Le Dr Kofi Busia est en traitement dans une clinique londonienne lorsque le lieutenant-colonel Acheampong, commandant de la première brigade d'infanterie, s'empare du pouvoir. Un comité national de rédemption se substitue à Akufo-Addo, président de la République déchu. Alors que Nkrumah était tombé victime de son autoritarisme, Busia est éliminé à cause de sa faiblesse.

Nostalgie

Un sourd mécontentement couvait depuis plusieurs mois, mais nulle menace de coup d'État ne semblait s'y dessiner. Les querelles tribales, l'agitation sociale et politique, les difficultés économiques expliquent la fin du régime, pourtant libéral, dont K. Busia était le chef. Originaires du sud-est du pays, les Ewes, particulièrement nombreux parmi les cadres administratifs et militaires, supportaient de plus en plus mal la présence de K. Busia au poste de Premier ministre. Ayant joué le rôle capital dans l'éviction de Kwame Nkrumah en février 1966, les Ewes estimaient que leur ethnie n'était pas traitée avec les égards qu'aurait dû, selon eux, lui valoir sa combativité contre le régime de l'Osagyefo (le Rédempteur ; Nkrumah). Plusieurs officiers ewes avaient récemment été destitués ou écartés de postes de responsabilités, et un certain nombre de demi-soldes ou de fonctionnaires d'origine ewe avaient rejoint les rangs des partis d'opposition, notamment le Justice Party.

Les élites ghanéennes, qui comptent un grand nombre d'Ewes et d'Ashantis, nourrissaient aussi une certaine nostalgie de l'époque de Kwame Nkrumah. Les excès d'autorité et les maladresses de l'Osagyefo oubliés, nombreux étaient ceux qui conservaient surtout de cette époque le souvenir du rayonnement africain et international du Ghana.

Contestation

La personnalité de K. Busia était en réalité contestée pour des raisons tout à fait différentes de celles qui avaient fini par rendre Nkrumah impopulaire. Sympathique, obstiné, mais tiède, le Premier ministre ghanéen n'était pas parvenu à imposer une unité de vues au sein de son gouvernement. L'ancien professeur des universités Harvard et de Leyde était resté un pédagogue, plus soucieux de convaincre ses interlocuteurs que de leur imposer sa manière de voir. Peu avant sa chute, K. Busia avait engagé l'épreuve de force avec les syndicats, notamment avec le Trade Unions Congress (TUC), importante centrale dont les avoirs bancaires avaient été gelés sur son ordre. Sous prétexte de libérer le TUC (qui regroupait 17 des 21 syndicats ghanéens) du cadre étatique hérité de l'époque de K. Nkrumah, le Premier ministre avait multiplié les mesures vexatoires à son encontre. En septembre 1971, le Parlement avait voté un texte destiné, en fait, à dissoudre le TUC par des moyens détournés.

Le gouvernement ghanéen était à l'époque suffisamment inquiet pour faire voter en août 1971 un amendement au code criminel, destiné à empêcher toute tentative de reconstruction du Convention People's Party qu'avait créé K. Nkrumah. Le Parti du peuple, qui avait porté K. Busia au pouvoir, se sentait de plus en plus menacé par les harcèlements des mouvements d'opposition, extrêmement actifs au Parlement et parmi la population. Les deux partis contestataires les plus redoutables étaient le People's Popular Party (PPP), dont le chef est J.-S. Hansen, ancien magistrat limogé par K. Nkrumah, et le Justice Party, dont le principal propagandiste, Agama, est, selon la tradition britannique, appointé par le gouvernement en tant que leader de l'opposition parlementaire. Or, le fait pour Agama de toucher un traitement égal au tiers de celui du Premier ministre n'était jamais parvenu à le convaincre de modérer ses exigences.

Déficit

Enfin le poids des dettes héritées du régime de K. Nkrumah compromettait tout effort de développement économique et engendrait une agitation sociale permanente, lourde de menaces d'instabilité. Ayant accédé à l'indépendance avec d'importantes réserves financières évaluées à 250 millions de livres sterling, l'ancienne colonie britannique avait, en février 1966, un passif de 500 millions de livres.