au sud de l'Australie), sont datés de 20 000 ans. Ces peintures et gravures rupestres représentent des scènes (hommes, animaux) et des motifs symboliques. Certains thèmes sont encore reproduits par les peintres aborigènes contemporains.

2. De la découverte à la fédération

2.1. La découverte

Les Britanniques devancés par les Hollandais

La reconnaissance par les Hollandais des routes maritimes conduisant à Java les amène à toucher la côte australienne dès 1606, dans le golfe de Carpentarie (Willem Janszoon). Mais on ne se fait alors aucune idée de l'importance de cette « Terre australe », dont on pensait, depuis Ptolémée, qu'elle allait peut-être jusqu'au pôle Sud et qu'elle était, au nord, soudée à la Nouvelle-Guinée. La côte ouest, ensuite, est reconnue au cours de divers voyages. En 1642, Abel Janszoon Tasman, passant très au sud des côtes méridionales, parvient jusqu'à la grande île qui lui doit son nom et démontre ainsi l'insularité de la « Nouvelle-Hollande », sans l'avoir aperçue et tout en croyant que la « Tasmanie » touchait à cette dernière.

La côte orientale de l'Australie ne sera reconnue qu'en 1770, par James Cook, qui prend possession de la région au nom du roi d'Angleterre. L'insularité de la Tasmanie est prouvée seulement en 1798 par Georges Bass. En 1801 et 1802, le Britannique Matthew Flinders étudiera en détail la côte sud et y rencontrera le Français Nicolas Baudin.

2.2. La colonisation

La colonisation britannique est entamée en 1788 avec les convicts du capitaine Arthur Phillip, à Port Jackson (Sydney). En effet, pour résoudre les difficultés occasionnées par la surpopulation des prisons anglaises, le gouvernement britannique décide de faire de l'Australie une colonie pénitentiaire. La pénétration vers l'intérieur est assez lente, et les montagnes Bleues ne sont complètement franchies qu'en 1813, par G. W. Evans. Plusieurs points de colonisation agricole sont créés en Tasmanie, comme dans l'Ouest (Albany) par de riches émigrants libres ; ainsi en 1827 le Royaume-Uni – craignant une intervention française – peut revendiquer la totalité de l'Australie.

Tous ces établissements sont dirigés par des gouverneurs militaires. L'essentiel de l'activité économique consiste à fournir le ravitaillement des bagnards – 58 000 débarquent en Australie avant 1830 – qui, formant un sous-prolétariat, travaillent pour des patrons libres. Mais quelques tentatives sont faites pour diversifier les activités ; ainsi l'élevage du mouton est introduit par J. Macarthur en 1797.

Extension des colonies

Au fur et à mesure du peuplement et de l'exploration du territoire, de nouvelles colonies sont fondées. En 1829, l'Australie-Occidentale tente de s'organiser à partir de grands domaines ; l'Australie-Méridionale, en 1837, suit les préceptes (famille, morale, libéralisme économique) de la Société de colonisation de Edward Gibbon Wakefield ; en 1851, la colonie de Victoria, autour de la riche Melbourne, se détache de la Nouvelle-Galles du Sud, tout comme au nord celle de Queensland en 1859, dans des conditions beaucoup plus difficiles. De 1842 à 1860, toutes ces colonies, sauf l'Australie-Occidentale, obtiennent des régimes semi-parlementaires assez proches de celui de la mère patrie.

Extermination des Tasmaniens, tentatives d'extermination des Aborigènes

Les différences restent grandes entre les colonies, mais toutes refusent une trop grande ingérence du gouvernement impérial ; et, à l'exception de l'Australie-Occidentale, elles s'opposent à la « transportation » des bagnards qui concurrencent les travailleurs libres. L'économie pastorale, fondée sur l'élevage du mouton, se développe, malgré les conflits avec les cultivateurs (settlers). Cela a pour conséquence de multiplier les heurts avec les indigènes ; les Tasmaniens sont totalement exterminés, les Aborigènes cruellement repoussés vers les déserts de l'intérieur par les éleveurs (squatters). En 1851, la découverte de l'or bouleverse la société australienne en attirant des milliers d'aventuriers venus du monde entier, principalement de Chine. Elle permet également l'essor du Victoria et de sa capitale Melbourne.

Achèvement de l'exploration

Parallèlement, l'exploration se poursuit. En 1830, C. Sturt descend le fleuve Murray, résolvant l'essentiel des problèmes posés par l'hydrographie australienne. En 1841, Edward John Eyre longe le littoral sud sur 2 500 km, jusqu'au petit établissement d'Albany. Un exploit encore plus étonnant est dû à l'Allemand L. Leichhardt, qui, en 1844 et 1845, parcourt 5 000 km à pied, joignant Brisbane à l'extrémité de la terre d'Arnhem (nord de l'Australie). Il disparaîtra dans une tentative pour joindre Sydney à Perth.

La première traversée de l'Australie, du sud au nord, sera réalisée en 1860-1861 par R. O. H. Burke et W. J. Wills, depuis Menindee, sur le Darling : ils trouveront la mort au retour. Un Écossais, John McDouall Stuart, réussit l'aller et le retour, d'Adélaïde à Port Darwin (1862), ouvrant l'itinéraire que suivra peu après le télégraphe. Désormais, de nombreuses expéditions vont combler les blancs de la carte de l'Australie et préparer la mise en valeur d'immenses régions.

Développement économique et premières réformes

Malgré des évolutions semblables, les colonies ont peu de relations entre elles. L'élevage du mouton se développe de façon toujours aussi extensive et de nouvelles mines d'or sont découvertes comme en Australie-Occidentale (1890). Pourtant l'urbanisation et l'industrialisation qui découlent de ces activités traditionnelles donnent à l'Australie un type de développement plus diversifié. Partout le régime parlementaire s'épanouit. L'arrêt de la « transportation » pénitentiaire, les restrictions à l'immigration, surtout asiatique, et l'amélioration du niveau de vie de la population anglo-saxonne permettent la réalisation de diverses réformes : enseignement obligatoire gratuit, lois sociales (journée de huit heures dès 1856 dans certaines conditions), suffrage féminin dès 1894 en Australie-Méridionale. Le mouvement des trades-unions s'amplifie et le Queensland a, brièvement en 1899, un Premier ministre travailliste (A. Dawson).

