Journal de l'année Édition 1998

Du 01 janvier 1997 au 31 décembre 1997

Sommaire

  • Dossiers chronologie
    • Épreuve de force en Serbie

      Rappel des événements de 1996. Le 19 novembre, alors que la commission électorale contrôlée par le pouvoir confirme la victoire de l'opposition à Belgrade face au Parti socialiste (SPS, ex-communiste, au pouvoir), le président S. Milosevic décide d'annuler de nombreux résultats des élections municipales du 17 novembre. La décision du président et l'organisation dans les circonscriptions contestées d'un troisième tour électoral – boycotté par l'opposition – provoquent la colère d'une population sortie pour l'occasion de son apathie. Des dizaines de milliers de manifestants vont braver chaque jour le froid et la neige, exigeant la reconnaissance de leur vote et, au-delà, un État de droit. Alors que les manifestants réclament la démission de S. Milosevic (27 novembre) et qu'un nombre croissant de magistrats se dissocient de ses décisions, le chef de l'État propose à l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) de se saisir du dossier. Parallèlement, le régime appelle ses partisans à venir manifester à Belgrade (24 décembre). Les affrontements entre ces derniers, environ 80 000 personnes, et les quelque 200 000 sympathisants de l'opposition font un mort et 91 blessés. Trois jours plus tard, l'OSCE confirme la victoire de la coalition Ensemble dans quatorze villes, dont Belgrade.

    • Clinton II

      Confortablement réélu en novembre 1996 pour un second – et dernier – mandat, Bill Clinton dispose d'un horizon dégagé qu'aucun nuage ne semble susceptible d'obscurcir. C'est du moins le sentiment du président. S'il est vrai que le locataire de la Maison-Blanche doit composer avec un Congrès dominé par les conservateurs, la situation n'a pas que des inconvénients. D'abord parce que le cas de figure n'est pas nouveau – les élections de novembre 1994 s'étaient soldées par une véritable débâcle pour les démocrates –, ensuite parce que le président aura toujours quelque intérêt à prêter à l'opposition conservatrice la responsabilité de certains de ses propres échecs. À la longue litanie des affaires qui le handicapent et qui empruntent leur suffixe au scandale du Watergate – Chinagate, Filegate, Travelgate, Hubbellgate, Jonesgate –, Bill Clinton oppose un bilan économique dont il veut croire qu'il lui vaudra absolution. Celui-ci est indiscutable, celle-là plus problématique.

    • France-Allemagne : pour un « concept stratégique commun »

      En décidant de resserrer les liens en matière de défense, Paris et Bonn ont pris acte des changements intervenus dans le rapport des forces en Europe et ont tiré les conclusions des progrès de l'intégration européenne dans tous les domaines. Toutes choses de nature à rendre les intérêts des deux pays indissociables. Que les deux parties aient fait le constat de la nécessaire convergence de leur politique de défense ne confère pas pour autant une profonde originalité au texte. Ce dernier, même s'il souligne quelques ruptures avec les dogmes gaullistes, présente plutôt une synthèse des orientations déjà perceptibles depuis plusieurs mois. Ainsi, J. Chirac et H. Kohl ont confirmé qu'ils partageaient le même sentiment au sujet de l'élargissement de l'OTAN, jugé inévitable, voire nécessaire ; accord sans ombre aussi quant à la redéfinition des relations avec la Russie, que tous deux ne souhaitent pas isoler.

    • Les élections au Pakistan

      Appelés aux urnes pour la quatrième fois depuis 1988, bon nombre de Pakistanais auront eu le sentiment de choisir entre la peste et le choléra. Les deux principaux candidats ont en commun d'avoir été tous les deux Premier ministre et d'avoir connu l'humiliation d'être destitués par le chef de l'État. Nawaz Sharif, le leader de la Ligue musulmane, a conduit le gouvernement de 1990 à 1993 avant d'être brutalement congédié pour corruption et incompétence. Benazir Bhutto, la présidente du Parti du peuple pakistanais (PPP), s'est trouvée à deux reprises en charge des affaires : une première fois entre 1988 et 1990, et de nouveau entre 1993 et novembre 1996. C'est au nom des mêmes raisons qu'elle dut céder à deux reprises le pouvoir. Camouflet suprême, Benazir Bhutto a été limogée en 1996 par le président Farooq Leghari, celui-là même qui fut l'un de ses plus fidèles alliés.

    • L'effet Vitrolles

      En ce début d'année, le Front national revient au cœur du débat politique. En confirmant, le 18 décembre 1996, l'invalidation du maire socialiste sortant, Jean-Jacques Anglade, mis en examen pour une affaire de fausses factures en décembre 1995, et en déclarant inéligible pour un an son challenger, le délégué général du FN, Bruno Mégret (pour avoir dépassé de 9 % le plafond autorisé des dépenses de campagne), le Conseil d'État focalise les projecteurs sur Vitrolles, commune de la périphérie de Marseille, vieux fief de la gauche qui aime, depuis le milieu des années 80, flirter avec les hommes de Jean-Marie Le Pen.

    • Une nouvelle vie pour le télescope Hubble

      Plus de 100 000 images transmises, à l'origine de quelque 5 000 publications scientifiques : le bilan des observations déjà effectuées par le télescope spatial Hubble est véritablement impressionnant. Il s'en est pourtant fallu de peu que l'instrument, dont les astronomes ont si longtemps rêvé avant de pouvoir enfin l'utiliser, ne puisse remplir correctement sa mission. Peu après sa mise en orbite autour de la Terre, à 600 km environ d'altitude, par la navette américaine, en avril 1990, on découvrait, en effet, qu'une erreur de polissage de son miroir de 2,40 m de diamètre empêchait celui-ci de concentrer convenablement la lumière. À ce handicap majeur s'ajoutaient des tremblements du satellite, provoqués par des déformations de ses panneaux solaires lors de leur passage du jour à la nuit, et des perturbations de ses enregistreurs de bord par des particules chargées emprisonnées dans l'une des « ceintures de rayonnement » terrestres. Tout devait heureusement rentrer dans l'ordre avec la réparation dans l'espace du télescope, en décembre 1993. En particulier, l'installation d'un dispositif optique correcteur permit alors de compenser le défaut de courbure du miroir.

