Dernier exemple de défaillance technique : la routine. Aucune victime n'a été à déplorer – par miracle – dans l'incident survenu en 1983 à un Lockheed Tristar 1011 d'Eastern Airlines entre Miami et les Bermudes. L'équipage avait arrêté l'un des moteurs dont la pression d'huile avait brusquement chuté et, quelques instants plus tard, les deux autres s'étaient arrêtés d'eux-mêmes. Se trouvant à mi-route, l'avion est retourné en vol plané vers Miami. En vue de la piste, l'équipage a réussi à remettre l'un des moteurs en marche et à se poser sur l'aéroport. L'enquête a établi que, révisant les moteurs, les mécaniciens avaient démonté les joints « O-ring » d'une petite sonde de pression d'huile, qu'ils changeaient systématiquement. Les joints manquant au magasin, ils n'avaient pas pensé à remonter les anciens en remettant la sonde en place. Une note du constructeur a été publiée sur le changement et la révision des joints.

Quand les « opérations » sont fausses ...

Sur les avions modernes, les plans de vol sont établis sur ordinateur et le déroulement prévu du vol enregistré sur ceux du bord, qui commandent les dispositifs de pilotage automatique. Un seul exemple d'erreur de programmation du bureau « Opérations » ayant provoqué une catastrophe est actuellement connu. Cependant, en septembre 1983, le drame du Boeing 747 de Korean Air Lines, abattu par la chasse soviétique au large de l'île de Sakhaline, a peut-être eu pour cause indirecte une telle erreur de programmation.

C'est en 1978 qu'un DC-10 d'Air New-Zealand, dans le cadre d'un vol charter vers le pôle Sud, s'est écrasé sur les pentes du mont Erebus, volcan en activité. À bord des DC-10, le système de navigation inertiel est assuré par Aeronav, boîtier que l'on peut programmer longtemps à l'avance : sur l'appel d'un numéro de vol, tous les points géographiques (waypoints) prédéterminés que l'on doit survoler sont immédiatement activés. Le service Opérations de la compagnie néo-zélandaise avait donc programmé le vol ainsi mis en mémoire. La navigation doit s'y effectuer à la seconde de degré et au mille nautique près. Le commandant de bord effectuait le parcours pour la première fois et s'efforçait de contrôler la navigation par les repères au sol. Il devait tourner à basse altitude autour du mont Erebus pour permettre aux passagers de le photographier. D'après les enregistrements retrouvés, le commandant de bord était inquiet et a décidé de reprendre de l'altitude. Mais, trompé par un phénomène de « white out » (réfraction dans les alto-stratus porteurs de neige faisant disparaître les reliefs), il a percuté le volcan. Aucun survivant.

La ténacité du juge royal chargé de l'enquête a fini par lui permettre de prouver que la compagnie avait constaté, une heure après la catastrophe, qu'une erreur de programmation du vol avait décalé de 20 milles nautiques (environ 38 km) la route de l'avion, l'amenant sur le volcan. Mais on avait fait jurer le secret à tout le personnel concerné. Le scandale contraignit à la démission le président de la compagnie, reconnue responsable à 80 %, l'administration de l'Aviation civile se voyant imputer les 20 % restants pour surveillance insuffisante des vols antarctiques.

Vents et brouillards

Si l'homme porte le plus souvent la responsabilité directe d'une catastrophe aérienne, la nature s'en mêle parfois : C'est ce qui s'est produit le 2 août dernier à Dallas-Fort Worth, lorsque le Lockheed Tristar 1 011 de Delta Airlines s'est écrasé un peu avant l'entrée de la piste, heurtant au passage une voiture, des antennes de radioguidage et une construction : seulement 31 survivants pour 133 morts. Responsable : un « windshear », ou cisaillement de vent ; celui-ci change brusquement d'orientation, causant à l'appareil, au décollage ou à l'atterrissage, une brusque perte de portance et d'altitude. Une situation orageuse alerte évidemment les équipages de ce phénomène, mais les systèmes de détection en place sont encore rares. La seule solution est de retarder décollage ou atterrissage. Déjà, en 1983, un phénomène analogue avait provoqué l'écrasement d'un Boeing 727 de Panam au décollage de La Nouvelle-Orléans : aucun survivant et huit victimes dans les maisons, situées dans la trouée d'envol.