En dépit de la dissolution immédiate du Congrès et des partis politiques, la satisfaction de la population et des milieux politiques paraît totale : une preuve de l'impopularité du régime déchu, tristement célèbre pour sa corruption et la brutalité de ses actions de répression contre la guérilla.

500 tués par mois

Plus de 30 000 assassinats politiques ont été perpétrés en moins de 30 ans ! Depuis le coup d'État qui a renversé, en 1954, le colonel progressiste J. Arbenz, la violence fait partie du paysage politique. Le rythme des meurtres s'accélère : on compte plus de 3 000 tués en 1980 ; 500 par mois en moyenne, au cours des derniers mois de l'année 1981.

Fraudes

À l'origine immédiate du coup d'État, les élections du 7 mars qui provoquent la déception. Tant la droite libérale de l'Union nationale d'opposition, prête à amorcer un dialogue avec les guérilleros pour sauver le pays, que la bourgeoisie industrielle et commerçante de la Centrale authentique nationale présentent des candidats à la présidence. Le régime en place, soutenu par les partis conservateurs, choisit un candidat militaire, le général Anibal Guevara, ancien ministre de la Défense.

Ce militaire apparaît, à l'issue de la consultation, comme le candidat le mieux placé. Les autres candidats demandent immédiatement l'annulation du scrutin pour fraudes (des villages entiers, rasés par les combats, auraient voté...) et l'organisation de nouvelles élections. Cette initiative n'a aucune chance d'aboutir, d'autant moins que le Congrès confirme, le 13 mars, comme la Constitution l'y oblige si aucun des candidats n'obtient la majorité absolue, l'élection de A. Guevara.

Le coup d'État est bien accueilli par les États-Unis, soucieux avant tout de maintenir dans leur orbite ce pays voisin du Mexique, car ils étaient préoccupés d'avoir dû soutenir un régime corrompu. La situation du nouveau gouvernement est cependant difficile.

Guérilla

Les quatre principales organisations de guérilla (Armée de la guérilla des pauvres, Organisation des peuples en armes, Forces armées rebelles et Parti guatémaltèque du travail), longtemps affaiblies par leurs divisions, se sont unifiées le 8 février 1982 dans le cadre d'une Unité nationale révolutionnaire guatémaltèque (UNRG), qui affirme sa volonté de poursuivre une guerre révolutionnaire « pour libérer le peuple de l'oppression, de l'exploitation, de la discrimination et de la dépendance vis-à-vis de l'étranger ».

Stimulée par l'exemple nicaraguayen, la guérilla est désormais bien implantée dans les régions indiennes du Nord, et son action se généralise. Avant les élections s'étaient multipliées des opérations d'intimidation en pays indien, menées par les troupes gouvernementales de manière particulièrement atroce : massacres collectifs de paysans, décapités à la machette, etc. (Journal de l'année 1980-81).

Dans ce pays où, aucune expérience réformiste n'ayant pu être menée à son terme, les inégalités étaient déjà criantes, la situation économique se détériore. La mort du marché commun centraméricain, du fait de la déstabilisation de l'Amérique centrale, est très néfaste pour la plus grande et la plus riche des républiques de la région. S'y ajoutent la baisse des prix des matières premières (coton, café, sucre, qui demeurent les principales richesses du pays), la fuite des capitaux liée aux incertitudes politiques, et une inflation qui atteint 20 % en 1981.

Pesanteurs

Des révolutionnaires occupent l'ambassade du Brésil à Guatemala, le 12 mai 1982, et prennent des otages ; une opération qui rappelle le drame de l'ambassade d'Espagne en février 1980 (Journal de l'année 1979-80). Elle se terminera pacifiquement, mais aura, à nouveau, attiré l'attention sur la misère paysanne.

En luttant contre la corruption, en démantelant les services connus pour leurs exactions, la nouvelle équipe apporte un certain apaisement à ce pays déchiré. Le nombre des assassinats politiques, qui avait atteint 13 500 en 1981, diminue. Mais les pesanteurs sociologiques et bureaucratiques ne peuvent être modifiées en un jour.