En octobre, les trois industriels présentent le nouveau projet, rebaptisé ASMR (Advanced Short Médium Range), aux compagnies américaines, à l'occasion d'un symposium organisé à Long Beach. L'accueil est relativement tiède, une partie des compagnies exigeant un niveau de performances plus élevé et n'envisageant d'acquérir le nouvel avion qu'à partir de 1982, ce qui laisse d'ailleurs tout le temps aux promoteurs de l'opération de revoir leur projet.

Les bureaux d'études des trois sociétés se mettent à l'ouvrage pour améliorer l'appareil ; mais, en lançant entre-temps le projet d'un DC-9-55, version agrandie et modernisée du vieux DC-9, McDonnell-Douglas crée un sérieux doute sur sa volonté de coopération. Prenant acte d'une rupture de fait, la SNIAS fait alors cavalier seul, annonce en avril un nouveau projet, dit A-200 et le propose à deux autres industriels : la BAC (British Aircraft Corporation) en Grande-Bretagne et MBB en Allemagne. Le but apparemment visé est la prise en charge de ce projet. Dassault en étant exclu par Airbus Industrie.

Bombe Dassault

Dès l'ouverture du 32e Salon du Bourget (2/12 juin). Dassault réplique en annonçant qu'il est le premier constructeur au monde à faire voler un avion civil doté d'une aile en flèche supercritique (Journal de l'année 1975-76) et propose un Mercure-200 revu et corrigé, doté précisément d'une voilure de ce type. L'avion civil en question est le Falcon-50, triréacteur d'affaires de 17 t au décollage, qui avait commencé ses essais en vol en novembre 1976. L'appareil était alors annoncé avec un rayon d'action de 5 500 km ; mais, dans le plus grand secret, et en s'appuyant sur des méthodes de calcul sur ordinateur mises au point par une remarquable équipe de théoriciens de l'aérodynamique, Dassault reconstruit en moins de quatre mois l'aile du Falcon-50, reprend ses essais le 6 mai et amène l'appareil au Bourget en précisant qu'il est désormais plus rapide et capable de franchir 6 000 à 6 400 km, ce qui le rend transatlantique. La nouvelle éclate comme une bombe, et le projet Mercure-200 supercritique se présente comme un sérieux concurrent du A-200, McDonnell-Douglas travaillant de son côté sur un ASMR-2.

