Le lendemain éclatent les premières escarmouches entre l'armée jordanienne et les fedayin. L'Irak, le 2 septembre, et la Syrie, le 3, menacent d'intervenir aux côtés des commandos. Le 5, la Libye suspend l'aide financière qu'elle fournit à la Jordanie depuis 1967. Le 6 survient l'événement qui, plus que tout autre sans doute, incitera le roi à jouer son va-tout.

Zarka

Les 6 et 9 septembre, en effet, des militants du Front populaire de la libération de la Palestine (FPLP), dont le leader est le Dr Georges Habache, s'emparent en plein vol de quatre appareils de lignes aériennes régulières : un Jumbo-jet de la Pan American est détourné vers Le Caire et, après l'évacuation des passagers, immédiatement détruit ; les trois autres — un DC 8 de la Swissair, un Boeing 707 de la TWA, et un VC 10 de la BOAC — sont conduits, sous la menace, à atterrir sur un aérodrome de fortune près de la ville jordanienne de Zarka. Les commandos prennent en otage plus de 400 passagers et exigent, en échange, la libération des Palestiniens emprisonnés ou internés en Israël, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Allemagne fédérale. À la suite d'une résolution votée à l'unanimité par le Conseil de sécurité demandant la mise en liberté de tous les otages, le FPLP retient en captivité uniquement les hommes et détruit les avions de Zarka avec des charges explosives.

Le roi Hussein s'estime bafoué par une entreprise menée tambour battant et qui défie son autorité. Son prestige est atteint à l'intérieur. Le capital de confiance dont il dispose à l'étranger est sérieusement entamé. La presse mondiale, y compris celle d'Israël, exprime son scepticisme quant au pouvoir dont il disposerait pour conclure éventuellement la paix avec Jérusalem et surtout pour garantir le respect d'un tel règlement. Il lui fallait dès lors démontrer qu'il restait, malgré tout, maître de la situation. Les fedayin devaient lui en fournir l'occasion en lançant un ordre de grève générale pour le 17 septembre.

Épreuve de force

Dans la nuit du 15 au 16 septembre, quelques heures après la conclusion d'un accord de compromis avec les commandos, le roi Hussein met en place un gouvernement militaire, présidé par un Palestinien d'origine, le général Mohamed Daoud, et désigne l'un de ses fidèles, le général Habes El Majali, comme gouverneur militaire de la Jordanie. Le nouveau gouvernement annonce aussitôt qu'il « frappera d'une main de fer les démagogues quels qu'ils soient ». À l'aube du lendemain, les canons de l'artillerie royale commencent à tonner. Ainsi débutent les bombardements d'Amman et d'autres villes du royaume. Le but proclamé est de détruire les bases de fedayin, dont la plupart sont situées au cœur même de misérables camps de réfugiés, où des dizaines de milliers de personnes sont entassées dans de fragiles habitations en boue séchée. Ce qui pour les autorités est une légitime action répressive prend les allures d'un massacre aux yeux d'une bonne partie de l'opinion dans le monde arabe, où l'émotion s'exprime de diverses manières.

Dès le premier jour des combats, le 17 septembre, la RAU, la Libye et le Soudan demandent au roi Hussein et à Arafat (nommé la veille, par ses pairs, chef suprême de toutes les forces de la révolution) de cesser immédiatement les hostilités. Le président Nasser, qui s'est concerté avec le colonel Kadhafi, le chef de l'État libyen, à Marsa Matrouh, dépêche en émissaire à Amman son chef d'état-major, le général Mohamed Sadek.

Le CCOLP, pour sa part, sollicite l'intervention des forces irakiennes et syriennes aux côtés des fedayin. Les forces britanniques basées à Chypre sont mises en état d'alerte. Le gouvernement de Londres, après celui d'Israël, met en garde les « pays voisins de la Jordanie » contre toute intervention directe ou indirecte dans ce pays. Des bâtiments de la marine américaine dans l'Atlantique appareillent pour renforcer la VIe flotte, qui croise au large d'Israël et du Liban. Le 18 septembre, le porte-parole de la Maison-Blanche n'écarte pas la possibilité d'une intervention militaire des États-Unis pour « sauver les citoyens américains ». Le 20, Golda Meir, qui se trouve en visite à Washington, déclare que les vues des gouvernements de Jérusalem et de Washington coïncident au sujet de l'affaire jordanienne.

Intervention

Le jour même, Radio-Amman annonce que deux divisions syriennes (de blindés et d'artillerie lourde) avaient envahi le nord de la Jordanie. Plusieurs gouvernements (ceux de l'URSS, de la France et de plusieurs pays arabes) exercent des pressions amicales sur Damas, lui demandant de retirer ses forces (qui arborent l'emblème palestinien), faisant valoir que son attitude pourrait susciter d'autres interventions étrangères.