    • La loi Debré sur l'immigration

      Moins de quatre ans après la loi Pasqua, voilà la loi Debré « portant diverses dispositions relatives à l'immigration ». En quinze ans, c'est la dixième modification de l'ordonnance de 1945 sur les étrangers ! Objectif avoué du ministre de l'Intérieur : parvenir à l'immigration irrégulière zéro afin de « réussir l'intégration que l'on ne peut mener à bien à frontières ouvertes ». La philosophie gouvernementale en la matière est ainsi exposée : « fermeté » à l'encontre de l'immigration clandestine ; « humanisme » à l'égard de certains sans-papiers. En réalité, à dix-huit mois des législatives que personne, à l'époque, ne soupçonne anticipées, l'objectif est de contrer le Front national sur l'un de ses terrains de prédilection en montrant la détermination en la matière d'un gouvernement déjà mal en point dans les sondages.

    • La crise albanaise

      On se souvient de la formule de Saint-Simon au lendemain de l'effondrement de la Banque royale de Law : « Une infime minorité enrichie par la ruine de l'ensemble de la population. » Mais comparaison n'est pas raison, car la banqueroute provoquée par celui qui fut contrôleur général des Finances du Régent aura trouvé au pays des aigles un avatar autrement plus dramatique.

    • La fermeture de l'usine Renault à Vilvorde

      Le marché automobile français n'affiche pas une santé florissante. Au premier semestre de 1997, la chute des immatriculations a atteint un niveau record avec une baisse de 30 %. Le groupe Renault où l'État, actionnaire de référence, ne détient plus que 46 % des parts, n'échappe pas à cette morosité ambiante. Il va mal. En 1996, il a affiché, après neuf exercices bénéficiaires, une perte de 5,2 milliards de francs (pour un chiffre d'affaires de l'ordre de 175 milliards de francs, au neuvième rang mondial, derrière General Motors [720 milliards], Ford, Toyota, Nissan, Volkswagen, Daimler-Benz, Chrysler et Honda). Ses coûts sont trop élevés, il doit les réduire, ainsi que le nombre de ses unités de production en Europe. Une restructuration s'impose pour faire face à la concurrence internationale, d'autant qu'à l'aube de l'an 2000, aucun quota ne viendra plus gêner les constructeurs asiatiques.

    • La comète Hale-Bopp

      Lors de sa découverte, dans la nuit du 22 au 23 juillet 1995, par deux astronomes amateurs américains qui opéraient indépendamment, Alan Haie au Nouveau-Mexique et Thomas Bopp en Arizona, Hale-Bopp n'était qu'un pâle objet 100 fois moins brillant que la plus faible étoile perceptible à l'œil nu. Mais, sitôt son orbite calculée, il devint manifeste qu'il s'agissait d'une comète hors du commun : elle avait été repérée à plus d'un milliard de kilomètres du Soleil, et affichait donc un éclat 250 fois plus intense que la comète de Halley, observée à la même distance. Les astronomes ont finalement disposé de 20 mois pour suivre son évolution avant qu'elle ne passe au plus près du Soleil. Des dizaines d'équipes de chercheurs à travers le monde ont mis à profit cette période exceptionnellement longue pour multiplier les observations dans le plus large éventail de longueurs d'onde possible.

    • Blocage du processus de paix au Proche-Orient

      Tout indiquait donc que, si le plus vieux conflit du Proche-Orient avait pris fin sur tous les écrans du monde en 1993, la réalité continuait de buter sur des faits têtus. La colonisation s'est en effet poursuivie et intensifiée, rendant illusoire toute continuité territoriale palestinienne. Depuis les accords d'Oslo, le nombre des colons en Cisjordanie est passé de 100 000 à 140 000. Le gouvernement israélien a donné son feu vert à la construction de milliers d'appartements, dont 12 % sont inoccupés, et l'encerclement de Jérusalem-Est s'est trouvé achevé par l'édification de 6 500 logements à Jabel Abou Ghnaim (Har Homa pour les Israéliens), une colline située presque aux portes de Bethléem. Quant à l'espoir d'une paix fondée sur le développement économique, il s'est envolé : un rapport du Fonds monétaire international indiquait que le taux de chômage en Cisjordanie et à Gaza était passé depuis 1993 de 18 % à plus de 34 %.

    • Nouveau gouvernement en Inde

      La démission de Deve Gowda, dont le Congrès exigeait le départ, a conduit le parti des Nehru-Gandhi à renouveler son soutien au front uni. Si le Premier ministre change, le « front » reste toutefois au pouvoir, et la composition du gouvernement demeure pratiquement inchangée : seule modification, mais de taille, le très libéral ministre des Finances, Palanippan Chindamabaram, n'a pas souhaité être reconduit dans ses fonctions. Il appartient au nouveau Premier ministre, qui conserve le ministère des Affaires étrangères, de prendre en charge ce délicat portefeuille. Un cumul des fonctions qui a semblé satisfaire à la fois les milieux politiques et le monde des affaires.