3. Le Commonwealth

3.1. Instauration du Commonwealth of Australia

Dès 1880, les colonies, se sentant menacées par la poussée européenne et américaine dans le Pacifique (le Queensland annexe en 1883 la Nouvelle-Guinée visée par l'Allemagne, mais il sera contraint en 1885 de la partager avec celle-ci et les Pays-Bas), ainsi que par l'immigration asiatique (40 000 Chinois immigrés en vingt années), envisagent une fédération. Si dès 1885 un conseil fédéral existe, il est sans pouvoir réel, et il faut attendre les difficiles conventions de 1891 et 1897-1898 pour parvenir à préparer une Constitution qui sera approuvée par référendum dans toutes les colonies et entérinée par le Parlement britannique (9 juillet 1900). Le Commonwealth of Australia naît le 1er janvier 1901 ; c'est un compromis entre les régimes anglais et américain (parlementarisme, sénat, cour suprême) dans lequel les différents États gardent beaucoup d'indépendance.

Alors que le développement économique se poursuit dans la lignée de celui du siècle précédent, le pouvoir fédéral acquiert plus d'importance. En 1911, il prend en charge le Territoire du Nord pour alléger les dépenses de l'Australie-Méridionale. Des ministères libéraux-conservateurs avec E. Barton (1901-1903), A. Deakin et travaillistes avec A. Fisher (1908-1913) se succèdent sans beaucoup de différences. Ils manient un budget important alimenté par une lourde fiscalité et dirigent leurs efforts vers la défense du pays (création d'une marine et d'une armée) et les avantages sociaux de l'Australie blanche. Inaugurée par la loi de restriction de l'immigration (1901),qui oblige les nouveaux candidats à l'immigration à réussir une dictée de cinquante mots dans une langue européenne, la White Australia Policy (politique migratoire en Australie) durera jusqu'en 1973.

4. Les deux guerres mondiales

4.1. L'Australie dans la Première Guerre mondiale

La participation à la Première Guerre mondiale derrière le Royaume-Uni est unanimement enthousiaste ; 330 000 Australiens y prennent part, 59 000 meurent ; ils se distinguent dans l'expédition des Dardanelles et dans les Flandres et s'emparent de la Nouvelle-Guinée allemande. Le Premier ministre William Morris Hughes (1915-1923), passé du Labour à l'Union nationale, obtient à Versailles des territoires allemands qu'il doit partager avec la Nouvelle-Zélande. L'affirmation nationale de l'Australie est symbolisée par l'installation du pouvoir central, en 1927, à Canberra, choisie comme capitale fédérale.

4.2. La crise de 1929

La grande crise de 1929 frappe durement l'économie australienne protégée par un tarif élevé et encore trop dépendante des exportations de la laine, dont le principal client devient alors le Japon. Le parti agrarien de Stanley Melbourne Bruce doit, en 1929, laisser la place aux travaillistes ; ceux-ci, divisés sur les remèdes à prendre pour relever l'économie – le gouvernement mène alors une politique de rigueur financière et de réduction des dépenses qui rencontre l'hostilité de la base attachée aux hauts salaires –, ne parviennent pas à améliorer la situation du pays. Aussi, en 1939, le United Australia Party de Joseph A. Lyons prend-il le pouvoir, avec très vite l'accession de Robert Menzies au poste de Premier ministre, qu'il conservera jusqu'en 1941.

4.3. Aux côtés des États-Unis dans la Seconde Guerre mondiale

Si l'Australie s'était rapprochée des États-Unis dans les années 1920 pour limiter l'expansion japonaise dans le Pacifique, ses gouvernements successifs n'en mènent pas moins une politique pacifiste qui encourage les ambitions japonaises à la veille du conflit. Pourtant dès 1940 l'Australie suit le Royaume-Uni dans la guerre et envoie un corps expéditionnaire sur le front européen ; mais rapidement l'attaque japonaise menace la côte et les intérêts australiens. Port Darwin, au nord, est bombardée en février 1942, les Japonais débarquent en Nouvelle-Guinée et aux îles Salomon. Sous l'impulsion vigoureuse du Premier ministre travailliste John Joseph Curtin, l'Australie devient dès lors l'alliée privilégiée des États-Unis, dans la guerre du Pacifique ; le général MacArthur établit son quartier général à Melbourne, puis à Brisbane. La bataille de la mer de Corail sauve l'Australie, qui participe à la contre-offensive alliée et se distingue particulièrement en Nouvelle-Guinée (→ campagnes du Pacifique).

Pendant toute la guerre, la production est strictement organisée pour maintenir un ravitaillement régulier et des prix stables ; les industries de transformation connaissent un grand essor. Très tôt, les gouvernements de J. Curtin jusqu'en 1945, puis celui de son successeur Joseph Benedict Chifley tentent de préparer l'après-guerre en maintenant un contrôle de l'économie. Ce dirigisme – exagéré et dénoncé par l'opposition libérale – s'accorde mal au climat de guerre froide qui permet de dénoncer un danger communiste en Australie, et, en 1949, les élections donnent une nette victoire aux libéraux de Robert Menzies, héritiers de l'United Australia Party d'avant-guerre.

5. L'Australie contemporaine

5.1. L'hégémonie des conservateurs

Prospérité blanche et anticommunisme

Politiquement, la coalition des libéraux et des agrariens (Country Party), dirigée par Robert Menzies, est inamovible, même si la menace travailliste se fait parfois sentir comme en 1961. Elle doit cette stabilité à un système de représentation qui la favorise, mais surtout à une politique conservatrice clairement fondée sur la prospérité de l'Australie anglo-saxonne et sur l'anticommunisme. Malgré les récessions de 1952 et de 1959, l'économie connaît un essor remarquable, établi sur l'exploitation des ressources naturelles et la recherche d'investissements industriels ; le gouvernement mène une politique très libérale en faveur des investissements étrangers, surtout américains, mais aussi japonais, après 1956.

Malgré le rôle encore essentiel de l'élevage lainier, l'agriculture recule sensiblement. Ce développement repose aussi sur une main-d'œuvre toujours renouvelée par l'apport massif de l'immigration. De 1945 à 1972, 100 000 personnes en moyenne arrivent annuellement dans le pays ; il s'agit pour près de la moitié de Britanniques et pour le reste d'Européens, attirés par le niveau de vie élevé et la protection sociale ; s'ils forment un ensemble assez homogène vite assimilé, leur présence accentue néanmoins le caractère cosmopolite de Melbourne et de Sydney. Mais ces avantages de l'Australie blanche sont refusés aux Aborigènes et – sauf rares exceptions après 1956 – aux émigrants asiatiques.

