Tout en recueillant 36 % des suffrages, l'Alliance nationale pakistanaise (PNA), coalition hétéroclite qui regroupe neuf partis d'opposition allant de la droite à l'extrême droite (dont le Jamaat-I-Islami et le Parti national démocratique, résurgence du Parti national Awami, interdit en 1974), doit se contenter de 36 sièges.

Trois cents morts

À peine connus, ces résultats déchaînent la colère de l'opposition. Celle-ci dénonce les graves irrégularités qui ont entaché le scrutin, qu'elle qualifie de « farce complète ». S'estimant victimes d'un « coup monté », les adversaires d'Ali Bhutto appellent aussitôt la population à boycotter les élections provinciales, prévues pour le 10 mars. L'existence de fraudes lors des législatives ne fait guère de doute, seule leur ampleur est incertaine.

Faute d'adversaires, le PPP obtient plus de 90 % des voix aux élections régionales. Victoire en trompe l'œil qui met de l'huile sur le feu. Paralysée par une grève générale, Karachi, principale métropole du pays, est le théâtre de violents affrontements entre l'armée et des manifestants de l'opposition. Ces premiers troubles donnent le signal d'une guerre civile larvée, qui, en s'étendant aux grandes villes, fera près de 300 morts en deux mois.

Arrestations des leaders et des députés du PNA, manifestations de rues, fusillades : le cycle habituel de la violence se développe. Le 11 avril 1977, après trois jours d'incidents sanglants, l'Alliance lance un appel à la désobéissance civique. Elle demande à ses partisans de ne plus payer d'impôts, de prendre gratuitement les transports en commun, de retirer leurs dépôts des banques, etc. L'annonce de la création d'une commission d'enquête sur les élections n'apaise guère les passions. Ali Bhutto, surpris par la vigueur de ses adversaires et par la sympathie dont ils jouissent au sein de la population, hésite entre la conciliation et la manière forte. Il menace de faire appel à l'armée, puis propose l'organisation de nouvelles élections provinciales. Mais l'Alliance s'en tient à ses deux exigences essentielles : la démission du Premier ministre, la tenue d'une nouvelle consultation nationale.

Longue marche

Stimulée par la défaite d'Indira Gandhi aux élections indiennes, preuve que l'alternance au pouvoir est possible dans le sous-continent, l'opposition refuse, dans un premier temps, tout dialogue avec Ali Bhutto et décrète une nouvelle grève générale à Karachi. L'armée doit intervenir pour faire respecter le couvre-feu, la loi martiale est proclamée dans trois grandes villes : Karachi, Hyderabad. Lahore (21 avril 1977).

Quelques heures après une nouvelle vague d'arrestations et l'instauration de la censure préalable (24 avril), l'opposition invite la population à « marcher sur la résidence de A. Bhutto », le 30 avril. Cette longue marche, qui aura lieu au centre de Rawalpindi, sera finalement un échec. Car, entre-temps, la situation a vite évolué : le dialogue entre Ali Bhutto et ses adversaires paraît s'engager, et, surtout, les chefs de l'armée, dans une déclaration solennelle, réaffirment leur loyalisme « au gouvernement actuel » (27 avril). Cette mise au point ruine les illusions de ceux qui, dans l'opposition, escomptaient que l'armée basculât de leur côté. Le 28 avril, la crise prend une dimension nouvelle. Dans un discours au Parlement, Ali Bhutto dénonce une « conspiration énorme, colossale, internationale », ourdie par « l'éléphant qui a très bonne mémoire », autrement dit les États-Unis.

Répondant à ces accusations sur un ton conciliant, Cyrus Vance, chef du département d'État, assure que Washington est prêt « à discuter calmement et sans passion » des problèmes bilatéraux. Depuis plusieurs mois, une querelle nucléaire empoisonne les relations Islamabad-Washington. Malgré les vives pressions américaines, le Pakistan entend poursuivre, avec l'aide de la France, la construction d'une usine de retraitement des déchets nucléaires.

L'armée intervient dans la province du Nord-Ouest, le 3 mai 1977, pour rétablir le trafic sur l'autoroute de l'Amitié (à la construction de laquelle participent 3 000 techniciens chinois). Des troubles ont été fomentés par des montagnards kuhistanis.