Le 28 décembre, Andrée Porrée, une jeune employée de bureau de Crépy-en-Valois est grièvement blessée de quatre balles de revolver par un automobiliste qui l'avait prise en stop. Il l'a ensuite jetée sur le bord de la route.

Cette fois, le doute n'est plus possible. Il y a un nouveau tueur dans l'Oise. Les indices ne manquent pas aux enquêteurs, il semble même que le criminel les accumule à plaisir : il écrit à la police, joue les fous du volant et se laisse voir à visage découvert, ce qui permet à deux de ses victimes de fournir les éléments d'un portrait-robot. Son comportement désinvolte, le style pseudo-policier de ses missives et l'habileté étonnante avec laquelle il glisse entre les mains de ses poursuivants amènent très vite des journalistes qui suivent l'enquête à avancer que le mystérieux tueur de l'Oise pourrait bien appartenir à la police.

Cette hypothèse est démentie de la façon la plus catégorique par le procureur de la République de Senlis et le service régional de police judiciaire de Lille, qui affirment que « rien ne permet, en l'état actuel de l'enquête, que des soupçons se portent sur un membre des forces de police ou des forces de gendarmerie ».

Les enquêteurs divulguent alors ce qu'ils prennent pour l'élément no 1 : la photo de l'auteur d'un hold-up commis en octobre 1977 dans une banque de Compiègne. Ils pensent que le truand et le tueur de l'Oise ne font qu'un. De toute façon, le cliché, pris par une caméra espion lors du hold-up, est très flou et personne ne l'identifie.

Dans la presse, chaque chroniqueur voit le tueur à sa façon : sous les traits d'un dément mystique, d'un nostalgique du nazisme ou d'un obsédé sexuel.

Début avril, les policiers ont enfin en poche un portrait-robot dessiné avec précision grâce aux descriptions faites par ceux qui ont réellement vu l'assassin. 100 gendarmes vont se mettre à faire du porte-à-porte ; leur objectif : interroger 100 000 personnes environ.

Sanctions

Au bout d'une semaine, ils savent. Le tueur est un des leurs : Alain Lamare. Une jeune femme, épouse d'un gendarme de Clermont-sur-Oise, l'a reconnu.

D'abord, il nie. Mais, bientôt, devant les preuves qui s'accumulent, les notes trouvées dans son appartement, il avoue.

L'arrestation d'Alain Lamare entraîne des sanctions à l'encontre de deux de ses supérieurs. Le commandant Colson est déplacé. On lui reproche de n'avoir pas suivi les instructions qu'il avait reçues : s'il avait vérifié avec rigueur la situation et l'emploi du temps de ses hommes, estiment les magistrats, le tueur aurait été arrêté trois mois plus tôt.

Le brigadier chef Ossart est muté dans la gendarmerie à pied pour s'être prêté à une rocambolesque mise en scène ; le 19 février, on avait retrouvé une 604 volée une semaine plus tôt par un individu supposé — à juste titre — être l'assassin. Le soir, une planque est organisée dont sont chargés deux gendarmes, dont Lamare. La voiture est sur le parking de la gare de Chantilly, et la police pense que le tueur va chercher à la récupérer.

Lamare persuade son collègue d'aller se coucher et emmène tranquillement la voiture à 500 m de chez lui, sur un autre parking. À 8 heures, Lamare et son collègue arrivent à la gendarmerie et le chef Ossart les renvoie à la gare. La 604 n'est plus là... et pour cause ! Prévenu, le chef Ossart explose. Mais, plutôt que d'avoir à révéler la faute professionnelle de ses gendarmes, il met au point, avec leur complicité, tout un scénario avec course poursuite d'une voiture imaginaire, sirène et girophare en action.

« Nous avons pris ainsi, en chasse, du vent, racontera plus tard Lamare, et intérieurement je rigolais. »

Jacques Mesrine, l'ennemi public no 1, tient la police en échec

Jacques Mesrine recourt à tous les moyens pour justifier son titre d'« ennemi public no 1 » : hold-up, prises d'otages, interviews, lettres ouvertes à la police ou à son éditeur. Depuis sa spectaculaire évasion de la prison de la Santé (Journal de l'année 1977-78), il fait en sorte qu'on ne l'oublie pas.

Otages

Le 30 juin 1978, à 7 heures du matin, coup de sonnette chez Jean-Claude Marigny, fondé de pouvoir à l'agence du Raincy de la Société générale. Deux hommes sont sur le palier ; l'un est armé d'un revolver. J.-C. Marigny le reconnaît : 5 ans plus tôt, il a déjà été menacé par lui lorsqu'il travaillait dans une autre succursale et il a témoigné ensuite en cour d'assises : c'est Jacques Mesrine.