Conséquences de la guerre au Viêt Nam

Ces choix expliquent que, sur le plan extérieur, le gouvernement de R. Menzies, s'il reste fidèle au Commonwealth et accueille avec chaleur la reine Élisabeth en 1963, s'aligne sur les propositions américaines. Il envoie des troupes en Corée, fait adhérer son pays à l'Organisation de l'Asie du Sud-Est (OTASE) en 1954 et, après avoir soutenu la fédération de Malaisie et envisagé d'aider l'Inde dans son conflit avec la Chine, il est le seul gouvernement occidental – avec celui de Nouvelle-Zélande – à envoyer des troupes appuyer les Américains au Viêt Nam.

La retraite de R. Menzies, en 1966, la mort accidentelle de son successeur H. Holt dès 1967 entraînent une certaine instabilité politique, résolue en janvier 1968 par l'accession au pouvoir de John Gorton, qui appartient à la droite de la coalition majoritaire. Son gouvernement rencontre de nombreuses difficultés. En effet, la guerre du Viêt Nam suscite de multiples réactions. À cela s'ajoutent les grèves du printemps 1969 dans les transports, causées par l'arrestation d'un dirigeant syndical accusé de communisme. Les élections d'octobre 1969 font apparaître une forte poussée des travaillistes de Edward Gough Whitlam. En 1970, une grande partie des troupes australiennes sont retirées du Viêt Nam ; les dernières (8 000 hommes) le seront à la fin de 1971 après de nouvelles manifestations.

La conclusion d'accords économiques avec la Chine populaire, la volonté de coopération avec le Japon – en particulier pour le développement économique des îles Cook, Samoa occidentales et Nauru – s'accompagnent d'un assouplissement de la politique d'immigration, encore régie par la loi de 1901. Les non-Européens sont admis, pourvu qu'ils s'intègrent à la société blanche ; seuls quelques milliers d'Asiatiques peuvent en profiter – 35 000 en 5 ans, pour 600 000 Européens.

5.2. Les défis de la modernité

Les revendications des Aborigènes

Tous les partis soutiennent la White Australia Policy et se refusent à envisager une société multiraciale. Cela explique les réactions violentes, sauf dans quelques milieux libéraux, devant les revendications, inédites, des Aborigènes (ils sont alors 130 000, soit 1 % de la population), qui obtiennent néanmoins la création d'un ministère spécial en 1967, mais veulent surtout le respect de leur culture et la propriété de leurs terres, riches en bauxite. Le gouvernement de William McMahon, qui a remplacé J. Gorton à la veille des élections législatives de 1972, satisfait partiellement leurs revendications en décidant que les réserves, propriétés du gouvernement, leur seront louées à bail.

Ces diverses mesures plus progressistes, l'énergie manifestée, en 1970, dans les protestations contre les essais nucléaires de la France dans le Pacifique ne suffisent pas à compenser l'usure du pouvoir, ni les difficultés économiques dues à la montée, nouvelle en Australie, de l'inflation, du chômage, et aux fluctuations des exportations de laine. Lors des élections de décembre 1972, les travaillistes, menés par Edward Gough Whitlam, reviennent au pouvoir.

L'intermède travailliste (1972-1975)

La victoire travailliste semble annoncer une ère nouvelle de réformes sociales et d'ouverture vers le monde extérieur. Dès 1973, E. G. Whitlam reconnaît officiellement la Chine populaire et le Viêt Nam du Nord, accorde l'autonomie à la Nouvelle-Guinée, envoie son ministre de la Justice à Paris pour protester contre les essais nucléaires. Fort de cette activité, le Premier ministre n'hésite pas à dissoudre le Parlement en avril 1974 devant le refus du Sénat (où les conservateurs sont encore majoritaires) de lui accorder de nouveaux crédits ; les travaillistes l'emportent difficilement.

Difficultés économiques et sociales

Cette expérience est interrompue en octobre 1975 : le gouverneur général prend l'initiative controversée de limoger E. G. Whitlam et appelle Malcolm Fraser, le chef de l'opposition libérale, pour former un gouvernement par intérim. Les élections de décembre donnent une victoire écrasante aux libéraux alliés au Country Party. M. Fraser, à la tête de ce gouvernement, est confronté à des difficultés économiques considérables, la législation du travail et l'appareil de production australiens n'étant pas adaptés aux nouvelles conditions de la concurrence internationale.

L'entrée du Royaume-Uni dans le Marché commun, en 1972, fait perdre à l'Australie un débouché privilégié pour ses produits agricoles, et les dispositions pour maintenir l'accès au marché britannique à des conditions dérogatoires ne suffisent pas pour compenser les pertes. En 1978, des accords sont passés avec le Japon, premier partenaire commercial. Sur le plan intérieur, les Aborigènes se mobilisent et occupent le centre de Canberra au printemps 1979, pour réclamer la reconnaissance de leurs droits et la signature d'un traité. Par ailleurs, l'Australie doit faire face à l'arrivée de milliers de boat people vietnamiens (30 000 réfugiés de 1975 à 1980).

5.3. La mise en œuvre des réformes politiques et économiques par les travaillistes

Bob Hawke (1983-1991)

Leader du parti travailliste, Bob Hawke domine la vie politique australienne des années 1980. Élu Premier ministre en 1983, réélu en 1987 et en 1990, il se fait l'artisan d'une politique de plus grande austérité budgétaire et prend les premières initiatives pour démanteler les protections tarifaires de l'économie nationale. En août 1988, il engage des pourparlers officiels entre le gouvernement et les populations aborigènes.

Participant aux campagnes visant à affirmer sur la scène internationale l'identité régionale et la spécificité des problèmes des États insulaires du Pacifique Sud, il apporte notamment le soutien actif de l'Australie dans l'opposition régionale aux essais nucléaires français. Avec son homologue japonais, il est également à l'origine, en janvier 1989, de l'Asia Pacific Economic Cooperation (APEC), forum regroupant 21 pays de la région et destiné à promouvoir une plus grande transparence et une meilleure coordination des politiques économiques des États membres. Confronté à de graves difficultés intérieures et à une forte baisse de popularité, il démissionne en décembre 1991.

Paul John Keating (1991-1996)

Son remplacement, Paul John Keating, reconduit dans ses fonctions après les élections de mars 1993, poursuit la politique sa politique. Un débat est engagé sur l'opportunité de rompre les liens avec la Couronne britannique et de faire de l'Australie une république. En décembre 1993, le Parlement fédéral adopte une législation (Native Title Bill), reconnaissant aux Aborigènes la propriété de certaines terres.

L'Australie maintient sa relation étroite avec les États-Unis, continuant d'autoriser la présence des bâtiments nucléaires américains dans les eaux et les ports nationaux. En avril 1993, est créé un ministère des Affaires du Pacifique, dont la mission est de maintenir la priorité accordée aux îles océaniennes dans les relations extérieures de l'Australie. En décembre 1995, un accord de sécurité est signé avec l'Indonésie. En janvier 1996, l'arrêt définitif des essais nucléaires français dans le Pacifique permet une normalisation des relations entre Paris et Canberra.

