Tout au long de l'été, les fonds d'investissement américains – dont le Quantum Fund, dirigé par George Soros – prenaient des positions à la baisse sur les Bourses locales, le plongeon des marchés d'actions s'accompagnant de nouvelles dépréciations des monnaies vis-à-vis du dollar. Contraint à la dévaluation, le gouvernement thaïlandais annonçait début août le détail d'un plan de sauvetage négocié avec le Fonds monétaire international (FMI), en contrepartie d'une ligne de crédit de 15 milliards de dollars (95 milliards de francs). Afin de défendre leurs devises, les banques centrales de l'ASEAN décidaient de relever leurs taux, au risque de provoquer un fort ralentissement de l'activité économique et, par contrecoup, de faire fuir définitivement les investisseurs étrangers, qualifiés un peu rapidement de « vils spéculateurs ».

La remise en cause d'un modèle de développement ?

Si ces derniers ont leur part de responsabilité dans le déclenchement de la crise, celle-ci plonge ses racines dans des déséquilibres plus profonds. En effet, les pays émergents d'Asie du Sud-Est ont subi de plein fouet le retournement d'un cycle jadis vertueux, basé sur un niveau d'exportations élevé, un système de changes arrimé à un dollar bon marché et un appareil de production largement financé par des capitaux étrangers. Désormais, « tigres » et « dragons » sont confrontés à une concurrence agressive sur leurs exportations (chaussure, textile, électronique), notamment de la part de la Chine. Affaiblis par d'énormes déséquilibres de leurs balances des paiements, ils ont dû, en outre, laisser flotter leurs monnaies vis-à-vis d'un dollar qui ne cessait de s'apprécier depuis le début de l'année. Or, le niveau élevé des importations dans leurs propres exportations interdisait tout effet bénéfique d'une dépréciation monétaire sur leur balance commerciale. L'importance des capitaux à court terme dans le financement de leurs économies les conduisait par ailleurs à de dangereux surinvestissements, formant des bulles spéculatives qui ne demandent qu'à éclater, notamment dans l'immobilier. Si les investisseurs étrangers décidaient d'accélérer leur fuite, la correction à venir en 1998 risquerait alors d'être rude.

J.-F. P.

Soros mis en cause

George Soros a-t-il profité de la puissance financière du Quantum Fund pour faire du lobbying politique ? Le Premier ministre malais Mohamad Mahatir n'hésitait pas à accuser le financier américain d'être à l'origine de la tempête sur les monnaies du Sud-Est asiatique. Soros, qui a engrangé 1 milliard de dollars en 1992 en spéculant contre la livre, aurait mal accepté que la très répressive Birmanie adhère à l'ASEAN (Association des nations du Sud-Est asiatique. Elle regroupe Brunei, l'Indonésie, la Malaisie, les Philippines, Singapour, la Thaïlande, le Viêt Nam. Elle vient d'accueillir en son sein le Laos et la Birmanie).