La comédie musicale a vu triompher Liza Minnelli dans Cabaret, de Bob Fosse, qui a récolté une jolie moisson d'oscars. Parlant d'oscars, il faut bien citer le film qui a pulvérisé tous les records de recette non seulement dans son pays d'origine, mais dans de nombreuses autres contrées (curieusement la France n'a pas répondu aux espérances des matraqueurs publicitaires). Adapté d'un best-seller de Mario Puzzo, Le parrain ne s'élève jamais au-dessus d'un bon devoir d'élève relativement doué. Marlon Brando, dans un rôle de composition (il est bien plus convaincant dans Le dernier tango à Paris), est parvenu à retrouver le cœur des foules qui, depuis quelques années, l'avaient un peu oublié. Quant à Al Pacino, un acteur qui monte (il est également la vedette de L'épouvantail), il suit les pas d'un Dustin Hoffman.

L'Amérique nostalgique n'a pas abdiqué : la vieille usine à rêves, Hollywood, qu'on avait cru solidement installée dans sa décadence, semble ressusciter quand le public accueille avec enthousiasme un film comme L'aventure du « Poseidon » (de Ronald Neame), récit très mélodramatique d'un naufrage de paquebot en mer Égée.

L'impossibilité totale de se fier à une quelconque politique d'auteurs rend passionnant le cinéma américain.

À peine vient-on de décerner des éloges mérités à John Frankenheimer pour Le pays de la violence, qu'il nous offre le film le plus prétentieux et le plus indéfendable de l'année (L'impossible objet). À peine s'interroge-t-on sur la survie des vieux lions qui ont fait les beaux jours du cinéma américain de l'après-guerre, qu'ils se rappellent à notre attention par des œuvres d'une subtile profondeur. C'est le cas de John Huston et de ses admirables portraits de born losers dans Fat City. C'est le cas de Joseph Mankiewicz et de ses malicieuses joutes intellectuelles dans Le limier. C'est, dans une plus faible mesure, celui de George Cukor dans Voyages avec ma tante. À peine se demande-t-on si Richard Brooks va une fois de plus nous surprendre par ses plaidoyers généreux, qu'il nous propose un très décevant Dollars. Et, au moment où Martin Ritt semblait s'engluer dans le cinéma honnêtement commercial, voilà qu'il signe avec Sounder un film à contre-courant de toutes les modes, qui évoque nostalgiquement John Ford, King Vidor et Robert Flaherty.

Certains thèmes ont été remarquablement traités par des cinéastes qui confirment leur talent. Le danger d'un retour à la nature trop précipité, cette illusion que le mouvement hippy a parfois sympathiquement mais naïvement propagé, sert de toile de fond à deux films passionnants : Jeremiah Johnson, de Sydney Pollack, et Délivrance de John Boorman. Le sexe, la drogue, le monde déliquescent des désœuvrés et des has been a fait l'objet d'une trilogie de Paul Morrissey produite par Andy Warhol (Flesh, Trash, Heat). WUSA (de Stuart Rosenberg) et Votez Mac Kay (de Michael Ritchie) s'attaquent à certains rouages de la vie politique.

Parmi les auteurs qui commencent à s'imposer, il faut faire une place de choix à Robert Altman (dont Brewster McCloud et Images témoignent d'une ambition qu'on ne décelait pas tout à fait à travers l'hénaurmité de MASH) et à Jerry Schatzberg qui, avec L'épouvantail, a remporté la Palme d'or du Festival de Cannes en reprenant la tradition des tramps américains vagabondant au hasard des routes (l'œuvre n'est pas sans rappeler Macadam Cowboy).

Woody Allen est le seul comique d'intérêt depuis le relatif effacement de Jerry Lewis. Médiocre quand il est dirigé par un Herbert Ross (Tombe les filles et tais-toi), il fait preuve de plus d'humour quand il est son propre maître (Tout ce que vous désirez savoir sur le sexe).

Parmi les œuvres américaines d'intérêt, il ne faut pas omettre Harold et Maude d'Hal Ashby (qui a bénéficié d'une surprenante carrière en profondeur dans un cinéma parisien), Savages de James Ivory (l'auteur de Shakespeare Wallah), Fritz the Cat, de Ralph Bakshi, qui renouvelle le dessin animé en prenant délibérément le contre-pied des mièvreries de Walt Disney et subordonne le carton filmé aux outrances de la bande dessinée, et enfin De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites de l'acteur Paul Newman, qui offre à sa femme, Joanne Woodward, un rôle sur mesure qui va au-delà de la simple performance d'actrice.

Italie

Le scandale a eu cette saison un certain parfum transalpin. Bernardo Bertolucci, avec Le dernier tango à Paris, et Marco Ferreri avec La grande bouffe ont abondamment défrayé la chronique, pour la plus grande satisfaction de leurs producteurs ravis de l'aubaine. Bien que le film de Ferreri ait été sélectionné à Cannes sous bannière française – en raison de la provenance des capitaux majoritaires –, il serait pour le moins injuste de refuser d'admettre qu'une œuvre est avant tout la propriété de son auteur, Italien de Milan qui s'est parfois expatrié le temps d'un film ou deux, mais en emportant toujours avec lui ses thèmes de prédilection. Parabole quelque peu indigeste sur une civilisation suicidaire, farce d'un humour mortuaire ou simple provocation sardonique, La grande bouffe ne mérite probablement ni l'enthousiasme des uns ni le dégoût tapageur des autres. Ferreri revendique le droit d'être un cinéaste physiologique. L'important pour le spectateur est de savoir s'il atteint ou non ses buts. Il est permis d'en douter à propos d'un film qui devra sa réputation davantage aux remous du scandale qu'à la valeur de ses qualités intrinsèques. Curieuse revanche du mauvais sort en tout cas, car L'audience, du même auteur, proposé au public français quelques mois avant La grande bouffe, avait été un échec cuisant. Le cas du Dernier tango à Paris est tout différent. D'une facture artistique admirable, le film a été victime de tristes malentendus, habilement exploités par la publicité. Là où certains n'ont vu qu'obscénité et pornographie, d'autres ont pu admirer un film déchirant sur l'incommunicabilité, l'échec des rapports humains fondés sur la seule exigence sexuelle, l'itinéraire désespéré d'un homme dévoré de fantasmes. Les censeurs ont eu pour effet immédiat de conduire vers Le dernier tango un public qui, dévoré de curiosité, n'a pas toujours su voir ce que Bertolucci voulait qu'il vît. Un cas intéressant dans les annales du cinéma sur le plan de la psychologie des foules. Mais une très grande œuvre cinématographique aussi, qui a permis à Marlon Brando de vivre son meilleur rôle et à Bertolucci de s'imposer définitivement sur le plan international.