5.4. Entre repli, ouverture et réalignements, l'Australie des libéraux

Le repli

L'usure du pouvoir travailliste conduit à la victoire d'une coalition libérale-nationale en mars 1996, dirigée par John Howard ; P. J. Keating ayant démissionné de son poste à la tête du parti travailliste, il est remplacé par Kim Beazley. La majorité conservatrice opère un repli des grandes orientations politiques sur les questions intérieures, qui se traduit par la multiplication de propos xénophobes au Parlement et la montée en puissance du parti d'extrême droite One Nation aux élections du Queensland en juin 1998 (10 sièges sur 23). En juillet 1998, après dix-huit mois de polémiques entre la Chambre des représentants et le Sénat, le gouvernement de J. Howard parvient à faire adopter par le Parlement une loi qui remet en cause le Native Title Bill de 1993.

La victoire des conservateurs aux élections générales anticipées organisées en octobre 1998 conforte la coalition nationale-libérale au pouvoir dans l'application de son programme libéral. Le projet de transformation de l'actuelle monarchie constitutionnelle en république est soumis à référendum en octobre 1999, mais est rejeté par la population, qui ne veut pas du modèle qu'on lui propose (président élu par les deux tiers du Parlement, supposé être au-dessus des partis, mais dépourvu de légitimité populaire).

En novembre 2001, de nouvelles élections générales sont organisées. La question de l'immigration est au centre des débats de la campagne électorale, à la suite de la crise du Tampa, du nom du cargo norvégien sur lequel plusieurs centaines de boat people ont trouvé refuge , avant de se voir voient finalement refouler par les autorités de Canberra, après plus d'une semaine d'expectative au large des côtes australiennes (août). Le Premier ministre sortant, J. Howard, pourtant en perte de vitesse depuis plusieurs mois à cause de résultats économiques décevants, tire avantage de cette décision, contrairement à l'opposition travailliste, qui, en choisissant de soutenir la politique gouvernementale dans cette affaire, s'aliène finalement une partie de son électorat. Les Verts, favorables à l'accueil des boat people, recueillent les voix des mécontents, tandis que l'extrême droite, One Nation, disparaît presque du paysage politique.

Une ouverture régionale tardive

L'Australie reste incapable d'aider le gouvernement de Papouasie-Nouvelle-Guinée à trouver une solution dans le conflit séparatiste de Bougainville déclenché en 1989. En 1997, c'est la Nouvelle-Zélande qui prend l'initiative de pourparlers de paix et permet la signature d'un cessez-le-feu en avril 1998. Mais c'est l'Australie qui est placée à la tête du groupe chargé de la surveillance de l'accord de paix. Préjudiciables au rôle militaire, politique et diplomatique du pays en Asie-Pacifique, les tensions entre Jakarta et Canberra se font dès lors chroniques, alimentées également par l'accueil fait aux réfugiés de Papouasie-Occidentale ou par le rôle moteur joué dans l'envoi d'une force de paix pour ramener l'ordre au Timor Oriental en 1999.

Certes, l'Australie profite de l'organisation des jeux Olympiques à Sydney de septembre 2000 pour réaffirmer sa place dans la région, mettre en avant ses relations avec ses voisins, japonais, coréens ou chinois, et signifier son ouverture sur le reste du monde. Mais les petites îles du Pacifique sud voient dans la persistance de son refus de signer le protocole de Kyoto une nouvelle manifestation de son désintérêt pour les problèmes de la région (montée des eaux).

Canberra ne s'associe pas davantage au dialogue euro-asiatique (ASEM), dont les rencontres se tiennent en mars 1996 (Bangkok), en avril 1998 (Londres), en octobre 2000 (Séoul), en septembre 2002 (Copenhague), en octobre 2004 (Hanoi) et en septembre 2006 (Helsinki), donnant l'impression de se détourner de la sphère asiatique, alors même que ses échanges avec la région augmentent de façon spectaculaire. Les enjeux commerciaux (notamment avec la Chine, avec laquelle ils triplent de 1995 à 2005), prépondérants, précipitent le retour de Canberra dans le cercle des acteurs de la stabilité régionale : au fur et à mesure qu'avance la décennie, les liens politiques avec le continent asiatique reprennent vigueur tandis que le pays s'implique davantage dans le dialogue et la coopération avec les États voisins de l'Asie du Sud-Est. Il est, par exemple, l'un des tout premiers contributeurs en aide d'urgence fournie à l'Indonésie à la suite du tsunami ravageur de la fin 2004. C'est en outre lui qui accueille le sommet de l'APEC en 2007.

Le gendarme du Pacifique

En fait, longtemps peu soucieuse de s'impliquer dans une arrière-cour toujours instable, l'Australie de J. Howard se découvre sur le tard une vocation de gendarme du Pacifique. En 2003, envoi de policiers en Papouasie-Nouvelle-Guinée ; au même moment, déploiement d'un contingent armé aux îles Salomon, renforcé en 2006 ; nouvel engagement au Timor Oriental début 2006 ; et, tout au long de la période, intervention plus ou moins directe aux îles Fidji et à Nauru, même si Canberra entend plutôt redéployer son action dans le monde, aux côtés du vieil allié américain, pour définir avec les États-Unis de George Walker Bush une sorte de version orientale de la « relation spéciale ».

L'alignement atlantique

Le 11 septembre 2001, J. Howard est à Washington. Il engage son pays dans sa plus grande campagne militaire depuis la guerre du Viêt Nam avec l'envoi de 1 550 soldats chargés de soutenir la riposte américaine contre le terrorisme en Afghanistan. En octobre 2002, l'attentat de Bali (près de 200 morts, dont 88 parmi les touristes australiens) affecte profondément l'opinion publique, qui l'interprète comme une mesure de représailles. Cela ne dissuade pas J. Howard de poursuivre son action contre le terrorisme international aux côtés des États-Unis, plaçant son pays au cœur de la coalition américano-britannique – non sans susciter sur place des manifestations d'opposition. Près de 2 000 soldats australiens participent donc à la guerre contre l'Iraq. Ils sont encore un petit millier après la chute de Saddam Husayn. Et ils restent à hauteur de plus de 800 en 2006, près de 500 étant par ailleurs stationnés en appui dans le Golfe, cependant que 300 épaulent toujours la coalition internationale en Afghanistan.

