L'autre élément de la stratégie consiste à limiter les importations en provenance de certains pays. Mais lesquels ? Le Marché commun représente plus de la moitié de nos importations textiles. Il n'y a là rien à faire : il continue à nous approvisionner librement. Il serait toutefois souhaitable que l'origine des produits communautaires fût soigneusement contrôlée. Certaines maisons de commerce de Hambourg ont la fâcheuse habitude d'importer des articles, de leur faire subir une légère transformation, de les rebaptiser « made in Germany », puis de les réexpédier à travers la CEE. Malheureusement, de tels détournements de trafic, aussi condamnables soient-ils, sont difficiles à repérer.

Après le Marché commun, voici les pays associés (Afrique, Grèce, Turquie, Espagne) qui bénéficient de droits préférentiels. Ils représentent déjà 10 % de nos importations d'articles de bonneterie (la CEE, 67 %). Mais comment les contraindre, sans enfreindre le principe d'association auquel les instances communautaires sont très sensibles ?

Concurrence

Restent les autres, c'est-à-dire les pays asiatiques, les pays socialistes et les États-Unis. On peut envisager un certain nombre d'instruments de freinage de leurs ventes en France, comme la fixation de quotas, la taxation à l'importation, le versement par les importateurs d'un dépôt de garantie auprès des banques, etc. Après tout, des pays aussi officiellement libéraux que le sont les États-Unis, le Canada et la Grande-Bretagne n'y ont-ils pas recours ?

Le 18 juin 1977, le gouvernement français décidait d'ailleurs de faire jouer une technique exceptionnelle prévue dans les règlements internationaux : la clause de sauvegarde. En vertu de cette clause, un pays peut décider de plafonner certaines importations en volume pendant une durée déterminée. C'est ce que la France a fait pour les chemises et les chemisiers, les filés de coton et les tee-shirts en provenance des pays non européens ou non associés au Marché commun. En 1977, les importations de ces articles, jugés particulièrement sensibles, ne devront pas dépasser le niveau atteint durant l'année 1976.

Cette décision protectionniste n'aura qu'une portée limitée. Elle ne touche en effet que quelques centaines de millions de F d'importation. Elle est, par ailleurs, peu orthodoxe par rapport aux règles du Marché commun, qui, en principe, interdisent à un État membre de mener une politique distincte de celles des autres. Le but de la manœuvre était surtout de créer un choc, au moment où se négocie le renouvellement de l'accord multifibres, signé en 1973 par 80 pays environ. Cet accord se proposait d'harmoniser les échanges internationaux d'articles textiles. En fait, il a été très préjudiciable à l'industrie européenne.

La France souhaiterait que son renouvellement donne l'occasion aux pays européens de durcir leur position à l'égard de certains fournisseurs (africains, asiatiques, sud-américains) et pour certains produits sensibles.

Or, parmi nos partenaires, l'Allemagne se montre résolument hostile à toute initiative de caractère protectionniste. C'est en quelque sorte pour lui forcer la main que le gouvernement a abattu ces quelques cartes (avec, sans aucun doute, la bénédiction de la plupart des autres partenaires).

De telles initiatives ne paraissent-elles pas ouvertement dirigées contre les pays en voie de développement ? Sans doute, mais comment faire autrement ? Si l'on veut « sauver » l'industrie textile, il faudrait d'ailleurs aller beaucoup plus loin. Agir sur le tiers de nos importations ne constitue qu'un soulagement temporaire. Selon une étude réalisée pour le compte de l'industrie cotonnière, le blocage des importations de tissus de coton à leur niveau de 1976 n'empêcherait pas une stagnation de la production et la perte de 5 550 emplois d'ici à 1980.

Dans un secteur à faible croissance, la vieille industrie européenne fait très difficilement le poids par rapport à ses concurrents des pays neufs.

Distribution

Un secteur névralgique : les grands magasins

1976-1977 a été une année commerciale calme. Si calme que, dans le second ministère Barre, le commerce et l'artisanat se sont à nouveau fondus dans le giron ministériel de l'industrie, sous l'autorité de René Monory. En 1976, le chiffre d'affaires total du commerce de détail atteint 454 milliards de F, contre 404 milliards en 1975, soit une croissance en valeur de 12 %, mais en volume de 2,7 %, en raison de la hausse des prix. Les achats de produits alimentaires ont augmenté de 1,6 % en volume, ceux des articles non alimentaires de 3,6 %.

Solde positif

Le grand commerce (commerce concentré et grandes surfaces indépendantes) assure 31,8 % du total des ventes au détail (contre 31,2 % en 1975), le petit et moyen commerce 68,2 % (contre 68,8 %).