    • La dissolution : chronique d'un échec et d'un succès

      « Aujourd'hui, je considère, en conscience, que l'intérêt du pays commande d'anticiper les élections. J'ai acquis la conviction qu'il faut redonner la parole à notre peuple afin qu'il se prononce clairement sur l'ampleur et le rythme des changements à conduire pendant les cinq prochaines années. Pour aborder cette nouvelle étape, nous avons besoin d'une majorité ressourcée et disposant du temps nécessaire à l'action. » Quand, le 21 avril, à 20 heures, à la télévision, le chef de l'État, usant des pouvoirs que lui confère l'article 12 de la Constitution et invoquant les rendez-vous européens à venir, annonce sa décision de dissoudre l'Assemblée nationale, son choix surprend. Certes, depuis plusieurs semaines, les rumeurs allaient bon train, mais personne ne voulait y croire. Pourquoi, à un an de la fin de la législature et alors qu'il dispose d'une large majorité parlementaire (464 députés sur 577), Jacques Chirac courrait-il un tel risque alors qu'aucune crise majeure ne secoue le pays et que son Premier ministre, Alain Juppé, bat des records d'impopularité dans les sondages ? En réalité, le président s'est laissé convaincre par son entourage – notamment, Dominique de Villepin, le secrétaire général de l'Élysée – et par l'Hôtel Matignon qu'attendre l'échéance normale serait suicidaire pour la majorité. Selon ces conseilleurs, la nécessité de répondre aux fameux critères de Maastricht pour la mise en place de l'euro provoquera, dès le budget 98, un tour de vis économique fatal à un gouvernement déjà contesté. D'autant plus fatal que les prévisions relatives aux comptes sociaux sont mauvaises, qu'aucune amélioration de l'emploi n'est attendue et que des investigations judiciaires menacent des personnalités proches du pouvoir. Dissoudre, aujourd'hui, plaident-ils, présente plusieurs avantages : d'abord, éviter l'écueil d'une rigueur programmée ; ensuite, prendre de court l'opposition de gauche. Et le Front national de crier au « hold-up électoral ».

    • L'Angleterre des travaillistes

      M. Blair dispose d'une majorité sans précédent à la Chambre des communes, qui lui assure quasi automatiquement un deuxième mandat. Il faudrait en effet un revirement énorme de l'électorat pour que les tories reviennent au pouvoir. Après avoir perdu 178 sièges, les conservateurs ne peuvent guère prétendre être autre chose qu'une force d'opposition symbolique. Selon le quotidien The Independant, « un autre parti est mort. C'est le Parti travailliste des années 80, avec son attachement aux nationalisations, à une fiscalité redistributive, aux accords privilégiés avec les syndicats, et son opposition au Marché commun ». Un diagnostic de nature à inquiéter les élus de la gauche travailliste. Ces derniers ne pourront pas peser sur le Premier ministre dans la mesure où ce dernier n'aura aucune peine à trouver les 330 voix requises pour obtenir la majorité d'une Chambre de 659 élus. Minoritaires, les eurosceptiques du Labour ne sont pas en mesure de contrarier la politique européenne que le chef du gouvernement entend mener. De l'Europe, il a été fortement question tout au long de la campagne. D'ailleurs, tous les commentateurs politiques se sont accordés pour dire que les tories ont été victimes de leurs divisions à ce sujet.

    • Le Congo de Kabila

      En octobre 1996, la guerre éclate dans le Sud-Kivu, focalisant l'attention de l'opinion internationale sur la région des grands lacs un peu plus de deux ans après le drame rwandais. Déjà les succès militaires de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL) forcent l'étonnement. Très vite, il va apparaître que les prévisions de ceux qui limitent le conflit au « nettoyage » des camps, à la sécurisation de la frontière avec l'Ouganda et le Rwanda sont infondées. En effet, Laurent-Désiré Kabila et les siens ne font pas mystère de leur objectif : s'emparer de Kinshasa par les armes et chasser Mobutu Sese Seko du pouvoir. L'objectif est donc clair. Mais nul n'imagine alors que l'armée de Kabila pourra traverser à pied, d'est en ouest, un pays aussi vaste que l'Europe occidentale, et surtout de vaincre une armée réputée – de toute évidence à tort – bien équipée, véritable colonne vertébrale du régime depuis trois décennies.

    • Libéralisation en Iran ?

      De l'amélioration des conditions de vie à une libéralisation des mœurs en passant par la réforme des structures économiques, la lutte contre la corruption, le respect des droits de l'homme ou encore le pluralisme économique, l'éventail des revendications qui ont porté à la présidence Mohamad Khatami est bien vaste. Surtout, il dit qu'être l'heureux candidat de la société civile cristallise autour de l'impétrant des aspirations si éclatées et des espoirs si divers qu'un éventuel échec s'en trouverait d'autant plus aggravé.

    • Le programme du gouvernement de gauche

      Avec pour slogan de campagne « Changeons d'avenir », le projet de la gauche n'a rien à voir avec une nouvelle mouture des vieilles recettes du programme commun de 1981. À l'époque, on parlait de rupture avec le capitalisme, de redonner à l'État un rôle décisif, de nationaliser tous azimuts et d'étendre de façon spectaculaire les droits des salariés. Seize ans plus tard et après la pratique à éclipse du pouvoir sous les deux septennats de François Mitterrand, rien de tout cela. La gauche a appris à être modeste, à accepter les vertus de l'économie de marché et les limites de la planification. Le pragmatisme vole la vedette à l'idéologie.

    • Le gouvernement de Lionel Jospin

      Emploi et Solidarité : Martine Aubry (PS) Garde des Sceaux, ministre de la Justice : Élisabeth Guigou (PS) Éducation nationale, Recherche et Technologie : Claude Allègre (PS) Intérieur : Jean-Pierre Chevènement (MDC) Affaires étrangères : Hubert Védrine (PS) Économie, Finances et Industrie : Dominique Strauss-Kahn (PS) Défense : Alain Richard (PS) Équipement, Transports et Logement : Jean-Claude Gayssot (PCF) Culture et Communication, porte-parole du gouvernement : Catherine Trautmann (PS) Agriculture et Pêche : Louis Le Pensec (PS) Aménagement du territoire et Environnement : Dominique Voynet (Verts) Relations avec le Parlement : Daniel Vaillant (PS) Fonction publique, Réforme de l'État et Décentralisation : Émile Zuccarelli (PRS) Jeunesse et Sports : Marie-George Buffet (PCF)

    • L'effet Calypso

      Dans leur mémoire, il restera le commandant de la mythique Calypso et un instrumentiste habile, toujours à l'affût d'innovations, de perfectionnements qui, peu à peu, enrichirent, encombrèrent son pont et ses cales. Bricoleur doué, il se fit, dès les années 50, créateur, promoteur et exploiteur de ce qu'il appelait des « techniques secondaires », destinées à faciliter, diversifier, étendre le travail en station et en croisière. Parmi ces appareillages, citons le câble de Nylon pour le mouillage et le dragage de grands fonds ; ou les émetteurs sonores dont les « tic-tic » localisent les engins à la mer. Même généralisation de la caméra pour étudier les eaux et les fonds : la photo prise par le scaphandrier ou par la « troïka » (traîneau tracté au ras du fond) ; la télévision et le cinéma dont il fut un producteur prolifique. Dans ce métier de chasseur d'images, il a beaucoup retiré de ses relations avec des Américains, comme, par exemple, Harold Edgar Edgerton (1903-1990), appelé « Papa Flash », professeur au MIT, qui, durant les années 60, construisit pour la Calypso des caméras sensibles et résistantes, capables de photographier les animaux pélagiques et benthiques jusqu'à plus de 7 000 m. C'est par plus de 7 500 m de fond, dans la fosse de la Romanche, qu'il établit son record (Atlantique équatorial, juillet 1956).