En outre, signé en 2004 et entré en vigueur au début de 2005, un traité de libre-échange (hors sucre et viande de bœuf, qui restent contingentés à leur entrée en Amérique) lie plus étroitement encore les deux partenaires. Liée au phénomène El Niño, la sécheresse qui sévit pendant l'été austral 2002-2003 ampute les récoltes agricoles comme le cheptel (2,5 millions de moutons, 660 000 bovins abattus) et alimente de grands incendies dans le bush, jusqu'aux abords de la capitale et de Sydney – phénomène qui s'aggrave à l'été 2006-2007. Les aléas climatiques n'affectent guère la croissance économique, qui se poursuit, dopée par la conjoncture internationale, et tout particulièrement la demande de matières premières dont l'Australie est exportatrice (notamment en direction des puissances émergentes d'Asie, comme la Chine et, désormais, l'Inde). Malgré un endettement record des ménages (à près de 150 % de leurs revenus, soit un ratio plus élevé qu'aux États-Unis), une balance commerciale très déséquilibrée, et la menace prégnante d'une bulle spéculative immobilière, la croissance entame, en 2006, sa seizième année de hausse consécutive. L'inflation est contenue, le taux de chômage – divisé par deux sur une décennie – est descendu à 5,1 % ; l'activité et la consommation restent soutenues, les budgets excédentaires.

C'est pourquoi, malgré l'opposition à l'alignement atlantique de l'Australie et à la réforme de l'aide aux Aborigènes (liant explicitement, désormais, l'intervention fédérale à l'acculturation des populations), J. Howard, fort d'une stature d'homme d'État international et d'un bilan économique plutôt flatteur, est reconduit à la tête du gouvernement en octobre 2004 à l'issue des élections. Les libéraux obtiennent 40,4 % des voix et 4 sièges de plus ; recueillant 38,2 % des voix, les travaillistes perdent 7 sièges. Mais ces derniers continuent à contrôler les pouvoirs locaux, en particulier les 6 États et les 2 territoires que compte la fédération. Avec 7 % des suffrages, les Verts, qui atteignent jusqu'à 20 % dans les grandes villes, font une poussée remarquable. À la suite du revers électoral, Mark Latham démissionne de son poste de chef des travaillistes en janvier 2005 ; il est remplacé par K. Beazley (ex-Premier ministre et leader du parti après la défaite de 1996), qui se voit confier la charge de préparer un programme susceptible de ramener sa formation au pouvoir. Mais, exception faite de son opposition à l’égard de l’engagement en Iraq et de son franc soutien au protocole de Kyoto, il peine finalement à se démarquer des grandes orientations du gouvernement en place.

J. Howard, plus que jamais chantre des « valeurs australiennes », entendues comme judéo-chrétiennes, escompte bien emmener son parti aux prochaines élections et le faire gagner. Mais l'usure du pouvoir, l'impopularité de la nouvelle loi sur le droit du travail, défavorable aux salariés (2005), l'éclatement de scandales qui ternissent son image, sa réputation d'intransigeance en matière environnementale et d'alignement sur les États-Unis de G. W. Bush, et finalement le renouvellement de la direction du parti travailliste – avec l'élection à sa tête en décembre 2006 du jeune Kevin Rudd – ont raison de ses espérances.

5.5. Au centre des enjeux, l'Australie des travaillistes

Kevin Rudd

Sur la base d'un programme modéré comprenant notamment la promesse du retrait des troupes d'Iraq, la ratification du protocole de Kyoto, et l'aménagement de la nouvelle loi sur le travail, Kevin Rudd remporte les élections fédérales du 24 novembre 2007 : avec 52,7 % des suffrages contre 47,3 % ainsi qu'une confortable majorité au Parlement, ce partisan de la troisième voie met fin à onze années de pouvoir des libéraux. Ces derniers sont laminés : ils n'emportent aucun État ou territoire fédéré, et leur leader, J. Howard, est battu dans sa circonscription.

De façon symbolique, le nouveau cabinet Rudd fait la part belle aux femmes et aux minorités : le poste de vice-Premier ministre, en charge des priorités que sont l'éducation et le travail, échoit notamment à sa collègue Julia Gillard, tandis que Penny Wong, premier membre du gouvernement d'origine asiatique, et par ailleurs ouvertement lesbienne, se voit confier l'eau et le climat.

Premières mesures : défis environnementaux, minorités, repentance à l'égard des Aborigènes

L'écologie fait aussi l'objet d'une attention toute particulière, puisqu'elle occupe un autre portefeuille, l'environnement et le patrimoine national, attribué à Peter Garrett, l'ancien chanteur du groupe de rock Midnight Oil. Et pour mieux afficher la nouvelle ligne politique de son pays, à peine investi le 3 décembre, Kevin Rudd effectue son premier déplacement officiel à Bali, pour se rendre à la conférence internationale sur le climat, où, de façon significative, il décide de faire débuter son exercice du pouvoir par la ratification du protocole de Kyoto.

Autre geste emblématique, en février 2008, il présente au nom du gouvernement des excuses aux Aborigènes pour les « générations volées », ces enfants arrachés à leurs milieux d'origine et placés voire exploités dans des familles d'accueil anglo-saxonnes. Même si elle ne s'accompagne pas de compensations financières, cette déclaration de repentance fait date. Dans la foulée sont élaborés des textes visant à une meilleure prise en compte des droits des homosexuels.

Suivent aussi l'annonce – historique – que le prochain gouverneur général sera une femme, Quentin Bryce, ainsi que des mesures d'aide aux fermiers pour combattre la sécheresse qui continue à sévir dans le pays, des plans de lutte contre une inflation rampante, des projets de réduction des dépenses publiques (malgré l'excédent budgétaire) et de baisse d'impôts, un assouplissement de la loi de 2005 sur le travail, des initiatives en faveur des infrastructures, de l'éducation, des hôpitaux, de l'accès à la propriété et des sans-abri…

Malgré les réticences des milieux d'affaires, le gouvernement annonce en juillet son intention de faire appliquer son programme de réduction des gaz à effet de serre dès 2010. Puis, en décembre 2008, il fait savoir que la « révolution solaire » qu'il entend promouvoir est amenée à s'accélérer. Il est vrai que l'Australie connaît une septième année consécutive de canicule et de sécheresse, qui s'avère tout particulièrement dramatique, puisque de grands incendies ravagent en février 2009 l'État de Victoria, faisant plus d'une centaine de victimes.

