Cette effervescence financière, en partie artificielle, contraste avec l'anémie de l'économie concrète : la croissance trop lente, l'insuffisance des investissements, la permanence du chômage, le tassement des revenus et la stagnation du commerce international. En fait, l'expansion des activités financières a été nourrie par la crise économique. Celle-ci accroît sans cesse les déséquilibres réels qui donnent lieu à un endettement compensateur nécessaire pour éviter de graves ruptures. Les dettes sont, partiellement, les contreparties d'une création monétaire qui nourrit la planète de liquidités à la recherche de placements. La souplesse des financements permet d'absorber des déficits cumulatifs sans que l'on puisse apprécier à l'avance où sont les seuils critiques, mais ceux-ci existent.

Les chocs boursier et monétaire

L'échec répété des tentatives des grands pays industrialisés en vue d'atténuer ces déséquilibres ne fait qu'accroître les tensions. Après une première phase de turbulences monétaires et de certains accès de faiblesse à la Bourse, il a suffi d'une nouvelle hausse des taux d'intérêt à l'automne (notamment en Allemagne) et de l'annonce d'un déficit commercial américain plus élevé que prévu en août pour provoquer le krach du 19 octobre. Ce lundi noir, l'indice Dow Jones, à la Bourse de New York, chute de 22,6 p. 100 ; il est ramené à 1 738, si bien qu'en une seule séance 1 000 milliards de dollars s'évaporent. L'effondrement des valeurs s'étend à toutes les grandes places financières asiatiques et européennes et provoque un mouvement de panique. Par la suite, à la manière d'un yoyo montant et descendant, se succèdent des périodes d'accalmie suivies de rechutes, mais les cours ne remontent jamais autant qu'ils descendent, sauf à Wall Street. L'ampleur des pertes enregistrées dans tous les pays est impressionnante. Ainsi, en France, la tourmente ramène les cours à leur niveau du début de 1986.

L'explosion financière gagne vite les marchés des changes. Le dollar ne cesse de chuter, en deçà même des planchers fixés implicitement par les accords du Louvre : les records historiques sont battus successivement au Japon (jusqu'à 121 yens le 31 décembre) et en Allemagne (jusqu'à 1,57 DM à la même date). Par contrecoup, la force du mark recommence à affaiblir le franc. Dès lors, crise boursière et crise monétaire s'entretiennent mutuellement.

Dans un premier temps, l'injection de liquidités par les banques centrales, la baisse des taux d'intérêt et le soutien des investisseurs institutionnels permettent d'enrayer une baisse excessive des cours. De même, la plupart des programmes de privatisation en cours, notamment en France, sont reportés.

Dans un second temps, bien sûr, réapparaît plus que jamais la nécessité d'une forte concertation entre les grandes puissances pour réduire les déséquilibres mondiaux. Aux Américains d'adopter une politique de rigueur pour réduire leur déficit budgétaire : après de laborieuses négociations, un accord intervient quand même entre la Maison-Blanche et le Congrès le 22 décembre. À la suite de cet accord, et par une déclaration commune faite hors réunion le 23 décembre, les sept pays les plus industrialisés tentent de ramener le calme en se prononçant contre une nouvelle baisse du dollar. Aux Allemands et aux Japonais de faire des efforts de relance monétaire, et, plus encore, budgétaire : le gouvernement ouest-allemand commence par adopter le 2 décembre un « petit » plan de relance. À défaut d'une volonté commune dans ce sens, le risque est grand de voir dégénérer la crise financière en une récession ; elle pourrait même annoncer une nouvelle crise économique mondiale.

Dominique Colson

Investissement

Dès mars 1986, la nouvelle majorité, en libérant l'économie et en abaissant les charges sociales et fiscales des entreprises, escompte une reprise spontanée de leur investissement. Mais les performances dans ce domaine sont bien moins favorables que celles attendues par le gouvernement puisque les dépenses d'équipement des entreprises n'augmenteront que de 3 p. 100 en 1987, au heu de 5 p. 100 prévus initialement. La dégradation a été particulièrement forte au premier semestre (+ 0,5 p. 100 contre + 4,4 p. 100 au second).