    • Reprise de l'exploration de Mars

      Pour appliquer le nouveau slogan de la NASA – faire mieux, plus vite et moins cher –, les promoteurs de la mission Mars Pathfinder ont dû prendre des risques. Par souci d'économie, aucun des instruments de bord de la sonde (y compris l'ordinateur) n'a été installé en deux exemplaires, contrairement à l'usage, et pour la première lois l'atterrissage sur Mars a été prévu au terme d'une trajectoire balistique, sans mise en orbite préalable. Le suspense n'en a été que plus grand lorsque Mars Pathfinder, après sept mois de voyage et un trajet de 497 millions de kilomètres dans l'espace interplanétaire, s'est séparé de son étage de croisière à 13 000 km de son objectif pour foncer vers le sol martien comme un obus. Freiné par un bouclier thermique, puis par un parachute de 12 m de diamètre et enfin par l'allumage de trois rétrofusées, l'engin a touché la surface martienne le 4 juillet à 17 h 07 (temps universel), protégé par une grappe de 18 ballons gonflables, de 5 m de diamètre. Après une quinzaine de rebonds, la sonde s'est immobilisée par 19,33° de latitude nord et 33,55° de longitude ouest, à moins de 1 km du point visé, dans Ares Vallis, une vallée martienne qui semble avoir été le théâtre d'inondations importantes il y a plusieurs milliards d'années. Une heure et demie plus tard, l'atterrisseur (rebaptisé Memorial Carl Sagan, en hommage à l'un des principaux artisans du programme américain d'exploration planétaire, disparu en décembre 1996) s'est ouvert comme une fleur, déployant au sol 3 « pétales » pour constituer une station scientifique fixe équipée d'une caméra couleur pivotante et de capteurs météorologiques. Fixé sur l'un des « pétales », un petit véhicule robotisé, Sojourner (nom d'une esclave noire du xixe siècle qui lutta contre l'esclavage et mot américain signifiant voyageur), surnommé Rocky, allait devenir la vedette de la mission après sa descente sur le sol, le 6 juillet.

    • Mexique, fin de partie pour le PRI

      Si les principaux indicateurs macroéconomiques étaient de nouveau excellents – PIB en hausse de 5,1 % en 1996, inflation et taux de chômage officiel en baisse et taux de changes stables –, pour la majorité de la population, ces résultats n'ont guère eu de signification : trois ans après le séisme financier de 1994, la plupart des nouveaux venus sur le marché du travail – près de 1 million par an – survivent toujours dans le cadre de l'économie informelle, qui occupe plus de la moitié de la population active. La pauvreté, qui affectait déjà 70 % des Mexicains, s'est encore aggravée, plusieurs millions de personnes disposant à peine de l'équivalent de 3 F par jour pour vivre. Mais, en offrant une cure d'opposition au PRI, les électeurs mexicains ont sans doute davantage voulu exprimer une lassitude à l'égard d'un régime au pouvoir depuis près de soixante-dix ans que sanctionner la conduite des affaires économiques. Parti sans véritable idéologie, si ce n'est un vague « nationalisme révolutionnaire », le PRI a adopté le « tout État » jusqu'au début des années 80 pour se convertir peu à peu à l'économie de marché. Ces changements de cap successifs, l'insécurité croissante et la corruption endémique au sein de la police ont fini par déstabiliser le vieux parti.

    • Boeing/McDonnell-Douglas : une fusion qui fait du bruit

      C'est, en effet, le 15 décembre 1996 que les dirigeants de Boeing et de McDonnell-Douglas avaient annoncé leur intention de fusionner leurs sociétés, la seconde étant elle-même issue de la fusion antérieure de Douglas et de MDD.

    • Apple sauvé par Microsoft ?

      L'histoire commence en 1985, date à laquelle Steve Jobs, le cofondateur d'Apple, est sèchement débarqué par son conseil d'administration. Paradoxalement, l'entreprise triomphe. Elle vient d'écouler plusieurs centaines de milliers de Macintosh, un ordinateur personnel programmé pour rendre extrêmement simple (« conviviale » disait-on alors) son utilisation. Apple dote en outre le « Mac » d'un outil révolutionnaire, aujourd'hui universellement adopté : la souris. Mais la firme de Cupertino ne profitera pas longtemps de l'incroyable avance technologique du Mac sur les autres micro-ordinateurs (ou PC).

    • L'Algérie, d'horreurs en drames

      La télévision algérienne a longuement couvert la mort de la princesse Diana mais elle n'a soufflé mot de la tragédie de Béni Messous, une localité située dans la banlieue d'Alger, où une cinquantaine de civils auraient été tués et une soixantaine d'autres blessés. Quelques jours auparavant, dans la nuit du 29 août, à Raïs, également près de la capitale, entre 100 et 300 personnes – en majorité des femmes et des enfants – avaient été égorgées par un commando dont les membres étaient, selon les témoignages de survivants, habillés à l'afghane et portaient de longues barbes. D'autres massacres devaient suivre tout au long du mois de septembre, chacun semblant vouloir dépasser en horreur le précédent. Quelle que soit l'identité des bourreaux, la guerre civile a revêtu le masque de la barbarie, et les carnages commis au cours de l'été ont défié l'imagination. Les centaines de personnes assassinées, le plus souvent égorgées, dans les wilayas de Blida et d'Aïn Defla, entre le 30 juillet et le 29 août, et le massacre, le 19 septembre, de 53 villageois – en majorité des femmes et des enfants – près de Médéa, au cœur de la Mitidja (baptisée le « triangle de la mort »), ont alimenté les rumeurs les plus folles. Il est vrai que les facilités d'action des « islamistes » – les terroristes, selon la terminologie officielle – et l'impunité dont ont paru bénéficier les assaillants sont pour le moins troublantes.