Des mesures d'urgence face à une menace de récession

Pointe alors une autre menace, celle d'une grave récession, susceptible d'interférer avec le défi environnemental et de différer la mise en œuvre des réponses qui lui sont apportées. En effet, 2008 semble devoir mettre un terme à un cycle de croissance ininterrompue de 17 ans. L'activité, victime du retournement spectaculaire de la conjoncture internationale, s'essouffle brutalement à partir de l'automne, au point d'obliger le gouvernement à prendre une série de mesures d'urgence, renouant ainsi avec l'initiative et la dépense publiques : fort des excédents budgétaires passés, il met tout d'abord sur pied en fin d'année un programme d'aide au secteur automobile comme aux familles et aux personnes âgées pour une dizaine de milliards de dollars (australiens). Puis, en février 2009, afin de doper une production anémiée et de ralentir la hausse du chômage, il élabore un plan de relance d'une quarantaine de milliards consacré tant à l'investissement (santé, éducation, logement, infrastructures) qu'au soutien des ménages les moins favorisés. Adossé à ces mesures, le maintien d'une forte demande en matières premières des pays émergents, dont la Chine, permet à l'Australie d'éviter le spectre de la récession : en effet pour 2009, contrairement à la plupart des pays de l'OCDE, le pays affiche un taux de croissance positif, de l'ordre de 2,7 % du PIB.

Échecs gouvernementaux et démission de Kevin Rudd

Cette bonne gestion de la crise ne va toutefois pas sans ratés : les programmes de soutien de l’activité s’accompagnent d’effets pervers voire de gabegie dommageables pour l’image du gouvernement. Dans le même temps, la question de l’immigration avec l’arrivée par centaines de boat people d’origine tamoule demandant l’asile ajoute aux sources de crispation intérieure.

Par ailleurs, K. Rudd ne parvient pas à faire adopter un plan de réduction des émissions de CO2, à deux reprises rejeté par le Sénat, pas plus qu’il ne fait entendre sa voix au sommet international sur le climat de Copenhague de décembre 2009. Le style, en définitive autoritaire, du Premier ministre finit par déplaire, au point que sa popularité s’effondre au début de l’année 2010. L’annonce en mai d’une réforme de la fiscalité et notamment la proposition d’une taxation des super-profits miniers suscitent auprès d’une population qui redoute encore la hausse du chômage (pourtant redescendu à 5,3 %) un débat houleux. Le 24 juin, sous la pression de ses collègues de parti, K. Rudd est contraint de démissionner et de céder sa place à la tête du gouvernement et des travaillistes à sa seconde, Julia Gillard, à charge pour la première femme promue chef de l’exécutif fédéral de redresser la barre en vue des élections générales qu’elle décide d’anticiper et de fixer au 21 août.

Julia Gillard (2010-2013)

Après avoir opéré un recul stratégique sur la taxation minière (réduite et cantonnée aux seuls fer et charbon) et adopté un discours de fermeté à propos de l’immigration, Julia Gillard mène une campagne terne, centrée sur les questions économiques et sociales, peu différente en somme de celle de son adversaire de la Coalition libérale, Tony Abbott. Les questions environnementales, éludées par les deux grands candidats, profitent aux Verts, qui, eux, font une percée remarquée dans les sondages et paraissent en mesure d’entrer au Parlement (notamment au Sénat). Le résultat des urnes confirme l’indécision des électeurs : avec 73 députés (sur 150) chacune, aucune des deux grandes formations ne paraît en mesure de gouverner. Et si les travaillistes arrivent légèrement en tête en nombre de suffrages (environ 50,7 % contre 49,3 % pour les libéraux), ils sont devancés dans le décompte préférentiel des voix (38,5 %, contre 43,1 %, et 11,4 % pour les Verts).

Cette situation inédite depuis 1931 de « hung Parliament » autorise toutes les tractations, mais c’est finalement autour de Julia Gillard que se rallient l’élu vert et les 3 indépendants de la Chambre (dont le premier député aborigène) pour former un gouvernement de coalition majoritaire, incluant K. Rudd aux Affaires étrangères.

Loin de constituer un gouvernement d’intérim peu susceptible de durer, l’attelage fonctionne au point de faire voter une substantielle réforme bancaire dès le mois de décembre. Après un été marqué par des précipitations centennales, des inondations dramatiques dans le Queensland (30 morts) puis un cyclone tout aussi dévastateur dans cette province du nord (pas de victimes, mais des dizaines de milliers de personnes déplacées et environ 15 milliards de dollars de dégâts), il parvient à programmer, contre l’opposition des conservateurs et des industriels voire d’une bonne partie de la population, une taxe carbone pour les 500 plus gros pollueurs (novembre 2011). Effective depuis juillet 2012, cette dernière voit certaines de ses rentrées redistribuées sous forme de baisses d’impôts, notamment auprès des ménages les plus modestes. Et en novembre, bravant à nouveau une opinion hostile, J. Gillard se prononce en faveur de l’entrée de l’Australie dans le protocole de Kyoto II. Le souci que le gouvernement affiche pour la préservation de l’environnement ne l'empêche toutefois d’autoriser à la fin d’août l’exploitation d’une immense mine de charbon ainsi que la construction d’infrastructures portuaires aux abords de la grande barrière de corail dans le nord-est du pays.

La coalition qui le soutient n’est pas davantage exempte de contradictions ni de tensions. Après la reprise des hostilités entre le Premier ministre et son chef de la diplomatie et des mois de lutte interne pour savoir qui des deux sera appelé à mener la campagne du parti travailliste lors des élections générales prévues pour 2013, K. Rudd démissionne en février 2012 de ses fonctions exécutives. Mais, ce faisant il permet à J.  Gillard, pourtant en difficulté dans les sondages, de renforcer temporairement son autorité à la fois sur le gouvernement et sa formation puisqu’un vote de confiance des parlementaires du groupe la confirme à la tête du parti et de l’équipe au pouvoir.

Si les catastrophes naturelles ont un effet négatif sur l’activité, il reste que la croissance reste positive (2,7 % en 2010, 3,2 % en 2011, 3,1 % en 2012 et 2,5 % prévus pour 2013), tandis que le chômage plafonne à 5 % de la population active. Le budget prévoit un retour à l'excédent pour l'année 2013-2014 et la dette publique est pratiquement inexistante, faisant du pays une île de prospérité dans un océan de turbulences économiques. Aussi, forte de vingt-deux années consécutives de prospérité, l'Australie, douzième puissance mondiale placée dorénavant devant l'Espagne, attire plus que jamais des émigrants néo-zélandais, irlandais, britanniques. Non sans continuer à chercher à se protéger des vagues de boat people en provenance de l’Asie du Sud-Est, du sous-continent indien voire de l’Afghanistan ; d'où la réouverture décidée à la fin de 2012 des centres de rétention pour immigrés clandestins. Malgré ce bilan, la querelle des chefs au sein du parti travailliste demeure vive, attisée par l’étiage de la popularité du Premier ministre qui augure de résultats catastrophiques aux élections générales de septembre 2013. J. Gillard échappe à une énième contestation interne en mars 2013, alors même que K. Rudd, pourtant présenté par les sondages comme seul à même d’éviter à sa formation une véritable déroute, se garde bien de prendre part à la fronde. Fin juin, c’est pourtant vers lui que se porte une majorité de voix de députés du groupe, poussant définitivement vers la sortie de la vie publique son éternelle camarade et rivale.

