Le Sida

À la fin des années 70 (sans doute, à partir de 1978), les médecins américains furent confrontés à un nombre croissant de cas graves, le plus souvent mortels, d'affections tout à fait inhabituelles aux États-Unis. C'étaient des formes rares de proliférations cancéreuses observées ordinairement en Europe centrale (sarcome de Kaposi) ou en Afrique (lymphome de Burkitt), ou bien des infections massives par des micro-organismes (protozoaires, champignons, bactéries, virus) retrouvés exceptionnellement en pathologie humaine. Les sujets atteints étaient des hommes jeunes, tous homosexuels.

Faute de mieux, ces affections furent regroupées sous l'appelation de gay syndrome, le terme gay étant le nom sous lequel ont coutume de se désigner les homosexuels américains.

En 1981 furent publiés (par Gottlieb, Schroff, Schanker, puis par Masur, Michelis et Greene) les deux premiers cas de Syndrome Immuno-Déficitaire Acquis ou Sida (en anglais, Acquired ImmunoDeficiency Syndrome ou AIDS), et l'on ne tarda pas à constater que les maladies dites du gay syndrome étaient des cas de Sida.

Il apparaissait en effet que les malades qui développaient des affections aussi différentes que des cancers, des infections pulmonaires ou des septicémies avaient tous, outre l'homosexualité, un point commun : la disparition des réactions de défense de l'organisme.

Les réactions immunitaires

Les réactions de défense de l'organisme (ou réactions immunitaires) font appel à deux mécanismes : l'immunité humorale et l'immunité cellulaire.

L'immunité humorale est assurée par la présence dans le sérum sanguin de substances chimiques solubles, les immunoglobulines ou anticorps. Les anticorps sont sécrétés par une certaine catégorie de globules blancs, les lymphocytes B (B pour Bone marrow, nom anglais de la moelle osseuse hématopoïétique dont ils sont directement issus ; ils sont dits aussi burso-équivalents, car chez les oiseaux leur maturation fait intervenir la bourse de Fabricius).

L'immunité cellulaire est réalisée par une autre catégorie de lymphocytes, les plus nombreux (75 % des lymphocytes du sang), les lymphocytes T (T pour thymo-dépendants, car c'est dans le thymus que les lymphocytes T, issus comme les lymphocytes B de la moelle osseuse, subissent leur différenciation ; ils se localisent ensuite dans des zones dites thymodépendantes). L'absence congénitale de thymus aussi bien chez l'homme (syndrome de Di George) que chez la souris (mutation « Nude ») est responsable de la disparition des réactions immunitaires à médiation cellulaire, et se traduit par une absence de résistance soit aux agents infectieux ou parasitaires, soit aux éléments tumoraux insensibles à la seule action des anticorps.

Dans le Sida, l'immunité humorale n'est pas altérée ; elle peut même être hyperactive. Le nombre des lymphocytes B n'est pas touché, la production des anticorps qui circulent est normale (bien que la répartition des immunoglobulines puisse être modifiée).

En revanche, il existe une atteinte de l'immunité cellulaire. Elle se traduit par une baisse du nombre absolu des lymphocytes (lymphopénie) inférieur à 1 000 par mm3, portant sur les lymphocytes T, et plus particulièrement par un effondrement d'une sous-population de ces lymphocytes (inférieure à 600 par mm3), les lymphocytes T4 (en anglais, OKT4), appelés aussi cellules CD4+. Malgré leur nom de lymphocytes auxiliaires (en anglais, helper), les lymphocytes T4 ont une importance essentielle dans la réaction immunitaire à médiation cellulaire. Ils ont pour rôle d'induire, d'activer, d'amplifier (effet helper) l'action d'autres lymphocytes T, les lymphocytes T8 (en anglais, OKT8) cytotoxiques, qui détruisent spécifiquement les cellules étrangères ou anormales (par exemple, cellules infectées par un virus ou altérées par un processus malin, cellules de greffe) et les éliminent de l'organisme. Les lymphocytes T8 ont également un effet suppresseur consistant à régulariser l'amplitude des réactions immunitaires.

Le nombre des lymphocytes T8, cytotoxiques-suppresseurs est inchangé dans le Sida, mais le nombre des lymphocytes T4 auxiliaires, sans lesquels ils sont inopérants, s'effondre. Le rapport lymphocytes T4/T8 Qui est normalement voisin de 1,5 est inversé et devient inférieur à 1.