    • Le gouvernement subventionne massivement l'embauche des jeunes

      Inspirée et défendue par Martine Aubry, ministre de l'Emploi et de la Solidarité et présidente de la fondation Agir contre l'exclusion, la loi sur l'emploi des jeunes a été bâtie sur un double constat. La France est un pays dont le quart des jeunes actifs est au chômage. Pourtant, il existerait, à la frontière du public et du privé, des emplois « dormants » répondant à des besoins sociaux, non satisfaits mais réels, des citoyens : être mieux accueilli dans les services publics, rassuré dans les quartiers sensibles, initié aux technologies nouvelles... L'État doit donc inciter les collectivités territoriales, les établissements publics et le réseau associatif à multiplier ces emplois, tout en les réservant aux jeunes de moins de 26 ans.

    • La mort de Lady Diana

      « Diana est morte ». Le flash est tombé le 1er septembre sur les fils de l'agence France-Presse. Il est 5 h 44 min du matin. La princesse de Galles, « lady Di » pour le monde entier, ex-épouse du prince Charles, héritier de la couronne d'Angleterre, et « reine des médias », a trouvé la mort à l'âge de trente-six ans dans un accident de voiture, sous le tunnel de l'Alma, le long des quais de la Seine, à Paris. Le conte de fées dont la jolie princesse était l'héroïne, et que des millions de lecteurs de la presse tabloïd suivaient semaine après semaine, s'achève comme une tragédie des temps modernes. Après une folle course-poursuite avec des paparazzi qui voulaient une énième photo volée de ses amours avec son nouvel ami, le milliardaire égyptien Emad Al Fayed. Amours qui avaient alimenté la une des magazines à sensation pendant tout l'été et qui se terminent dans le sang et les tôles froissées d'une Mercedes « de grande remise » pilotée à grande vitesse par un chauffeur ivre – les analyses le révéleront – tentant d'échapper à la meute de photographes peu scrupuleux. Des quatre passagers de la voiture, seul le garde du corps de celle que l'on a baptisée la « princesse du peuple » ou la « princesse des cœurs », échappera à la mort.

    • Bosnie, des élections sous haute surveillance

      Destinées à constituer des administrations locales dans 136 municipalités, les élections municipales en Bosnie-Herzégovine ont finalement été organisées « à l'arraché » par la communauté internationale, après avoir été reportées à quatre reprises. Un pari dont c'est peu d'écrire qu'il présentait des risques certains, eu égard aux pressions et aux moyens déployés. C'est ainsi que l'on a vu les États-Unis multiplier les navettes diplomatiques entre Belgrade, Pale, Banja Luka, Zagreb et Sarajevo afin de convaincre Serbes, Croates et Musulmans de respecter leurs engagements. Un contexte déjà tendu, aggravé par les tensions au sein de l'entité serbe entre les ultranationalistes de Pale – fidèles à Radovan Karadzic – et les légitimistes, partisans de la présidente Biljana Plavsic. Cette « guerre des chefs » a contraint la force multinationale à mettre en œuvre trois avions capables de brouiller les émissions des médias de Pale pour leur interdire de lancer des appels à la violence et à la rébellion contre les forces de l'OTAN. En plaçant le scrutin sous haute surveillance, la Force multinationale de l'OTAN (SFOR) et l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en ont démontré l'importance : il s'agissait, in fine, de concrétiser la normalisation instaurée par les accords de Dayton (fin 1995) dans des domaines aussi sensibles que le retour des réfugiés et le partage des responsabilités et où le retard des engagements pris était pour le moins avéré.

    • France : croissance économique et déficit budgétaire

      À partir de 1992-1993, l'évolution économique de la France a été marquée par des changements radicaux : d'une part, un excédent commercial substantiel se substitue à un déficit chronique des échanges ; d'un autre côté, la désinflation compétitive se transforme en déflation des prix. Entre ces deux changements, l'économie française se trouve prise au piège de la croissance lente ou molle où la montée du chômage et la médiocrité des perspectives de profit engendrent des comportements restrictifs, tant sur la consommation que sur l'investissement. Alors que dans les années 1980 le problème consistait à contenir la demande intérieure, maintenant c'est l'inverse, il faut la stimuler.

    • Les pays de l'Europe centrale aux portes de l'Europe

      Pour les pays d'Europe centrale, coincés depuis des siècles entre deux puissances (l'Allemagne et la Russie), les problèmes de sécurité ont toujours représenté un enjeu majeur. D'où leur insistance pour intégrer le plus rapidement possible les structures de l'Alliance atlantique, position souvent mal comprise par les pays de l'Europe occidentale.

    • Allemagne : une économie vulnérable

      Cependant, à partir des années 90, avec la réunification du pays et la mondialisation des échanges, ce modèle est apparu de moins en moins adapté aux exigences du temps, à un point tel qu'on a pu soutenir qu'il devait être remis en cause avant d'envisager le rebond de l'économie allemande.

    • La pollution des villes et la circulation automobile

      Comment éviter que l'air des villes ne devienne irrespirable avec la circulation automobile ? La question se pose désormais avec acuité. En effet, la pollution de l'air en milieu urbain, principalement liée aux phénomènes de combustion, est particulièrement préoccupante en raison de son impact sur la santé. Or, depuis une vingtaine d'années, tandis que les émissions nocives dues aux installations industrielles ou de chauffage régressent, celles imputables aux moyens de transport augmentent, les progrès réalisés au niveau des véhicules ne compensant malheureusement pas l'effet de l'accroissement du trafic.