Le retour de Kevin Rudd (2013)

Revenu à la tête du gouvernement le 27 juin 2013, avec pour mission de restaurer in extremis le crédit des travaillistes, K. Rudd multiplie les gestes et les annonces : pour contre-balancer la portée de l’éviction de J. Gillard et remobiliser sa base, il féminise son équipe et met en place un ambitieux programme d’aide aux handicapés ; il s’engage à organiser en cas de victoire un référendum sur la reconnaissance des Aborigènes et se prononce en faveur du mariage homosexuel. En revanche, soucieux de court-circuiter les arguments de campagne des conservateurs, il réduit considérablement la portée de l’impopulaire taxe carbone et durcit tout aussi sensiblement la politique migratoire du pays. Trop tardifs, ces messages et initiatives n’empêchent pas le parti de perdre le pouvoir à l’issue du scrutin de septembre 2013. Sanctionnant ses luttes fratricides, les électeurs lui accordent moins de 34 % des voix et lui infligent une perte sèche de 15 sièges dans les deux assemblées (soit 57 députés sur 150, et autant de sénateurs) ; ils choisissent par défaut la « coalition » conservatrice et libérale, qui, elle, emporte 45,4 % des suffrages et une double majorité de 88 représentants à la Chambre basse et de 86 sièges au Sénat. Son leader, le peu populaire Tony Abbott, accède dès lors au poste de Premier ministre.

La politique extérieure des travaillistes

La création fin 2007 d'un secrétariat d'État à la région Pacifique indique la volonté du gouvernement travailliste Rudd de mettre en œuvre une politique de rapprochement avec les États voisins, en particulier l'Indonésie, et de favoriser le développement et la lutte contre les trafics et le terrorisme. Les relations avec la Chine, dont le Premier ministre est un fin connaisseur, restent au beau fixe, malgré les incidents survenus au Tibet au début de l'année 2008. Enfin, bien que favorable à la poursuite de l'alliance avec les États-Unis, il opère dès 2008 un début de désengagement militaire (d'environ 500 hommes) en Iraq, sans toutefois remettre en cause l'effort logistique sur place ou la présence du contingent (1 550 soldats) en Afghanistan – toutes choses que poursuit son successeur à l'exécutif, Julia Gillard.

Le partage des tâches entre la chef du gouvernement entièrement aux priorités « intérieures » et son ministre des Affaires étrangères (Kevin Rudd) ne connaît qu’une brève anicroche lorsque le second, contre l’avis de la première, se prononce en faveur d’une intervention internationale en Libye en mars 2011, dans le contexte du « printemps arabe ».

La priorité donnée au maintien de bonnes relations avec les grands acteurs asiatiques demeure. L’Australie propose son aide au Japon meurtri par les tremblements de terre, tsunami et catastrophe nucléaire de mars 2011. Elle reste tout aussi attentive aux demandes des puissances et partenaires majeurs indiens et chinois. Pékin, toutefois, s’alarme de l’annonce faite en novembre 2011 par le président Barack Obama, alors en route pour le sommet de l'ASEAN de Bali, du resserrement des liens transpacifiques et de l’implantation prochaine dans le nord de l’île d’une base de marines.

En avril 2012, peu de temps après la démission du gouvernement de K. Rudd, J. Gillard négocie avec l’allié américain le retrait anticipé des forces australiennes en service en Afghanistan tout en maintenant l’engagement de son pays dans le processus de transition.

5.6. L’Australie des conservateurs

Symboliquement, les toutes premières initiatives du nouveau chef de l’exécutif, Tony Abbott, concernent la taxe carbone, qu’il entend rapidement supprimer, et le contrôle des frontières du nord du pays, qu’il estime, de concert avec le gros de la population, devoir renforcer. De manière tout aussi significative, son ministre de l’Environnement boude quant à lui le sommet international sur le climat qui se tient à Varsovie en novembre : priorité est donnée aux aides aux entreprises polluantes pour s’équiper et réduire leurs émissions et non aux multiples taxes qui passent pour les pénaliser et brider leur effort de modernisation, tout comme leur compétitivité. T. Abbott et son équipe poursuivent en s’attaquant au déficit budgétaire qui s’est creusé et en réduisant les fonds alloués aux administrations, notamment aux agences en charge de la promotion des énergies propres et renouvelables. Ces coupes et le ralentissement de la croissance (à 2,5 % pour 2013) grèvent rapidement sa relative popularité.

Le budget présenté en mai 2014, d’inspiration libérale, est marqué au sceau de l’austérité : il impose une cure d’amaigrissement aux administrations publiques (suppression de 16 500 postes de fonctionnaires), et multiplie les coupes dans la santé, l’éducation, la jeunesse, les retraites, dont l’âge est relevé à 67 puis 70 ans à l’horizon 2023-2030. Il réduit sensiblement la couverture chômage pour les moins de 30 ans, diminue les subventions aux universités qui seront autorisées à relever leurs droits d’inscription à partir de 2016, et instaure des franchises pour les remboursements médicaux. Côté recettes, il instaure un prélèvement supplémentaire sur l’essence et sur les revenus de plus de 180 000 dollars. La taxe carbone est finalement abrogée à la mi-juillet, tout comme l’est à son tour un mois et demi plus tard la taxe minière. Les renvois d’immigrants sans papiers s’intensifient, non sans susciter des frictions avec l’Indonésie ; à ce titre, un accord inédit est signé fin septembre avec le Cambodge, où, moyennant une aide, l’Australie externalise une partie du traitement des boat people qu’elle se fait fort désormais de refouler systématiquement.

Dès septembre, l’appel au meurtre de ressortissants occidentaux lancé par l’État Islamique et l’agression consécutive de deux policiers par un jeune d’origine afghane près de Melbourne conduisent le gouvernement à relever la menace d’attentat et à renforcer les dispositifs antiterroristes. S’il parvient à déjouer de nombreuses tentatives djihadistes, il doit néanmoins faire face le 15 décembre à la prise en otages spectaculaire des clients d’un café touristique du centre de Sydney (3 morts, dont l’assaillant, un déséquilibré venu d’Iran), ce qui entretient l’amalgame entre personnes issues de l’étranger et ennemis de l’intérieur, et amène l’équipe au pouvoir à durcir un peu plus encore les lois et conditions d’immigration. Aussi, en mai 2015, face à l’afflux de bateaux en provenance du Sud-Est asiatique mais aussi du Moyen-Orient (Afghanistan, Iraq, Syrie), et de l’Est de l’Afrique, le Premier ministre campe-t-il sur ses positions et réitère son refus d’accepter tout réfugié sur le sol australien.

