C'est une autre négligence grave qui a causé plus récemment le crash d'un DC-10 d'American Airlines au décollage de l'aéroport de Chicago-O'Hare, le premier au monde pour l'importance du trafic : au cours du décollage, l'appareil a perdu l'un de ses moteurs latéraux, s'est élevé, a entamé un demi-tonneau et s'est écrasé sur la piste. Aucun survivant. L'équipage a strictement appliqué les consignes élaborées par le constructeur en la circonstance. Mais il ignorait que, basculant pardessus l'aile, le réacteur avait détruit les circuits hydrauliques des volets de bord d'attaque, qui s'étaient retrouvés en position semi-rentrée, déséquilibrant l'appareil et provoquant sa chute. On devait s'apercevoir, en reconstituant l'accident au simulateur, que le maintien de la pleine puissance des deux moteurs restants aurait pu permettre d'en conserver le contrôle, et les consignes ont été modifiées en conséquence. Mais l'enquête a mis en évidence la responsabilité du service maintenance de la compagnie, qui, pour procéder à la révision des moteurs, démontait et remontait directement l'ensemble mât (élément intermédiaire entre le moteur et l'aile) et moteur, affaiblissant le métal. Mais McDonnell-Douglas a partagé la responsabilité : informé par courrier, par la compagnie, d'une initiative permettant des économies, mais dangereuse pour la sécurité, le constructeur s'était abstenu de répondre.

Cet accident est évidemment à rapprocher de celui du 6 septembre 1985, lorsque le DC-9-30 de Midwest Express Airlines a semé en cours de roulement des éléments de l'un de ses moteurs PW-JT8D-7 avant de décoller, d'entamer un vol acrobatique et de s'écraser sur l'aéroport de Milwaukee. La perte probable du moteur a sans doute, là aussi, provoqué la destruction de circuits de commandes.

C'est également la défaillance d'un réacteur Pratt & Whitney JT8D-15 qui a, le 22 août dernier, provoqué l'incendie du Boeing B-737-200 de British Airtours au décollage de Manchester. L'équipage a pu interrompre le décollage et procéder à l'évacuation d'urgence de l'appareil. Mais l'on a déploré cependant 89 victimes à bord de ce charter. Le moteur, le plus répandu dans le monde (plus de 10 000 exemplaires en service et 250 millions d'heures de vol) est très sûr, certes, mais des fissures y ont été observées et, à la suite de l'accident, les exploitants des 900 appareils similaires en service ont fait procéder à l'inspection attentive des chambres de combustion. British Airways, « mère » de British Airtours, dispose d'un service de maintenance sérieux mais n'a pas de système de « monitoring » relevant les principaux paramètres de fonctionnement des moteurs, et permettant, après examen des enregistrements, de prévenir les défaillances.

Pratt & Whitney, néanmoins n'a pas le monopole des faiblesses techniques des moteurs puisque, en mars 1983, la même mésaventure est arrivée à un Airbus A-300 d'Air France au décollage de Sanaa (Yémen). L'une des turbines s'est détachée avant que l'appareil n'ait atteint la vitesse à laquelle il est obligé de décoller. L'avion a pris feu parce qu'un morceau du moteur, un CFM 56 General Electric-SNECMA, a ricoché et atteint l'autre moteur en ouvrant un trou dans l'aile et en provoquant une fuite du carburant, qui s'est enflammé. Bien qu'un seul des toboggans d'évacuation ait fonctionné normalement, tout le monde a pu évacuer l'appareil sain et sauf. Là encore, l'explosion du moteur a été causé par une fissure dans un petit bossoir, non décelée à l'entretien. La forme des bossoirs a été modifiée pour éviter les cassures à cet endroit. Cela dit, les moteurs des court- et moyen-courriers, identiques à ceux des long-courriers, fatiguent davantage, car les opérations de décollage et d'atterrissage sont plus fréquentes que sur les vols à longue distance. Les moteurs montés sur la voilure sont plus proches du fuselage sur les biréacteurs.

D'autres causes techniques pouvant aussi provoquer des accidents au décollage ou à l'atterrissage : les éclatements de pneus. Parmi les cas les plus récents, celui, début 1984, d'un DC-10 de la compagnie charter espagnole Spantax, au décollage de Malaga pour les États-Unis (sortie de piste, rupture de la cellule, des morts et des survivants, dont l'équipage). L'éclatement d'un pneu amène le pneu voisin à travailler en surcharge, ce qui est prévu. Mais il peut éclater à son tour, et ainsi de suite. Le pneu, changé environ tous les 15 atterrissages, puis rechapé, subit les plus durs efforts au roulage. Sauf sur les tout derniers modèles d'avions (comme l'Airbus A 310), l'équipage n'a pas de témoin de pression des pneus et ne peut voir les trains du cockpit. En cas d'éclatement, il ne s'en aperçoit pas, ou tard, si les autres cèdent. Les organisations compétentes, OACI et IFALPA (Association internationale des pilotes de ligne) étudient actuellement le problème de la certification des pneus.