Événements

Depuis le 1er juillet 1976 jusqu'au 30 juin 1977, la période a été marquée par d'autres événements :
– la remontée des ventes d'hélicoptères : en trois mois (janvier-mars 1977), l'Aérospatiale vend 140 hélicoptères, dont 40 Puma ; la présentation, aux USA, du nouvel hélicoptère AS-350 Écureuil rencontre un vif succès, et des dizaines de commandes sont enregistrées en quelques jours. Le centième Écureuil est vendu au Bourget ;
– le forcing de Turbomeca pour développer une nouvelle génération de turbines à gaz. L'Arriel (650 ch), destiné précisément à l'Écureuil, est certifié le 1er juin ; un protocole d'accord est signé le 2 juin avec le motoriste allemand MTU, pour développer en commun un nouveau moteur de 1 000 ch ; le Makila (1 800 ch) destiné au Super-Puma commence ses essais en vol le 4 juin ;
– les ventes régulières par Dassault des biréacteurs d'affaires Falcon-10 et surtout Falcon-20 début 1977 ; l'Administration américaine choisit une nouvelle version du Falcon-20, baptisée Guardian, pour équiper sa garde côtière : 41 Falcon-20 sont commandés ainsi d'un seul coup, et les prévisions de ventes portent sur 100 à 200 avions supplémentaires. Au 15 juin, Dassault, avec l'aide de sa filiale US Falcon Jet Corporation, avait vendu ferme 139 Falcon-10, 427 Falcon-20 et placé, pour livraison à partir de 1979, une quarantaine de Falcon-50 ;
– les ventes de Mirage III et de Mirage F-1 connaissent une certaine stagnation, mais le futur Mirage-2000, qui volera en février 1978, intéresse beaucoup de pays. Le premier biréacteur d'entraînement franco-allemand Alpha-Jet de série volera en novembre et ses livraisons commenceront en 1978 ; quatre pays ont maintenant commandé cet appareil : la France (200 avions), l'Allemagne (200 avions), la Belgique (33) et le Togo (5) ;
– les essais en vol du CFM-56 ont commencé sur une Caravelle et sur un prototype américain d'avion de transport militaire, le YC-15 de McDonnell-Douglas ; sept moteurs étaient aux essais en juin, totalisant près de 3 000 heures de fonctionnement. Première application prévue, après accord avec Boeing : une version modernisée du B-707 ;
– les hauts et les bas du programme Airbus : les ventes s'effectuant au compte-gouttes, la décision est prise, début 1977, de ramener la cadence de fabrication de 2 à 1 avion par mois. En mai, coup de théâtre : l'ancien astronaute Frank Borman, président d'Eastern Airlines (deuxième compagnie intérieure US), prend la décision de louer quatre Airbus, qui seront mis en service expérimental de janvier à juin 1978, avec, à la clef, des commandes étalées sur plusieurs années mais portant sur 50 Airbus. Au 15 juin, Airbus Industrie avait livré 32 appareils sur 43 commandés ferme, plus 22 options. Les fabrications étaient lancées pour plus de 100 avions ;
– la politique d'attente de Boeing, qui n'a toujours pas lancé sa nouvelle gamme (B-7N7 et B-7X7), mais annonce au Bourget une décision probable début 1978. En fait, en continuant à vendre ses B-737 et B-727 à raison de 200 avions par an, Boeing gèle une bonne partie du marché, au détriment des autres constructeurs... et de lui-même, car, en retardant le lancement du B-7N7 et du B-7X7, il facilite aussi la pénétration sur le marché mondial de l'Airbus et du futur bi-10 t européen, l'imbroglio A-200/Mercure-200/ASMR devant se dénouer un jour ;
– la valse-hésitation, enfin, des autorités américaines vis-à-vis de Concorde à New York, les USA étant désormais ouvertement accusés de protectionnisme déguisé. Fin juin 1977, la situation n'est toujours pas dénouée au plan juridique entre l'aéroport de New York, Air France et les British Airways, mais l'appareil se comporte parfaitement sur les quatre lignes ouvertes : Rio de Janeiro, Bahrein, Caracas et Washington. 70 000 passagers ont été transportés en 17 mois.

Participation de l'État dans le capital de Dassault

Un conseil des ministres réuni le 8 juin 1977 définit la politique aéronautique du gouvernement, que Raymond Barre commentera et précisera au Bourget le 11 juin. Cette politique, en quatre points, sera immédiatement mise en œuvre :
– utilisation coordonnée des flottes d'Air France et d'Air Inter, en échange de contrats de programme fixant les concours financiers de l'État ; la coopération entre les deux compagnies permettra de porter de 18 à 24 le nombre d'Airbus en service en 1980 sur leurs réseaux ;
– consolidation du programme Airbus, avec l'étude de deux nouvelles versions : A. 300 B10 (200/220 passagers), A. 300 B4 à long rayon d'action (5 000 kilomètres) ;
– appel à d'autres gouvernements européens pour étudier en commun le nouveau moyen-courrier équipé de deux moteurs CFM-56. La SNIAS est le chef de file français, et Airbus Industrie, qui a fait ses preuves, est proposé comme structure d'accueil de l'opération ; une coopération ultérieure avec l'industrie US n'est pas exclue ;
– prise de participation de l'État de 34 % dans le capital Dassault-Breguet. Ainsi, l'État contrôle en partie cette firme et peut jeter les bases d'une coordination industrielle entre la SNIAS et Dassault, au moyen d'une société publique de participation détenant les actions des deux sociétés. La présidence de cette nouvelle société est confiée à Jean Blancard, président de Gaz de France et ancien délégué ministériel à l'Armement.

Électricité-électronique

Les importations limitent une légère reprise

1976-1977 aura été une année moyenne sans plus pour la construction électrique. Au vu des résultats des premiers mois de 1977, la production devrait croître de 6 à 7 %. « Seulement », serait-on tenté de dire pour une profession habituée à progresser à pas de géant depuis trente ans.