    • Italie : une semaine folle

      En refusant de voter le 7 octobre le projet de budget adopté par le gouvernement le 27 septembre, les communistes endossent la responsabilité d'une crise politique dont ils ne pouvaient pas mesurer l'ampleur. Et sans doute la question du budget n'est-elle que secondaire. En effet, les communistes auront estimé que l'adoption du budget et la probable entrée de l'Italie dans l'euro, avec une situation économique favorable, ainsi que les réformes institutionnelles qui aboutiront avec le renforcement du système bipolaire, risquaient de limiter leur marge d'action. Une analyse qui aura conduit Fausto Bertinotti à refuser le budget du gouvernement pour tenter de barrer la route à cette gauche réformiste qui, en Italie aussi, a compris quel est son chemin. À l'aune de cette analyse, le revirement des communistes s'apparente plutôt à une défaite cuisante.

    • La quadrature du siècle

      Le chômage est sans doute le seul véritable problème de la France, tant il conditionne tous les autres : inégalités ; pauvreté ; délinquance ; drogue ; climat de méfiance ; inquiétudes individuelles... Au sein de l'Union européenne, seules l'Espagne et la Finlande connaissent une situation de l'emploi plus difficile. Ce mal français est lié à des spécificités nationales qui sont encore apparues avec force au cours de l'année 1997.

    • L'ambitieuse réforme de la justice

      En ce début 1997, la mise en œuvre d'une réforme de la justice s'impose à l'ensemble du corps politique. Pauvre, mal équipée, surchargée d'affaires mineures traitées hâtivement par le système de la « comparution immédiate », encombrée au point qu'un litige au civil doit attendre des années avant d'être tranché, la justice française est au mieux malade, au pire exsangue. Les manœuvres du garde des Sceaux Jacques Toubon pour étouffer, fin 1996, certaines « affaires » ont par ailleurs ravivé aux yeux de l'opinion publique l'éternel soupçon de connivence entre un parquet docile et un pouvoir exécutif tout-puissant. Pire : l'épisode malheureux de l'hélicoptère, dans l'affaire Xavière Tiberi, menace de déconsidérer l'ensemble de la majorité de l'époque – tout comme de semblables errements avaient en leur temps discrédité les socialistes. L'heure est pourtant à la mobilisation des troupes. Les élections législatives sont proches. Il faut agir vite, juste avant la dissolution, le président de la République confie à Pierre Truche la mission de mener à bien une réflexion sur l'indépendance de la justice.

    • Premier succès du lanceur européen Ariane 5

      De l'avis de tous les commentateurs, l'Europe n'avait, cette fois-ci, pas droit à l'erreur. Il lui fallait absolument effacer la terrible déconvenue du vol inaugural d'Ariane 5, le 4 juin 1996, où la nouvelle fusée européenne avait explosé 37 secondes après son décollage, à la suite d'une défaillance informatique des centrales inertielles assurant son pilotage.

    • La crise irakienne

      En mai 1996, le Conseil de sécurité de l'ONU avait adopté la résolution 986 (dite « pétrole contre nourriture ») qui devait permettre à Bagdad d'exporter 2 milliards de dollars de pétrole tous les six mois pour acquérir des vivres et des médicaments. On se souvient que le cours des événements – notamment l'intervention des chars irakiens dans le Kurdistan, au nord du pays – avait une première fois retardé l'entrée en vigueur de la résolution 986. Finalement, en novembre 1996, Saddam Hussein avait fini par accepter « toutes les conditions » du Conseil de sécurité de l'ONU. Un an plus tard, pourtant, l'Irak, attendant toujours que soient distribués la nourriture et les médicaments, engageait l'épreuve de force avec l'ONU, c'est-à-dire avec les États-Unis.

    • Luttes de pouvoir en Russie

      En Russie, l'idée que les médias déterminent les votes est largement partagée. Depuis la spectaculaire remontée de Boris Eltsine dans les sondages avant sa réélection en 1996, le contrôle des médias a occupé la poignée d'oligarques qui se disputent les premiers rôles. Le Premier ministre Viktor Tchernomyrdine, régulièrement épingle par les médias en raison de son élocution primaire, de ses manières d'apparatchik ou de l'incroyable sous-évaluation de sa déclaration de revenus, l'a finalement compris. C'est ainsi que l'on a pu le voir très à son aise, interrogé par un journaliste pour le moins conciliant sur la chaîne privée NTV, dont Gazprom, le monopole gazier géant proche du Premier ministre, possède 30 % des parts. Ses deux rivaux, les réformateurs Boris Nemtsov (vice-Premier ministre, depuis mars 1997) et Anatoli Tchoubaïs (vice-Premier ministre et ministre des Finances, depuis mars 1997), se sont eux aussi assuré de la docilité de nombreux médias en achetant journaux et chaînes de télévision. Quant à Boris Berezovski, numéro deux du Conseil national de sécurité, présenté dans la presse occidentale comme un « puissant homme d'affaires », c'est peu d'écrire qu'il dispose depuis longtemps de relais médiatiques influents. Mais au bout du compte, chacun disposant de moyens similaires, il est apparu plus important d'avoir l'accès direct à B. Eltsine plutôt qu'aux organes de presse.

