Ces besoins sont de plus en plus sophistiqués : c'est peut-être là, pense-t-on, une chance pour la chimie européenne, dans la mesure où elle est condamnée, à terme, à laisser aux pays en voie de développement les nouveaux approvisionnements en produits banals, directement issus de la transformation du pétrole.

Textiles

L'industrie européenne est dépassée

L'industrie textile est sinistrée. Pour la première fois, en 1976, les importations françaises d'articles textiles (à l'exclusion des matières premières) ont dépassé nos exportations. Et le déficit a été supérieur au milliard de F. Désormais, aux exportateurs européens sont venus s'ajouter les Américains, les pays de l'Est et, pour une part croissante, les pays asiatiques à main-d'œuvre bon marché. Insignifiante il y a encore dix ans, la part de ces derniers dans nos importations totales atteint désormais 40 % dans les fils et tissus de coton, et 60 % dans les articles d'habillement à base cotonnière. (Cette part est nettement plus faible dans l'industrie lainière ou dans les textiles synthétiques.) Le secteur est donc confronté à un double problème : le niveau global de ses importations et la provenance des produits importés.

Enlisement

Entre 1973 et 1976, la consommation française d'articles textiles a augmenté de 6 %. Une croissance réduite, mais suffisante pour faire vivre une industrie. Or, dans le même temps, la production française a baissé de 8 %. Bref, le supplément de consommation n'a profité qu'aux importateurs. Une baisse régulière de production signifie des licenciements, des mises en préretraite et, bien entendu, des fermetures d'usines et des dépôts de bilan. De 1970 à 1976, le nombre de personnes employées dans le textile et l'habillement est ainsi passé de 808 000 à 685 000. Selon les responsables patronaux, une tonne supplémentaire importée équivaut à la perte d'un emploi.

Même si ces propos contiennent leur part inévitable d'exagération, ils n'en reflètent pas moins le lent enlisement de l'industrie textile. Cet enlisement ne va pas sans poser de graves problèmes aux régions (le Nord, l'Est, le Centre) où cette industrie est fortement concentrée, sans grande possibilité de trouver une activité de substitution.

Que faire ? Exporter davantage pour contrebalancer le flot des importations ? C'est la solution la plus saine. Elle a été adoptée par l'industrie lainière, dont la production a augmenté de 16 % depuis 1970, du fait d'une progression de 50 % des exportations. Depuis sept ans, de tous les pays développés, seules l'Italie et la France ont réussi à augmenter ainsi leur production.

Les autres branches de l'industrie textile n'ont pas tiré de l'exportation le même profit que les lainiers. Bien au contraire. Malgré une progression de 30 % de leurs exportations (en tonnage) en 1976, les cotonniers considèrent que l'augmentation massive des importations (aussi bien à leur niveau qu'au stade de l'habillement) a représenté, pour eux, un manque à gagner de 50 000 t au niveau de leur production. Une rigoureuse politique d'exportation ne suffit donc pas à maintenir l'industrie à flot. Faudrait-il fermer le robinet des importations ? Ce serait évidemment contraire au libéralisme fondamental affiché par nos dirigeants, libéralisme qui, pendant un temps (de 1958 à 1970 environ), a d'ailleurs fait la fortune des industriels dynamiques du secteur.

Stratégie

Puisqu'il serait illusoire (et suicidaire) de provoquer un retour au protectionnisme, la solution consisterait, d'une part, à encourager une profonde modernisation du secteur (orientée vers les produits à forte valeur ajoutée), d'autre part, à se montrer plus sélectif à l'importation. Le premier volet de cette stratégie est déjà en bonne voie, avec la constitution de certains pôles, dans le textile (DMC, Agache-Willot, Lainière de Roubaix, Sommer-Allibert) comme dans l'habillement (Bidermann, Vestra-Union, Poron-Absorba). Cette démarche n'empêche d'ailleurs pas les dépôts de bilan comme ceux de Saint-Joseph (bonneterie) et de Schlumpf (laine peignée) en 1976, en attendant la pneumonie qui terrassera Boussac, l'éternel grand malade de la profession.