Un mémorandum est adressé par le gouvernement à la Communauté européenne en vue de mettre fin aux distorsions de concurrence provoquées par les montants compensatoires monétaires, qui favorisent l'entrée en France des vins italiens. Pierre Méhaignerie qui, en mars, succède à Christian Bonnet, accuse l'Italie de fausser les statistiques, de vendre des vins de pays tiers, de payer tardivement les indemnités de distillation et de ne pas favoriser le stockage des vins excédentaires. De son côté, la Commission somme la France de payer les montants compensatoires sur ses achats de vins italiens, qu'elle diffère afin de limiter ces transactions qui concurrencent sa production méridionale.

En mai 1977, les comités d'action viticole manifestent à Sète et annoncent qu'ils vont relancer l'agitation, afin d'obtenir l'arrêt des importations ainsi que des secours pour les viticulteurs les plus endettés.

Le revenu agricole

La commission des comptes de l'agriculture révèle, en avril 1977, que le revenu brut agricole par exploitant est en baisse, pour 1976, de 1,1 % en francs constants par rapport à celui de l'année précédente. C'est le troisième résultat négatif (1975 : – 1,3 %, chiffre rectifié ; 1974 : – 5,5 %). Malgré leur volonté affirmée jusqu'à la fin de 1976, les organisations professionnelles ne bougent pas lors de l'annonce de cette nouvelle baisse.

L'impôt-sécheresse est, sans doute, l'une des causes de cette passivité. Il y en a probablement une autre : le versement de 4,15 milliards de subventions diverses. Mais, sur les aides exceptionnelles, 2,7 milliards n'ont pas été versés. S'ils l'avaient été, le revenu aurait augmenté de 3,5 %. Mais ils seront comptabilisés sur 1977 et devraient améliorer le revenu agricole de cette année, qui sera présenté au printemps 1978.

Un revenu qui décevra, sans doute, les producteurs de fruits et de légumes de l'Ouest, du Sud-Ouest et du Languedoc qui, en plus des séquelles de la sécheresse, voient leurs récoltes détruites ou amputées par les gelées de la fin mars et par les pluies abondantes qui se poursuivent jusqu'à l'été.

L'Europe verte

La politique agricole commune, qui reste le seul pilier de l'Europe, continue à être soumise à rude épreuve. Les divergences entre les monnaies des Neuf, accentuées au cours de 1976, mettent à mal le Marché commun. Aux difficultés italiennes s'ajoutent celles du Royaume-Uni, dont l'adhésion à la Communauté soulève encore plus de difficultés qu'il n'était prévu. Les études, tardives, qui se multiplient sur l'adhésion de certains pays méditerranéens renforcent le refus de l'élargissement par les producteurs méridionaux.

Les montants compensatoires

Le système des montants compensatoires monétaires, qui, à court terme, joue un rôle utile en protégeant agriculteurs et consommateurs contre les fluctuations subites des monnaies, provoque par sa permanence de graves difficultés. Un tel système n'est, en fait, que le reflet de la désintégration économique et monétaire qui, en s'accentuant au cours de 1976, menace la politique agricole commune.

La France, exportatrice nette de produits agricoles mais dont la monnaie est faible, voit taxer ses ventes alors que l'Allemagne, importatrice nette et disposant d'une monnaie forte, voit subventionner les siennes. Conséquence : le beurre allemand exporté vers la Grande-Bretagne prend la place de son concurrent français, puisqu'il reçoit, par exemple en février 1977, au départ quelque 9 % de subvention et, à l'arrivée, environ 35 %.

Le budget agricole de la France progresse, en 1977, de 18 %, mais sa participation à celui de la Communauté augmente de 33 %. Ainsi peut-on dire que l'agriculteur français subventionne l'industriel britannique, qui ne paye pas l'alimentation à son prix réel. Le coût des montants compensatoires versés à la Grande-Bretagne doit atteindre, en 1977, quelque 5,5 milliards de F. L'équivalent des aides versées en France au titre de la sécheresse.

Le « fleuve » laitier

Autre exemple des distorsions provoquées par les divergences économiques et monétaires : début 1976, France et Allemagne achètent leur soja américain le même prix. À la fin de l'année, la distorsion entre les monnaies atteint 20 % et renchérit les achats français par rapport à ceux de la RFA. La production laitière moins onéreuse outre-Rhin y progresse plus vite. Les stocks de beurre (86 000 t) et de poudre de lait (580 000 t) sont supérieurs à ceux de la France (respectivement 70 000 et 370 000 t).