Les rapports économiques algéro-soviétiques, malgré les nuages politiques, ne cessent de se réchauffer. Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a quadruplé en 1967 par rapport à 1966, passant de 12 834 000 à 55 millions de dollars. L'Algérie a vendu à l'URSS du minerai de fer (600 000 t), des conserves et des produits agricoles (dont 60 000 t d'agrumes). En février, un accord est signé, portant, pour l'année 1968, à 60 millions de dollars le volume des échanges (34 pour les exportations algériennes, 24 pour les importations). L'URSS s'est engagée à importer un million d'hectolitres de vins d'Algérie, contre 450 000 hl en 1967. Elle devait livrer, en échange, des biens d'équipement, des denrées alimentaires (dont du blé) et des produits manufacturés et semi-finis.

Le malaise franco-algérien

Avec l'objectif de « consolider son indépendance économique », l'Algérie a procédé à de nouvelles nationalisations et a pris un certain nombre de mesures accentuant le caractère dirigiste et protectionniste de son économie. Le 24 août 1967, diverses sociétés pétrolières américaines sont nationalisées. Le 1er novembre, Alger institue un monopole de l'État sur les opérations financières avec l'étranger, réduisant ainsi ou supprimant, selon le cas, l'activité des banques françaises. Le 23 janvier 1968, neuf sociétés étrangères (dont huit françaises), chargées de la distribution de produits pétroliers, sont invitées à céder leurs activités à l'État algérien. Le 7 février, les droits de douane sont sensiblement augmentés — dans une proportion allant jusqu'à 200 % —, affectant sérieusement les produits français.

Les échanges commerciaux franco-algériens, qui avaient diminué en 1966, ont enregistré un net fléchissement en 1967. La baisse des exportations algériennes étant due essentiellement au blocage partiel des achats de vins par la France — qui n'avait acheté que pour 535 millions de francs en 1967, contre 942 millions en 1966 —, des négociations s'ouvrent le 5 mars. Elles se soldent le 21 par un constat d'échec : les offres françaises concernant l'acquisition des vins algériens et l'aide à la conversion des vignobles ont été considérées comme « dérisoires » à Alger. Par mesure de rétorsion, le gouvernement du colonel Boumediene invite aussitôt les sociétés nationales algériennes à éviter de s'approvisionner en France.

Fin avril, le malaise dans les relations entre les deux pays gagne le domaine pétrolier. Les autorités d'Alger adressent de sévères critiques aux compagnies françaises, tandis que la presse les accuse de « pratiquer sous un emballage nouveau la même politique que le cartel international ».

Le 13 mai, le colonel Boumediene annonce la nationalisation du marché des produits pétroliers. La plupart des quatorze sociétés touchées sont françaises. L'agence de presse officieuse APS justifie la mesure en faisant valoir que le marché algérien était une source de « superprofits » pour certaines filiales du cartel qui « se sont accrochées de ce fait à des pratiques désuètes ». Mais, survenant deux semaines à peine après l'attentat manqué contre le colonel Boumediene, la décision algérienne parait avoir une portée politique aussi importante que sa portée économique.

Les nationalisations se multiplient

La crise franco-algérienne éclate au grand jour. Paris demande instamment à Alger que les sociétés nationalisées soient indemnisées. Pour toute réponse, le gouvernement du colonel Boumediene nationalise, le 20 mai, 27 autres sociétés françaises, appartenant cette fois au secteur des industries mécaniques et électriques, des engrais et des matériaux de construction. Le chiffre d'affaires de ces entreprises, qui emploient 4 556 ouvriers, s'élève annuellement à 166 millions de francs.

Le 10 juin, la France décide de mettre un terme à ses importations de vins. Le lendemain, le colonel Boumediene dénonce, dans des termes vifs, les pressions exercées par « l'ancienne puissance occupante », devant laquelle il refusait « de s'incliner ou de se soumettre ». Trois jours plus tard, le 14 juin, il nationalise 18 sociétés (dont 17 françaises) relevant du secteur des industries mécaniques, alimentaires et chimiques. Sur les 300 entreprises françaises qui existaient en 1966, 70 parmi les plus importantes (employant 10 000 personnes) sont désormais aux mains de l'État algérien. Seul le secteur de la recherche et de la production pétrolière n'a pas été atteint par les vagues successives de nationalisations.