Plus imprévisibles sont les catastrophes naturelles telles que les séismes. Il n'est pas encore possible de détecter avec précision l'approche du danger, bien que les signes annonciateurs soient connus et malgré la veille permanente des observatoires de géophysique. Tel a été le cas pour les tremblements de terre du 3 mars au Chili (143 morts ; 2 000 blessés ; 150 000 sans-abri) et du 19 septembre au Mexique. Néanmoins, les règles de la construction parasismique sont désormais bien connues et, entre autres, appliquées systématiquement au Japon. La transformation des immeubles de plus de quatre étages en mille-feuilles a révélé clairement que les malfaçons de la construction ont amplifié, à Mexico, le désastre que suscite toujours un séisme de magnitude 8.

L'énorme coulée de boue, haute parfois de 20 m, qui a submergé le 13 octobre la ville d'Armero, en Colombie, est plus inhabituelle. Pourtant, le réveil du volcan Nevado del Ruiz est normal sur une ligne de faille active et la fonte des neiges couvrant les abords d'un cratère s'élevant à plus de 4 000 m est toujours susceptible d'amorcer avalanches et glissements de terrain.

Georges Grelou

Économies inopportunes ou négligences coupables...

En revanche, trois des cinq catastrophes survenues en 1985 – et quelques autres antérieures – relèvent de causes techniques mettant en accusation la structure même de l'appareil (B-747 de Japan Air Lines) ou celle des moteurs (British Airtours et Midwest Express Airlines).

La plus grave par le nombre des victimes est bien entendu celle du Boeing 747-100 SR de Japan Air Lines, affecté au réseau intérieur et équipé en version « haute densité ». Cette catastrophe a été d'autant plus dramatique que, par suite d'une défaillance de la cloison arrière séparant la zone pressurisée de la zone non pressurisée, une partie de la gouverne de direction s'était détachée de l'avion. Les servocommandes hydrauliques étaient progressivement hors service et rendaient l'avion incontrôlable : aussi passagers et équipages ont-ils eu tout le temps de voir arriver la mort. La chute de l'avion dans une zone montagneuse a sans doute aggravé le bilan de la catastrophe, puisqu'il semble, d'après les témoignages des quatre survivantes, que d'autres passagers auraient pu être sauvés si les secours étaient arrivés plus vite.

Il n'en reste pas moins que, d'après les éléments actuellement connus, une vigilance insuffisante dans l'entretien soit à relever à l'encontre de JAL. L'appareil accidenté avait effectué, il y a sept ans, un atterrissage queue basse qui avait provoqué des réparations importantes concernant, entre autres, la cloison défectueuse ; entre-temps, l'appareil a dû subir au moins deux « grandes visites » régulières, au cours desquelles tout a été vérifié, et si nécessaire remplacé. Mais JAL, qui avait dans la clientèle internationale l'une des meilleures images de marque aurait sous-traité une partie de la maintenance à d'autres sociétés, d'où, peut-être, une rigueur insuffisante dans les travaux ou les contrôles. Par ailleurs, le constructeur Boeing a admis des défaillances originelles dans la réalisation de la cloison arrière des B-747. Cet état de choses a été confirmé par les examens auxquels se sont livrés les services techniques d'autres compagnies exploitant le B-747. C'est ainsi que South African Airways, l'une des compagnies internationales les plus réputées pour le sérieux et la rigueur de l'entretien de ses appareils, ce qui lui assure la clientèle de toutes les compagnies nationales voisines à l'exception de l'Angola, ayant immédiatement procédé à des vérifications sur sa flotte de B-747, a détecté des fissures sur la cloison en accusation et immédiatement pris les dispositions nécessaires pour assurer la sécurité des vols.

Mais, si Boeing a pu être mis directement en cause dans l'accident du B-747 japonais, le constructeur de Seattle n'a pas le monopole de ce genre de situation déplaisante et inconfortable. Avant lui, McDonnel-Douglas s'est trouvé, à plusieurs reprises, sur la sellette à la suite d'accidents graves arrivés à des DC-10. Le premier a frappé en France, il y a déjà plusieurs années, un appareil des Turkish Airways, assurant une liaison Paris-Londres, écrasé en forêt d'Ermenonville quelques minutes après son décollage d'Orly. Aucun survivant. La mauvaise fermeture de la porte de la soute à bagages arrière a causé la catastrophe : la montée en pressurisation a rouvert la porte, amenant l'affaissement du plancher de la cabine passagers et l'écrasement des conduits hydrauliques commandant les gouvernes de direction et de profondeur. Mais ce « flambage » du système de fermeture de la porte s'était déjà produit lors d'un vol d'essai à basse altitude d'un appareil canadien du même type. Le constructeur avait alors alerté les exploitants en vue de la modification qui s'imposait, mais sans recourir à la procédure « urgent item », qui provoque la suspension immédiate des vols. Certaines compagnies, comme UTA, avaient cependant fait immédiatement les travaux demandés. La compagnie turque avait prévu de les effectuer au retour de l'avion à Ankara. En outre, la fatalité a voulu que la porte de la soute soit fermée par un manutentionnaire turc ignorant l'anglais et n'ayant donc pas compris les consignes de sécurité figurant en cette langue sur la serrure défectueuse. La procédure américaine des « hearings » (auditions publiques), dans l'action intentée contre le constructeur par les familles des victimes, a engagé sa coresponsabilité dans la catastrophe. Depuis cet accident, des vérifications complémentaires sont effectuées au sol avant la mise en route des moteurs.