    • Gastronomie

      La conservation attentive et passionnée du savoir-faire, le goût préservé des produits de tradition, le maintien des liens entre fête et consommation alimentaire ont favorisé la constitution d'un véritable patrimoine culinaire participant à l'identité culturelle. La bouillabaisse et la bourride sont des recettes achevées : à Marseille, la cuisson des poissons dure exactement dix-huit minutes. Très diverses à l'origine, ces soupes de pêcheurs admettent des variantes – à Martigues, on introduit des calmars, et à Toulon, on ajoute la pomme de terre –, mais ne tolèrent aucune fantaisie. Au contraire, les supions (seiches), les pouprious (poulpes) et les calmars appellent de nombreuses préparations locales. À partir des ressources de la mer, des artisans élaborent aussi des produits qui mériteraient d'enrichir un musée de la gastronomie au lieu de susciter des tentatives de réglementation européenne tatillonne. Martigues prépare encore la poutargue, composée d'œufs de mulets salés et séchés, ou les mélets, petits anchois salés, poivrés, mêlés de fenouil et transformés en pâte. Entre Antibes et Menton, les alevins de sardines et de nonnats sont transformés en poutine, qui donne du goût aux soupes et aux omelettes. À Nice et à Antibes, la purée de sardines, le pissalat, relève le goût des légumes et des salades et donne son nom à la pissaladière. Dans les collines et les montagnes de l'arrière-pays, on reste fidèle au mouton et à l'agneau, élevés sur les espaces laissés libres par la polyculture, qui fournissent aussi les champignons, sanguins ou cèpes, les truffes, le miel et les plantes aromatiques de la garrigue. Au cœur des terroirs, la culture de l'olivier et de la vigne est stimulée par la politique de qualité qui se marque par l'intérêt porté à l'appellation contrôlée, attribuée, entre autres, à l'olive noire et à l'huile de Nyons.

    • La rentrée à la télévision

      La « quête de sens » annoncée l'an dernier sur TF1, formule qui avait fait sourire, se serait-elle enfin manifestée ? Lagaf', Morandini, Pradel, Bouvard et Dorothée, anciens piliers de la chaîne, ont disparu de la grille, qui s'est ouverte pour Michel Field. Le transfert le plus inattendu de la saison. L'ancien prof de philo dont l'image de trublion intellectuel collait assez bien à Canal Plus s'est vu offrir carte blanche et tapis rouge pour succéder avec « Public » au « 7/7 » de Anne Sainclair, devenue directrice générale adjointe de l'antenne. Des débuts mitigés pour Michel Field avec des audiences moyennes de 22 %, loin des 26 % enregistrés par l'épouse du ministre des Finances (après une émission orageuse avec François Léotard, l'audience de l'émission remontera spectaculairement).

    • Procès Papon : la France vichyssoise devant ses juges

      Selon l'arrêt de la chambre d'accusation par lequel Maurice Papon est renvoyé devant la cour d'assises de Bordeaux, ce dernier est accusé de s'être « rendu complice des meurtres avec préméditation commis par des (...) agents du gouvernement allemand à l'encontre de personnes d'origine juive en fournissant sciemment aux auteurs de ces crimes l'aide et l'assistance nécessaires à la préparation ou à la consommation de leur action (...) ». Quelle aide Maurice Papon a-t-il apportée aux autorités allemandes ? Qu'a-t-il signé ? Sur ordre de qui ? Sa fonction lui permettait-elle d'agir directement sur les événements dramatiques de l'été 1942 ? C'est ce que les jurés de la cour d'assises auront à déterminer.

  • Le bilan mondial
    • Le nouveau monde de 1997

      Première légende écornée : celle de l'Amérique impériale. Pour Bill Clinton, décembre a trahi janvier. Au début de l'année, ce dernier avait entamé un second mandat qui, après sa réélection triomphale en novembre 1996, semblait annoncer une nouvelle série de succès diplomatiques. Mais la superpuissance unique que devint l'Amérique après la disparition de l'URSS découvre ses limites.

    • Actualité mondiale

      À l'issue du premier semestre 1997, la plupart des grandes places boursières mondiales ont atteint de nouveaux sommets historiques. Le 20 juin 1997, par exemple, l'indice Dow Jones des trente valeurs vedettes s'est hissé à 7 796,51 points, soit un gain de 0,19 % par rapport à la clôture du 13 juin. Il s'agit du sixième record consécutif. Depuis le début de l'année, la Bourse américaine est montée de 19,59 % après une progression de 26,01 % en 1996. Quelque peu déconcertés au départ par la persistance de cette euphorie, les analystes boursiers américains n'en ont pas moins reconnu qu'il ne s'était pas produit depuis longtemps une convergence absolue et univoque de facteurs aussi favorables : dollar fort, taux d'intérêt bas, absence de tensions inflationnistes, baisse du taux de chômage (au niveau le plus bas depuis octobre 1975), performances remarquables des entreprises (entre la réduction des coûts et les gains de productivité) et surtout abondance des liquidités (donc d'argent frais).

  • Le bilan français
    • La fin de la Ve République ?

      Écrasé en 1993, le Parti socialiste, après avoir reconquis, à l'occasion de l'élection présidentielle de 1995, le titre de fédérateur incontesté de l'opposition, devenait l'axe d'une majorité nouvelle, dite « plurielle », ralliant à son panache rosé les bataillons épars du Parti communiste, des Verts, du Mouvement des citoyens de Jean-Pierre Chevènement, sans oublier les Radicaux de gauche. Lionel Jospin, le seul homme qui soit jamais sorti vainqueur au sprint d'un jeu de patience, entrait à Matignon en triomphateur modeste et s'installait aux commandes de l'État avec l'humilité implacable d'un maire du palais. Répudiant le style pontifical et baroque de François Mitterrand, le nouveau Premier ministre n'allait pas tarder à séduire les Français par un mélange extrêmement subtil et sans doute passablement fragile de simplicité citoyenne – la méthode Jospin –, de modération conservatrice – les droits acquis –, de psychodrame manipulateur – les trente-cinq heures –, de professionnalisme partisan – le congrès de Brest – et de sens des responsabilités – l'acceptation de l'euro. Une gauche à la pluralité rassurante retrouvait le chemin des ministères et, par une habileté suprême, feignait de n'y accéder que par l'entrée de service, faisant ainsi coup double en ménageant la majesté élyséenne tout en flattant la modestie ontologique de son électorat. Il y a deux façons pour la gauche d'arriver aux affaires : par imitation ou par récusation de la droite. François Mitterrand, enfant perdu du peuple conservateur, avait choisi la première Lionel Jospin (ci-contre avec Jacques Chirac), humble réformateur d'une gauche pervertie, imposait la seconde. C'était le Noël des pauvres... dans un pays où il y a beaucoup de pauvres.

