Bien qu'au cours de ces quatre années du Xe Plan quinquennal (1976-1980) le revenu national ait augmenté de 323 milliards de roubles et que l'URSS continue d'occuper la première place dans le monde pour l'extraction du pétrole (586 millions de t en 1979), « nous ne sommes pas entièrement satisfaits pour autant » déclare le No 1.

Résultats médiocres

Malgré des investissements considérables, les résultats sont plus que médiocres. « L'année 1979, dit encore Leonid Brejnev, a été la plus difficile de tout le Xe quinquennat. » Non content d'énumérer les secteurs dans lesquels le Plan n'a pas été rempli et d'analyser les causes de ces déficiences (dispersion et mauvaise gestion des investissements, désorganisation des transports, notamment dans les chemins de fer, gaspillage, manque d'initiatives, faiblesse de la productivité, etc.), il s'en prend aux principaux responsables. Il cite nommément douze ministres (ce qui est une attaque à peine voilée contre Alexeï Kossyguine qui les a en principe choisis) et demande qu'« on trouve les coupables pour chaque échec causé par la négligence et la bêtise, et qu'on les punisse ».

Catastrophe

Aucun des objectifs globaux que les responsables de l'économie s'étaient fixés pour 1979 n'a été atteint. Le revenu national n'augmente que de 2 % contre 4,3 % prévus par le Plan. Une aussi faible croissance ne s'était pas vue depuis 1945. Le revenu réel par habitant est en hausse de 3 % contre 3,3 %, la production industrielle de 3,4 % contre 5,7. La production d'énergie électrique est en retard (1 239 milliards de kWh au lieu des 1 265 prévus). Il en est de même pour le charbon : 719 millions de t au lieu de 752. Même ce pétrole que L. Brejnev met en avant, et dont la production augmente de 2,5 % par rapport à 1978, est en retrait vis-à-vis du Plan, qui prévoyait une hausse de 3,8 %.

Quant à la production agricole, c'est la catastrophe. Elle diminue de 3,7 %, alors qu'on attendait une hausse de 5,8 %. Un hiver exceptionnellement froid et de fortes pluies pendant la période de la moisson sont les raisons avancées par les autorités pour expliquer la désastreuse récolte céréalière. Avec 179 millions de t, celle-ci est inférieure de 40 millions de t à l'objectif annuel et de 59 millions à la récolte de l'année précédente.

Embargo

Ces résultats ne sont pas une surprise. Dès juillet 1979, le département américain de l'Agriculture prévoit une baisse d'au moins 20 %, et en octobre on apprend que, pour remédier à cette chute, l'URSS va acheter 25 millions de t de céréales aux États-Unis. La décision prise en janvier 1980 par le président Carter, à la suite de l'intervention soviétique en Afghanistan, d'un embargo économique partiel contre l'URSS ramène ce chiffre de 25 millions à 8. Mais ce manque de 17 millions va être en partie compensé, notamment par l'Argentine, le Canada et le Brésil qui continuent d'approvisionner l'URSS dans la mesure de leurs moyens.

Selon des estimations américaines, le montant total des importations céréalières se chiffre à quelque 31,2 millions de t contre les 37,5 millions que l'URSS comptait acheter entre juillet 1979 et juin 1980. Ce qui aggrave bien sûr la situation, notamment pour l'alimentation du bétail (dont le rendement laitier a baissé de 45 %). Alexeï Kossyguine, prenant la parole le 16 juin 1980 à la session d'ouverture du comité exécutif du COMECON, reconnaît que les restrictions imposées par les Américains « pourraient causer certains problèmes temporaires ».

Rationnement

Cette diminution des disponibilités fourragères entraîne des abattages supérieurs aux normes, mais l'approvisionnement en viande de la population n'en reste pas moins très insuffisant, d'autant que l'approche des jeux Olympiques incite les autorités à grossir les stocks d'État pour satisfaire la demande des touristes étrangers. Conséquence : on voit en mai — c'est tout au moins ce que rapporte le correspondant à Moscou du très sérieux Financial Times et que dément peu après l'agence Tass — les ouvriers de l'usine automobile de Togliattigrad (qui produit 55 % du parc soviétique) faire grève durant deux jours pour protester contre l'insuffisance de leurs approvisionnements en viande et produits laitiers. Ces ouvriers cessent leur mouvement après l'arrivée d'importantes quantités de provisions prélevées par les autorités sur les réserves de l'État. On annonce aussi la réapparition, dans la région de Smolensk, de cartes de rationnement, officiellement supprimées depuis 35 ans.