Mais ces précautions ne suffisent pas. Au moment de la dislocation du cortège place de l'Opéra, les premiers incidents éclatent. Les autonomes s'en prennent systématiquement aux magasins. 121 vitrines volent en éclats. Le Café de la Paix est mis à sac en quelques minutes, par un commando. Des barricades sont ébauchées avec des voitures, des tables et des chaises prises aux terrasses des cafés.

D'importantes forces de police sont sur place : environ un millier de gardes mobiles et de CRS. Pourtant, selon les témoins, en particulier les observateurs dépêchés sur place par le Syndicat général de la police, elles tardent à intervenir. Lorsqu'elles se lancent à l'assaut des casseurs, ceux-ci sont maîtres du terrain. Toute la soirée, les échauffourées se poursuivront dans le quartier Opéra. 116 policiers sont blessés, 169 personnes interpellées. Dès le lundi 26 mars, 32 sont déférées devant le tribunal des flagrants délits.

Mais, dès le lendemain, une vive polémique oppose le ministre de l'Intérieur à la CGT. Les militants de la confédération ouvrière ont en effet arrêté un homme en civil dont le comportement leur paraissait suspect. Il s'agit d'un policier, en civil pour la circonstance, l'inspecteur Le Xuan, que ses chefs avaient chargé, comme 200 de ses collègues, de repérer discrètement les manifestants les plus virulents. La CGT parle de provocations policières, le ministère de l'Intérieur justifie la présence de policiers en civil par la nécessité de prendre sur le fait les casseurs. Christian Bonnet portera plainte contre X pour diffamation.

Lourdes peines

Au procès qui s'ouvre dans cette atmosphère passionnée, il n'y a pas de vrais casseurs. Très vite, le procureur de la République lui-même se rend compte que la police n'a arrêté que du menu fretin. Certaines accusations portées par les policiers sont tout à fait incohérentes, des rapports comportent des invraisemblances, voire ont été surchargés après coup. Un des avocats résume le sentiment général en craignant « que pour trouver des coupables, la justice ne prenne des otages ». Malgré des réquisitions modérées, des peines assez lourdes sont prononcées. Plusieurs étudiants ou lycéens sur lesquels pesaient des charges très faibles sont condamnés à 1 an ou 18 mois de prison. Insatisfait, le parquet fait appel a minima. Toutes les condamnations seront aggravées en seconde instance.

Épilogue provisoire de cet après-midi d'émeutes : au conseil des ministres du 29 mars, Valéry Giscard d'Estaing souhaite que les préfets prennent des mesures réglementant les manifestations dans le centre des villes. Devant les protestations des partis d'opposition et des syndicats, l'Élysée affirme, quelques jours plus tard, qu'il n'a jamais été question de limiter le droit de manifester.

Pendant un an, le tueur de l'Oise a défié ses collègues de la gendarmerie

Après le tueur de l'ombre arrêté en décembre 1976 après 7 ans de sinistres activités (Journal de l'année 1975-76), le tueur de l'Oise a vu lui aussi se terminer une carrière qui se situait des deux côtés de la barrière de la loi. En avril 1979, le gendarme Alain Lamare, 23 ans, a enfin été démasqué par ses collègues. Il s'était moqué d'eux pendant près d'un an.

À Pont-Sainte-Maxence, une R 12 accule contre le trottoir une jeune fille de 17 ans, Karine Grospiron, le 23 juillet 1978. Le chauffeur tire sur elle trois coups de feu, la blessant au mollet. La voiture est retrouvée le 3 août : piégée ; en ouvrant la boîte à gants, un gardien de la paix est grièvement blessé.

Huit jours plus tard, la police reçoit une lettre d'explications émaillée de termes empruntés à l'argot policier.

Le 16 novembre, près de Beauvais, une voiture volée fonce sur une cyclomotoriste, mais, heureusement, la manque. Retrouvé le lendemain à Orry-la-Ville, le véhicule prend feu lorsqu'un gendarme essaie de l'ouvrir. Celui-ci est atteint au visage et aux mains.

Portrait-robot

Dans le département de l'Oise, la psychose de peur réapparaît. Le 1er décembre, à Chantilly, derrière le champ de courses, une jeune fille de 19 ans, Yolande Raczowski, est découverte tuée de deux coups de feu.