    • Actualité française

      Adopté par le Parlement, le 25 mars 1997, le Plan d'épargne retraite (PER) offre la possibilité aux salariés de constituer un capital qui, le jour de leur retraite, sera transformé en rente viagère. C'est un système de capitalisation et de revenu différé constitué par les apports financiers des salariés et les abondements de leur entreprise.

  • Dossiers de l'année
    • La rétrocession de Hongkong à la Chine

      Depuis plus de deux ans, une horloge digitale avait été installée sur la façade du musée de la Révolution, place Tian'anmen, à Pékin. Elle égrène les minutes et les secondes séparant les habitants de la capitale chinoise de la restitution de Hongkong à la mère patrie de Hongkong ; Hongkong dernière possession britannique en Asie. Lorsque, quelques instants avant minuit, le lundi 30 juin 1997, l'Union Jack et le drapeau colonial ont été amenés et remplacés par le drapeau rouge de la République populaire de Chine, les dizaines de milliers de spectateurs massés sur la place ont laissé éclater leur joie. Dans le même temps, Chris Patten, dernier gouverneur britannique du territoire, adressait un câble à Londres : « Je renonce à l'administration de ce gouvernement. God save the Queen. »

    • Le grand virage économique d'Internet

      Les grands de la téléphonie, de l'audiovisuel et de l'informatique sont engagés dans une complexe et effervescente bataille technologique. Le but est de diversifier l'accès au réseau pour s'affranchir du micro-ordinateur multimédia jusqu'à présent nécessaire aux connexions. Des ordinateurs très « simplifiés » et bon marché, les NC (Network Computers), remplaceront les actuels PC, et Internet sera très vraisemblablement également accessible depuis les décodeurs des téléviseurs, les téléphones et de nombreux terminaux et appareils domestiques. Ces ouvertures technologiques vont conforter l'irrésistible extension du Web. Certains comparent l'impact de cette révolution médiatique, au tournant de notre siècle, à celle de l'avènement de l'imprimerie à la fin du Moyen Âge. D'autres y voient la seconde révolution industrielle après celle du machinisme.

    • La montée du bouddhisme

      Sans être absolument nouvelle, cette attirance pour le bouddhisme est relativement récente. Au xviie siècle, les Lumières reprochèrent au bouddhisme de favoriser la passivité. Hegel et certains penseurs français le traitèrent avec mépris, y voyant un « culte du néant ». Les romantiques eurent une vision beaucoup plus positive. Schopenhauer mit en valeur l'idéal bouddhique de fin de la souffrance par la cessation de l'égocentrisme.

    • Les Aubrac : fausse affaire mais vrai débat

      L'année 1997 a, de la sorte, pris figure de véritable année Aubrac, et donné une singulière confirmation aux mots qui ouvrent les Mémoires de Raymond Aubrac, publiés en 1996 : « Quelle chose étrange que la mémoire ! » Mais il n'a pu en être ainsi que parce que les deux événements, le film et surtout le livre, sont venus alimenter et porter à son paroxysme une polémique déclenchée quatorze ans auparavant, en 1983, à la faveur de l'arrestation de Klaus Barbie. Relancée lors du procès de ce dernier en 1987, cette polémique, autour d'insinuations graves sur l'action réelle du couple en 1943, avait d'ores et déjà rebondi en 1991, quand filtrèrent des bribes du « testament de Barbie », déposé l'année précédente par Jacques Vergés, l'avocat du tortionnaire, chez le juge Hamy : il s'agit d'un texte de 63 pages, que l'on dit rédigé par maître Vergés lui-même dans le cadre d'une nouvelle instruction réclamée par des familles de résistants contre le responsable du Sipo SD de Lyon qui purgeait alors la peine de réclusion criminelle à perpétuité à laquelle il avait été condamné pour crimes contre l'humanité.

    • L'Inde, cinquante ans après

      Satisfaction : en un demi-siècle, celle qu'il est convenu d'appeler la « plus grande démocratie du monde » a atteint plusieurs des objectifs qu'elle s'était fixés au lendemain du démantèlement du British Raj, l'empire des Indes britanniques : autosuffisance alimentaire, relative maîtrise de sa croissance démographique, et élévation de l'Inde au statut d'incontournable puissance régionale, tant sur le plan économique que militaire.

    • Elvis Presley : un culte américain

      Car le culte d'Elvis, c'est d'abord et avant tout la célébration du rêve américain, dans une version « petit Blanc » au-delà de toutes les caricatures. Liturgie du rock, si l'on veut, mais avec un mot d'ordre : provinciaux du Sud profond et de tous les pays, soyez unis en Elvis, le pauvre gosse souffreteux venu au monde sous le toit de tôle d'une cabane en planches, et qui mourut – enfin, cela se discute – allongé sur le marbre de son palais plaqué or !

    • La mondialisation

      Apparu au début des années 90, le mot « mondialisation » est désormais entré dans le langage courant. Un peu comme le grand méchant loup, la mondialisation fait peur sans qu'on sache trop la décrire. Le phénomène est aussi abstrait que ses manifestations sont tangibles : les délocalisations d'entreprises se banalisent, les chefs d'entreprises sont de plus en plus exigeants, les produits de consommation sont de plus en plus homogènes, la télévision est envahie d'images exotiques, l'usage du courrier électronique devient courant, les grands groupes internationaux fusionnent sans fin, leur ancrage national s'estompe, la flexibilité du travail s'amplifie sans relâche, la puissance des marchés financiers ne cesse de s'accroître... C'est un peu tout cela, la mondialisation.

    • La réduction du temps de travail

      Le vendredi 10 octobre 1997 au matin, encadré par ses ministres Martine Aubry (Emploi) et Dominique Strauss-Kahn (Économie), Lionel Jospin reçoit la plupart des partenaires sociaux à Matignon, soit dix organisations patronales et syndicales. Cette « conférence de l'emploi, des salaires et du temps de travail » se déroule dans une bonne ambiance. Mais, lorsque le Premier ministre clôture la réunion en annonçant qu'il présentera une loi-cadre qui fixera, pour les grandes et moyennes entreprises, les 35 heures légales au 1er janvier 2000, le président du CNPF s'étrangle : « Si c'est la guerre, c'est la guerre ! ». