Cela dit, les résultats de l'enquête systématiquement effectuée à la suite d'une catastrophe aérienne sont rarement portés à la connaissance du grand public : toujours frappé par l'aspect « spectaculaire » de l'accident, celui-ci l'a oublié lorsque les conclusions sont déposées par les experts. Il n'en reste pas moins que toutes les parties intéressées (constructeurs, exploitants, équipages et... assureurs) en sont informées et prennent, directement ou sur intervention des administrations compétentes ou sur les directives de l'OACI (Organisation de l'aviation civile internationale), toutes mesures susceptibles d'éviter le renouvellement d'un accident dû aux mêmes causes, en application de la formule américaine : Never Again (jamais plus).

La genèse d'une catastrophe

Entre le moment où les moteurs sont mis en marche sur l'aire de stationnement de l'aéroport de départ et celui où ils sont arrêtés sur l'aire de stationnement de l'aéroport d'arrivée, tous les incidents – ou accidents – susceptibles de se produire peuvent être classés en cinq catégories principales : erreurs dues à l'équipage ; erreurs dues à la maintenance ; erreurs dues aux « opérations » (programmation au sol du plan de vol informatisé) ; causes météorologiques ; imprudences des passagers. On peut y ajouter pour mémoire deux catégories complémentaires : négligences ou défaillances des services de sécurité aéroportuaires, dépendant de l'État, dans la prévention des attentats ; défaillances, négligences ou incompétence des services du contrôle aérien pour la prévention des collisions en vol ou au sol.

Jusqu'à plus ample informé, il n'apparaît pas que, lors des cinq catastrophes aériennes de l'été 1985, la responsabilité des équipages puisse être mise en cause. En revanche, elle apparaît à des degrés divers dans des accidents survenus au cours des dix ou quinze dernières années. Un point positif toutefois : en aucun cas l'alcool ou la drogue n'y sont impliqués. Entre douze et vingt-quatre heures avant le décollage, la consommation de toute boisson alcoolisée -même une simple bière – est interdite à tout membre d'équipage, technique et commercial. Chacun sait qu'en cas d'infraction constatée, c'est le licenciement immédiat, sans indemnités, et l'impossibilité de retrouver un poste de navigant. Côté drogue, un seul cas, très récent, est actuellement connu, mais il s'agissait d'un biréacteur d'affaires, un Learjet, affecté à un service postal et ne transportant pas de passagers. Arrivant sur l'aéroport new-yorkais de Newark trop haut et trop vite, l'avion a manqué son atterrissage et explosé, tuant les pilotes, âgés de 26 et 28 ans. Il a été établi qu'ils avaient fumé ou respiré de la marijuana avant le vol. La drogue, en atténuant leurs réflexes, a provoqué le mauvais atterrissage, qu'ils auraient du reste « rattrapé » dans des conditions normales...

Errare humanum est...

Parmi les accidents récents imputables à une erreur de l'équipage, on peut tout d'abord citer celui survenu au début de 1983 à un Boeing 737 d'Air Florida au décollage de Washington National. L'avion était le premier à décoller après une tempête de neige ayant provoqué la fermeture temporaire de l'aéroport. Incapable de s'élever après le décollage, l'appareil s'était abattu dans le Potomac après avoir décapité plusieurs voitures circulant sur le pont traversant le fleuve : trois rescapés seulement parmi les passagers, plusieurs automobilistes tués. Un temps trop long entre le passage sous le portique de dégivrage – celui-ci laissant du reste à désirer – et le décollage, une insuffisante expérience sur la machine de la part de l'équipage (deux anciens pilotes de chasse), le givrage des sondes moteurs interdisant à l'équipage de vérifier que ceux-ci ne tournaient pas à pleine puissance et la décision du commandant de bord de poursuivre le décollage malgré les doutes de l'officier pilote, telles sont les causes s'ajoutant les unes aux autres pour aboutir à la catastrophe, reconstituée grâce aux enregistrements des boîtes orange, couramment et à tort appelées « boîtes noires ». Trois ans plus tôt, en 1979, l'accident survenu en approche d'Ajaccio à un DC-9-80 charter de la compagnie yougoslave Imex-Adria (aucun survivant) était également imputable à l'équipage : mauvaise préparation de l'arrivée sur un aéroport difficile, où il venait pour la première fois (Air France et Air Inter imposent à tout commandant de bord une reconnaissance audiovisuelle sous le contrôle d'un pilote instructeur lorsqu'il est appelé à desservir la ligne), mauvaise interprétation des instructions du contrôle d'aérodrome : descendu trop tôt, l'avion a percuté la montagne. Mais, à la suite de l'accident, l'administration a fait droit aux demandes des équipages et adopté une procédure d'attente au-dessus de la mer.