Les sanglantes émeutes du 22 juin à Casablanca (plus de 600 morts et des milliers de blessés, selon l'opposition) soulignent la gravité des tensions sociales, qui ont atteint une acuité sans précédent depuis l'explosion de violence de mars 1965.

La hausse brutale des produits de première nécessité (farine, lait, huile, etc.) décidée fin mai, et violemment dénoncée par la CDT (Confédération démocratique du travail), liée au parti USFP (Union socialiste des forces populaires), est à l'origine de la grève générale de 24 heures, qui a tragiquement dégénéré le 22 juin à la suite de l'intervention des forces de sécurité.

Autre rebondissement spectaculaire : le dossier du Sahara, dont Rabat affirmait qu'il était clos, à la suite du « retour des provinces sahariennes dans le giron marocain », est rouvert par le roi Hassan II, qui propose le 26 juin, au sommet de l'OUA à Nairobi, un « référendum contrôlé » au Sahara occidental.

Ce revirement de la diplomatie chérifienne, favorablement accueilli par l'Algérie, survient alors que les troupes marocaines appliquent depuis quelques mois sur le terrain une stratégie efficace.

Laissant aux rebelles les étendues désertiques difficiles à défendre, l'armée marocaine se replie derrière une ceinture de sécurité, le mur, qui protégera au sud le triangle utile El-Aioun-Bou Craa-Smara, à la fois riche et peuplé, et qui passera, au nord, entre le djebel Ouarkziz et la frontière algérienne. À ce prix, l'armée du général Dlimi contrôle de mieux en mieux la situation sur le terrain.

La candidature de la République sahraouie, qui allait être acceptée par l'OUA, est bloquée début juillet 1980 par un comité des Sages (comprenant le Nigeria, la Tanzanie, le Mali, la Guinée, le Soudan, la Sierra Leone).

Ce qui laisse un répit au Maroc.

Ce comité prépare en septembre 1980 une résolution demandant un cessez-le-feu et un référendum au Sahara ex-espagnol (Journal de l'année, 1979-80). Mais cette résolution n'est pas rendue publique à la suite de dissensions au sein du Comité. L'action de l'OUA débouche donc sur une impasse, ce qui représente pour le Maroc un succès relatif.

Appel

Le roi espère toujours, en effet, pouvoir négocier directement avec Alger. Le 10 octobre 1980, à l'ouverture du Parlement, il adresse à l'Algérie un véritable appel. À l'occasion du tremblement de terre d'El-Asnam en Algérie, il envoie une aide, des dons et des messages au président Chadli. En janvier, octobre et novembre 1980 ont lieu à Genève trois rencontres secrètes entre Taleb Ibrahimi, représentant l'Algérie, et Reda Guédira, envoyé du roi.

Enfin le roi propose, en mars 1981, au président algérien une rencontre au sommet. Peine perdue : l'Algérie agacée continue à affirmer qu'elle ne saurait intervenir dans un conflit où elle refuse d'être partie prenante, et qui ne concerne que le Maroc et le Polisario.

Rupture

Les relations algéro-marocaines malgré tout s'améliorent quelque peu, mais la poignée de main spectaculaire entre Hassan II et Chadli Bendjedid dans la mosquée de La Mecque, pendant la conférence islamique de Taef, en janvier 1981, relève beaucoup plus d'une mise en scène que d'une véritable réconciliation.

En revanche, tout va au plus mal entre Nouakchott et Rabat. Depuis que la Mauritanie a signé un accord de paix avec le Polisario en 1979, le Maroc craint toujours que son voisin ne bascule complètement du côté sahraoui, ce qui assurerait aux guérilleros une base arrière inviolable.

Aussi, lorsque éclate, le 16 mars 1981, à Nouakchott, une tentative de putsch, la Mauritanie accuse tout naturellement Rabat d'en être l«instigateur. Elle rompt ses relations diplomatiques avec le Maroc. Le roi rejette les accusations mauritaniennes, mais son ministre Boucetta déclare : « nous ne resterons pas les bras croisés si des attaques partent du territoire mauritanien ».

En conflit ouvert avec son voisin du Sud, désavoué par l'ONU, obligé de défendre une ligne Maginot du désert sur 450 km, Hassan II souhaiterait sortir du guêpier sahraoui. Il espère que la France pourrait jouer un rôle conciliateur. Le roi effectue à Paris une mystérieuse visite, le 5 mars. Il est reçu deux fois en deux jours par le président français, mais la neutralité française est réaffirmée.

Coopération

Pas de médiation donc, mais la coopération économique franco-marocaine se poursuit et s'intensifie : à l'occasion de la visite au Maroc de Raymond Barre, en janvier 1981, on relance de nouveaux projets comme l'aéroport d'Agadir, le métro de Casablanca, la pêche, la coopération nucléaire et aussi les livraisons de matériels militaires. La France est plus que jamais le premier fournisseur et le premier client. Aussi se doit-elle d'aider le Maroc, qui connaît de graves difficultés économiques et financières.