Les quatre partis de la coalition ne contrôlent que 77 des 175 sièges de l'Assemblée nationale, le Folketing, mais leur situation est cependant relativement confortable, puisqu'ils peuvent compter, en matière de politique économique, sur le soutien des radicaux (10 sièges), qui ont choisi de rester à l'écart du pouvoir. En effet, leurs idées pacifistes ne correspondent pas aux options du Premier ministre, favorable au déploiement des missiles américains en Europe et fidèle à l'Alliance atlantique.

Controverse sur les eurofusées

C'est là le problème numéro un du gouvernement en 1984 : le consensus sur la politique de sécurité est sérieusement ébranlé. Les sociaux-démocrates d'Anker Joergensen ont changé leur fusil d'épaule. Ils sont hostiles à l'installation des eurofusées, ils demandent de nouvelles négociations américano-soviétiques et envisagent une renonciation à l'option nucléaire. Lors de leur congrès national de l'automne 1984, les socialistes danois s'engagent à œuvrer pour que le Danemark, tout en restant au sein de l'OTAN, n'accepte pas, en temps de guerre comme en temps de paix, le stationnement de troupes étrangères et l'installation d'armements nucléaires sur son sol. Ces propositions, venant de la part de la plus grande formation politique danoise, inquiètent les milieux de l'OTAN qui voient là une « dangereuse » évolution neutraliste.

Ce sont pourtant des idées qui, au Parlement de Copenhague, sont approuvées par l'ensemble de la gauche et les radicaux. En politique étrangère, la coalition minoritaire doit par conséquent défendre des thèses que la majorité de l'Assemblée n'approuve pas... À trois reprises, en 1983 et 1984, Poul Schlüter a ainsi été mis en minorité. Il a choisi cependant de ne pas démissionner. Si l'opposition social-démocrate veut lui compliquer la tâche — c'est de bonne guerre —, elle ne souhaite sans doute pas bouleverser les choix fondamentaux du Danemark en matière de défense nationale.

La consolidation du redressement économique implique, selon le Premier ministre, la poursuite de la politique de rigueur et une augmentation maximale des salaires de 5 % en 1985. En effet, la balance des paiements courants s'est de nouveau brusquement détériorée au cours du deuxième semestre de l'année. En revanche, on note une stabilisation du chômage aux environs de 10 % de la main-d'œuvre active. Pour résorber le sous-emploi, les syndicats réclament la réduction à 35 heures de la durée hebdomadaire du travail.

Alain Debove

Espagne

Le handicap basque

« François Mitterrand a offert au gouvernement socialiste espagnol sa première grande victoire depuis l'accession de Felipe Gonzalez à la présidence du gouvernement. » C'est en ces termes que l'hebdomadaire Cambio 16 commentait la décision prise le 23 septembre à Paris d'extrader trois militants basques, accusés d'assassinats et réclamés par Madrid, et d'en expulser quatre autres au Togo.

Cette initiative mettait un terme aux récriminations espagnoles, reprochant à la France de servir de sanctuaire aux terroristes de l'ETA, récriminations qui s'étaient exacerbées au cours des mois précédents et qui avaient presque tourné à la brouille entre les deux pays, provoquant une vague de francophobie de l'autre côté des Pyrénées.

Les méfaits de l'ETA

Depuis longtemps déjà, terrorisme et contre-terrorisme ont franchi la frontière, menaçant de déstabiliser le sud-ouest de l'Hexagone. Au tout début de 1984, un réfugié basque espagnol était abattu à Saint-Jean-de-Luz par un commando du GAL (Groupe antiterroriste de libération) et six autres seront tués au cours du premier semestre. L'arrestation de sept membres de cette organisation parapolicière, le 12 avril, à Bordeaux, a fait apparaître aux dirigeants français l'urgence d'une solution.

Tout au long de l'année, cependant, l'ETA et son associé, dans les autres régions de l'Espagne, le GRAPO ont donné libre cours à leur fureur meurtrière, tuant policiers, gardes civils, militaires (le lieutenant général en retraite Quintana, le 29 janvier, à Madrid), politiciens (le sénateur socialiste Casas Vilas, le 23 février, à San Sebastian).