Le mini-remaniement qui promeut notamment à la fin décembre 2014 le ministre de l’Immigration ne permet pas à T. Abbott de faire taire la contestation en interne. Perçus comme de plus en plus en porte-à-faux par rapport aux aspirations de la population, son orthodoxie budgétaire, son conservatisme moral, son soutien au principe monarchique, sa défense des énergies fossiles, son style de gouvernement jugé trop personnel et autoritaire s’ajoutent au ralentissement confirmé de la croissance (située à nouveau seulement à 2,5 % en 2014) pour alimenter au sein du parti libéral une fronde qui manque de peu de le renverser une première fois en février 2015. Les inquiétudes qui pèsent sur l’économie chinoise et, partant, sur l’activité et les exportations de matières premières du pays, ainsi que la dégradation très marquée de son image lui enlèvent à la mi-septembre le soutien du gros de sa formation, et le contraignent à démissionner. Il laisse alors place à son challenger, le ministre des Communications Malcolm Turnbull, qui est confirmé à son poste à l’issue des élections anticipées de juillet 2016, remportées de justesse par la coalition libérale/nationale.

Se distinguant par ses positions modérées et une plus grande ouverture sur le plan des mœurs (légalisation du mariage homosexuel en décembre 2017, à la suite d’une consultation par vote postal et de l’approbation par la Chambre), le Premier ministre semble également davantage décidé à traduire dans la législation l’engagement de l’Australie en matière de lutte contre le réchauffement climatique, alors que l’accord de Paris a été ratifié en novembre 2016.

Mais il se heurte en la matière à ses adversaires, les plus conservateurs du parti libéral. À l’issue de deux votes internes, c’est finalement le ministre des Finances Scott Morrison qui lui succède en août 2018. Chrétien évangélique engagé (membre de la très conservatrice Église pentecôtiste Horizon), ce dernier était notamment l’un des rares représentants à s’être abstenu lors du vote sur le mariage homosexuel, auquel il était plutôt hostile, et avait mené la politique restrictive à la tête du ministère de l’Immigration dans le gouvernement Abott en 2013-2014. Libéral sur le plan économique et partisan de la rigueur, il semble par ailleurs peu enclin à donner satisfaction aux revendications environnementalistes.

À la veille des élections, la question de la transition énergétique est devenue un enjeu politique central dans un pays qui est l'un des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre par habitant, notamment en raison de sa dépendance au charbon, et où le nombre d'épisodes climatiques extrêmes a tendance à augmenter (sécheresse de novembre 2018-janvier 2019). Le réchauffement climatique suscite une attention croissante de la part des médias et des ONG, dont le Conseil sur le climat (créé en 2013 en réponse à l’abolition de la Commission australienne sur le climat établie par le gouvernement Gillard en 2011), qui tentent d’alerter une opinion publique de plus en plus sensible à cet enjeu.

Ce dernier est ainsi mis en avant par l’opposition travailliste qui prévoit de porter la part des énergies renouvelables à 50 % de la production d’électricité à l’horizon 2030, mais se garde cependant de proposer l’adoption d’une taxe carbone.

Toutefois, bien que le parti libéral soit desservi par ses querelles intestines et donné perdant par les sondages, le Premier ministre, mettant en garde les électeurs contre le coût du programme de son adversaire et les hausses d’impôts qui en découleraient, parvient à se maintenir au pouvoir à l’issue du scrutin de mai 2019. La coalition libérale-nationale remporte 78 sièges, alors que le parti travailliste en perd deux, avec 67 représentants.

La politique extérieure des conservateurs

En matière diplomatique, la continuité l’emporte. Sans surprise, le nouveau Premier ministre libéral et conservateur Tony Abbott ne déroge pas à la tradition australienne de soutien (même limité) aux initiatives occidentales : en septembre 2014, devant la menace que représente l’avancée de l'État islamique au Moyen Orient, il expédie 600 forces spéciales en Iraq afin d’aider à la préparation des opérations menées par la toute nouvelle coalition internationale.Un an plus tard, il autorise que soient menées les premières missions aériennes au-dessus de la Syrie, et, juste avant de se voir acculé à la démission, revenant en partie sur sa politique migratoire, il implique son pays dans la gestion du dossier des réfugiés du Moyen Orient et ouvre grand les portes de l’Australie à quelque 12000 personnes – un nombre sans précédent depuis 1945. En outre, solidaire des Etats-Unis et de l’UE, il signifie son opposition aux manœuvres russes en Ukraine, jusqu’à contrarier le président Poutine lors de sa venue au sommet du G20 à Brisbane à la mi-novembre 2014.

Par ailleurs, il poursuit la politique de libéralisation des échanges suivie par ses prédécesseurs : c’est lui qui parachève les accords avec la Corée du Sud et le Japon fin septembre 2014 ou qui donne vie au partenariat stratégique, politique et économique, conclu en avril 2013 avec la Chine. Toujours très attentive à la stabilité du Pacifique, l’Australie peut se targuer d’avoir œuvré à la pacification des îles Salomon, d’où elle rapatrie, fin 2013, les troupes qu’elle y avait envoyées dix ans plus tôt, et d’avoir contribué par ses sanctions à la normalisation du régime aux îles Fidji, avec lesquelles elle rétablit des relations diplomatiques en 2014.

L’Australie est également l’un des principaux signataires de l’Accord de Partenariat transpacifique global et progressiste, entré en vigueur le 30 décembre 2018 pour les six premiers pays (sur onze) l’ayant ratifié, soit, outre l’Australie, le Canada, le Japon, le Mexique, la Nouvelle-Zélande et Singapour.

Les relations avec la Chine, son principal partenaire commercial (avec environ 29 % de ses exportations et 22 % de ses importations) ne sont pas exemptes de tensions notamment à la suite des pressions exercées sur Pékin par les États-Unis depuis l’accession à la présidence de Donald Trump. L’exclusion des entreprises chinoises Huawei et ZTE du futur marché de la « 5 G », annoncée par M. Turnbull à la veille de sa démission en août 2018, en est l’illustration. Son successeur hérite ainsi de ce délicat dossier.