M. P.

Marcelle Padovani

RFA

Les faiblesses du colosse

Lorsque s'ouvre l'année 1984, le chancelier Kohl n'a pas lieu d'en redouter d'épreuves particulières. Certes, en RFA comme chez les neuf autres membres de la CEE, la désignation des membres du Parlement de Strasbourg, en juin, va constituer une échéance électorale dont la valeur de test ne sera guère niable ; et qui, là comme ailleurs, peut servir à l'opinion de défouloir. Mais, dans l'ensemble, le bilan de 1983 a de quoi conforter la placidité naturelle du chef du gouvernement de Bonn : celui-ci a remporté plusieurs batailles essentielles, des élections du 6 mars qui l'ont confirmé au pouvoir jusqu'à l'implantation des euromissiles de l'OTAN, en application de la double décision arrachée naguère à l'Alliance atlantique par son prédécesseur social-démocrate. La reprise économique ne cesse de se confirmer. Les Verts, ces remuants écologistes et pacifistes qui avaient fait une entrée fracassante au Bundestag au printemps dernier, sont en proie à des divisions internes de plus en plus vives. Oui, 1984 s'annonce bien pour le chancelier.

Pourtant, cette année va être, pour H. Kohl, celle de tous les dangers. Sans parler des aléas parfois décourageants de la politique inter-allemande, le chancelier ouest-allemand va devoir faire face, dès les premiers jours de l'année, à trois grands types de difficultés : au moins deux scandales retentissants, un malaise politique qui ira jusqu'à faire douter de la survie de la coalition chrétienne-démocrate et libérale au pouvoir, et enfin une vague de revendications sociales d'une ampleur rarement atteinte en Allemagne fédérale.

RFA-RDA : heurs et malheurs

Plusieurs événements font de 1984 une année importante pour les rapports interallemands, même si ce crescendo s'achève sur un bien décevant point d'orgue.

En février, plusieurs dizaines d'Allemands de l'Est tentent, par l'intermédiaire de la représentation de la RFA à Berlin-Est, d'obtenir l'autorisation d'émigrer en République fédérale. Plus prudent qu'enthousiaste, Bonn doit se résoudre à les refouler. Un mois plus tard, le gouvernement est-allemand renvoie l'ascenseur : la nièce du Premier ministre de RDA Willi Stoph, qui s'était réfugiée à l'ambassade de RFA à Prague, obtient, après de discrètes tractations, l'autorisation d'émigrer en Allemagne de l'Ouest avec sa famille.

Nouvelle étape dans cet échange de bons procédés entre les deux Allemagnes : Bonn accorde, en juillet, un nouveau crédit de près de un milliard de DM à Berlin-Est, sans contreparties ni concessions substantielles de la part de la RDA, sinon quelques allégements humanitaires.

Puis, eh septembre, c'est la brutale déception : Erich Honecker, chef de l'État et du parti communiste est-allemands, qui devait faire une visite officielle en République fédérale, est fermement invité par Moscou à renoncer à ce projet. Sans doute certaines attaques du Kremlin contre le rapprochement inter-allemand avaient-elles déjà obligé le ministre fédéral des Affaires étrangères, H. D. Genscher, à préciser, un mois plus tôt, que cette démarche « ne se faisait pas au détriment d'un pays tiers » (Bonn tient d'ailleurs aussi à conserver des relations satisfaisantes avec Moscou). Il n'empêche, ce coup d'arrêt brutal donné par l'URSS est pour le chancelier Kohl — et sans doute aussi pour E. Honecker, à qui se trouve rappelée sans ambages l'étroitesse de son autonomie — une amère déception. Le numéro un est-allemand « reste le bienvenu en RFA », précise le chancelier. Ce qui n'est pas l'avis de la droite de son parti...

B. B.

L'affaire Kiessling

Le premier de ces scandales et d'ailleurs un héritage de l'année précédente, puisque c'est le 31 décembre 1983 que le ministre de la Défense, le chrétien-démocrate Manfred Wörner, a discrètement limogé le général Kiessling, commandant en chef adjoint des forces de l'OTAN en Europe, « dans l'intérêt de la sécurité de la RFA, de la Bundeswehr et de l'intéressé lui-même ». Cet important officier, laisse-t-on entendre au ministère, est homosexuel, et a été vu à plusieurs reprises dans des bars spécialisés de Cologne. Ce qui ne constitue aucunement un délit, certes, mais fait de lui une proie toute désignée pour d'éventuels chantages des services d'espionnage de l'Est. Compte tenu des dossiers auxquels le général a accès dans l'exercice de ses responsabilités au sein de l'Alliance atlantique, il ne paraît pas possible de le garder en activité.