À côté des demi-succès (La vallée de Barbet Schrœder) et de certains échecs commerciaux étonnants (Le gang des otages d'Edouard Molinaro), la saison a été marquée par de cuisants ratages : Don Juan 73 de Roger Vadim, avec Brigitte Bardot, Beau masque de Bernard Paul, Les volets clos de Jean-Claude Brialy, Le Petit Poucet de Michel Boisrond, Le grabuge d'Edouard Luntz, Chère Louise de Philippe de Broca. Œuvres modestes par leur budget mais pleines de promesses : Quelque part quelqu'un de Yannick Bellon, Absences répétées de Guy Gilles, Far from Dallas de Philippe Toledano, Au rendez-vous de la mort joyeuse de Juan Buñuel, Les zozos (de Pascal Thomas) nous paraissent plus dignes d'intérêt que des films plus cossus mais peu convaincants comme L'affaire Dominici (de C. Bernard-Aubert), Les granges brûlées (de Jean Chapot), La femme en bleu (de Michel Deville), voire l'aimable Elle court, elle court la banlieue (de Gérard Pires).

Tout compte fait, le film le plus important de l'année est sans doute celui de Luis Buñuel, Le charme discret de la bourgeoisie, qui écorche sans en avoir l'air certains conformismes, certains travers sociaux, sans emprunter les voies de l'outrance, comme La grande bouffe de Marco Ferrari, ou de la farce revendicatrice comme Moi y en a vouloir des sous de Jean Yanne. Chez Buñuel la vision du monde n'est pas d'un optimisme béat, mais ni la technique du coup de poing ni celle de la démonstration pesante ne lui paraissent aptes à réveiller les consciences endormies.

Français,
si vous saviez

Alain de Sedouy et André Harris ont poursuivi dans Français, si vous saviez l'entreprise de démystification politique et historique ébauchée avec le succès que l'on sait dans Le chagrin et la pitié. Divisée en trois volets, correspondant à trois époques historiques (1940, 1944, 19SS), l'œuvre ne se veut « ni un dossier politique ni surtout un cours exhaustif d'histoire ». Les documents d'actualités sont entrecoupés d'interviews de témoins.

« À partir de facettes plutôt subjectives, nous prétendons parvenir à une certaine approche de la vérité... Notre point de vue général sur l'histoire est antimythologique. La politique nous intéresse moins que la morale politique... Nous souhaitons que ces films dérangent, qu'ils provoquent une agitation intellectuelle, que les Français soient placés dans une situation d'inconfort pour qu'ils puissent dominer quelques-uns de leurs travers... »

Passionnant (quoique discutable sur bien des points), cet essai d'« Histoire parallèle rendue possible par l'avènement de l'image » met l'accent sur le profond attachement des Français au mythe du Père, de l'homme providentiel (Pétain, puis de Gaulle). Il s'agit d'un point de vue qui prend à contre-pied toute interprétation hagiographique ou simplement conformiste de l'Histoire contemporaine.

États-Unis

L'Amérique, malgré ses sursauts contestataires, sa propension à étaler sur les écrans l'envers de sa vertu démocratique, cette fièvre masochiste qui consiste à attaquer avec virulence certains problèmes sociaux, politiques, institutionnels ou raciaux, reste néanmoins fidèle aux genres qui ont bâti sa réputation : le western, le thriller, la comédie musicale, la superproduction.

Le western, si l'on excepte le nostalgique Junior Bonner de Sam Peckinpah, ne laissera pas de traces bien profondes : Joe Kidd (de John Sturges), Les collines de la terreur (du Britannique Michael Winner), La légende de Jesse James (de Philip Kaufman), La poussière, la sueur, la poudre (de Dick Richards), à plus forte raison La colère de Dieu, de Ralph Nelson, et Rio Verde d'Andrew McLaglen, sont des produits consommables mais dépourvus de bouquet.

Sobre dans Junior Bonner, Sam Peckinpah risquait de brouiller les cartes de ceux qui lui avaient décerné, après La horde sauvage, le titre de réalisateur sanglant : avec Guet-apens (Getaway), il nous propose un excellent divertissement policier, haletant, assez peu conformiste, allègrement immoral, enlevé par un nouveau couple à la Bonnie and Clyde : Steve McQueen et Ali McGraw. Une autre excellente surprise à la frontière du suspense réaliste et du fantastique quasi métaphysique : Duel, réalisé par un inconnu, Steven Spielberg, d'après une nouvelle de Richard Matheson. C'est aussi en jouant avec habileté de l'onirisme, de l'indicible et de la fausse innocence enfantine que Robert Mulligan a tourné L'autre, curieuse incursion dans un royaume maléfique.