La situation des producteurs français d'engrais est dramatique. Ils auront perdu environ 600 millions de F en 1977. En 1976, la production d'engrais phosphatés n'a augmenté que de 5,7 %, celle d'engrais azotés a chuté de 9,7 %, tandis que les engrais composés (à base d'azote et de phosphates) baissaient de 5,5 %. La concurrence internationale (et les effets de la sécheresse) a joué un rôle déterminant. Désormais, les Américains nous concurrencent sévèrement sur les engrais phosphatés, tandis que les pays de l'Est, pratiquant des prix politiques, deviennent imbattables sur les engrais azotés. Résultat : en 1976, nos exportations d'engrais ont baissé de 54 %, tandis que nos importations augmentaient de 22 %. Pour une tonne exportée, nous en importons trois et demie.

Plan

Cette perte de compétitivité a renforcé le gouvernement dans la conviction qu'il fallait restructurer le secteur. D'où l'annonce, fin 1976, d'un plan qui prévoit la création de deux pôles : le premier est privé et entraînera la fusion de Gesa (Rhône-Poulenc et Pechiney) avec Cofaz (Pierrefitte-Auby et Ato-Chimie) ; le second est mixte, puisqu'il concerne l'Entreprise minière et chimique, CDF Chimie (toutes deux à capitaux publics) et le groupe Gardinier (privé). Chacune des deux entités aura un pied (et une source d'approvisionnements) aux États-Unis, puisque l'Américain Agico prendra une participation minoritaire dans le premier, tandis que le second aura, au départ, via Gardinier, une forte implantation outre-Atlantique.

Très brillant sur le papier, ce montage a été difficile à faire accepter par les parties prenantes, car il brisait les alliances péniblement réalisées en 1976. Nul doute que la mise en place sera difficile.

L'autre secteur malade de la chimie, ce sont les fameux fils et fibres (Tergal, Crylor, etc.) produits à partir de pétrole. Malgré un taux de croissance brillant en 1976 (+ 30 %), la crise des fibres était si profonde en 1974 et en 1975 que les fabricants ont encore du mal à s'en remettre. Les commandes de l'industrie textile, son principal débouché, ont certes repris, mais, du fait de la concurrence sauvage livrée désormais par les nouveaux venus américains et japonais, les prix sont encore trop bas pour couvrir les charges d'exploitation.

« Seul Français » dans la course, Rhône-Poulenc se débat face à une meute de concurrents européens (Hoechst, Akzo, ICI, Courtauld's), dont certains (comme Akzo et Montefibre) ont perdu, en 1975, autant d'argent que lui. En 1976, Akzo a redressé la tête, Mais Rhône-Poulenc, qui a tardé à se restructurer, a perdu encore 500 millions de F (soit 10 % de son chiffre d'affaires) et doit résoudre le problème épineux de ses effectifs en surnombre. Après de multiples péripéties, la société a fermé, fin 1976, son usine de Péage-de-Roussillon. D'autres fermetures partielles devront intervenir.

Records

Les excellentes performances de certains sous-secteurs de la chimie ont heureusement compensé, en partie, le marasme des engrais et des fibres. Les matières plastiques et les colorants ont battu, en 1976, tous les records. Ce sont les exportations qui ont tiré le marché (+ 51 % pour les plastiques). Les produits d'entretien (lessives, etc.), les gaz industriels et la parfumerie ont également réalisé des taux de croissance réguliers, ce qui a permis à l'Oréal, par exemple, d'augmenter d'un tiers ses bénéfices.

Seul parmi les sous-secteurs traditionnellement dynamiques (même en temps de crise), l'industrie pharmaceutique a tendance à stagner. Les produits ne se renouvellent plus aussi rapidement, et l'innovation, devenue de plus en plus coûteuse, n'est plus guère au rendez-vous. Les attaques des pouvoirs publics contre les positions dominantes et les superprofits se multiplient. Bref, l'âge d'or est terminé.

Ce n'est pas le cas de l'industrie chimique en général. Certes, depuis les grandes découvertes (fibres, plastiques) des années 30 à 50, sa créativité a tendance à piétiner, tandis que les écologistes l'agressent et l'obligent à d'importants (et nécessaires) investissements antipollution. Malgré ces handicaps, il serait faux de penser que l'industrie chimique est désormais condamnée à une croissance ralentie. Sans doute ne retrouvera-t-on pas de sitôt des niveaux de rentabilité du passé. Mais les besoins restent immenses dans l'industrie automobile, dans le bâtiment, voire, demain, dans le vaste secteur naissant des communications.