Contrairement à ses prédécesseurs, appartenant à l'aile gauchiste du Baas, qui avaient fait du conflit palestinien un thème central de propagande, le nouveau chef de l'État met l'accent sur l'économie. Il affirme, dans son discours du 31 août 1971, que le développement de la Syrie ouvrira la voie à la victoire contre Israël. Le 8 mars, il se rallie implicitement à la résolution du Conseil de sécurité du 22 novembre 1967, qui prévoit une issue pacifique au conflit israélo-arabe.

Les mesures soutenant le secteur privé, l'amnistie financière accordée aux émigrés syriens favorisent le rapatriement avant la fin de 1971 de quelque 700 millions de francs. L'industrie, le commerce connaissent un nouvel essor. La production pétrolière s'accroît en 1971 de 20 % par rapport à l'année précédente, tandis qu'une nouvelle raffinerie est mise en marche.

À partir du dernier trimestre de 1971, la Syrie commence à produire des phosphates, dont le volume devrait atteindre fin 1972 quelque 300 000 t. Le plan quinquennal 1971-75 prévoit un taux annuel de progression de 8,2 %. Il prévoit en outre la réduction des exportations de matières premières, le développement du tourisme (pour lequel un ministère est créé le 23 mars) et des garanties pour les investissements étrangers, en particulier arabes.

Ouverture

Le général Assad pratique une politique d'ouverture à l'égard des pays frères, en faisant abstraction des divergences idéologiques et politiques. À Damas, il réserve un accueil chaleureux au chef de l'État du Koweit, du 10 au 13 juillet, et se rend lui-même dans la principauté du 19 au 21 avril. Le Koweit accorde à la Syrie d'abord un prêt de 60 millions de francs (septembre 1971), ensuite une assistance financière de 150 millions de francs (mai 1972).

En mars, le général Assad reçoit également avec beaucoup d'égards Saddam Hussein, le vice-président irakien, malgré les rivalités qui opposent les deux branches du parti Baas au pouvoir à Damas et à Bagdad, et se solidarise avec les dirigeants irakiens quand ceux-ci procèdent, le 1er juin, à la nationalisation de l'Iraq Petroleum Company. Sans aller jusqu'à rétablir les relations diplomatiques avec la Jordanie, rompues en juillet, le général Assad normalise les échanges commerciaux avec le royaume hachémite en avril 1972.

La Syrie resserre ses relations avec la France. Jean de Lipkowski effectue à Damas, du 20 au 22 septembre 1971, la première visite officielle d'un ministre français depuis 1945. Paris, aussitôt après, octroie des prêts d'une valeur de 120 millions de francs ; une délégation du Conseil national du patronat français se rend à Damas le 11 mai pour étudier les possibilités d'une participation au Ve Plan quinquennal. D'autre part, la visite du ministre syrien des Affaires étrangères à Pékin se solde par un prêt chinois s'élevant à 200 millions de francs.

Front progressiste

Sur le plan intérieur, le régime s'applique à élargir ses bases populaires. Le général Assad, qui ne compte pas que des amis au sein du Baas, dont il est le secrétaire général, réduit par diverses mesures l'emprise du parti sur l'appareil de l'État.

Les élections provinciales, début mars, tenues dans un climat de relative liberté, permettent la désignation dans les conseils locaux de représentants de diverses formations. Le 14 février, le président syrien rend publique la charte d'un « Front progressiste d'union nationale », auquel sont conviées à adhérer toutes les organisations de gauche du pays, en l'occurrence l'Union socialiste arabe (les nassériens), les unionistes socialistes (de Jamal El Soufi), les socialistes arabes (ex-partisans d'Akram Haurani) et les communistes.

Le document, fruit de laborieuses tractations qui se déroulaient depuis novembre 1971, est signé le 7 mars. Il prévoit le partage des responsabilités du pouvoir parmi les formations alliées, tout en consacrant la primauté du Baas, lequel conserve le droit d'une présence exclusive au sein de l'armée et de l'université. La direction du Front est composée d'une majorité de baasistes (9 membres sur 17) et est présidée par le général Assad. Le 23 mars, un nouveau gouvernement est constitué, comprenant 15 baasistes et 15 représentants des autres formations. Le ministère de la Défense est confié au général Moustapha Tlass, homme de confiance du président Assad.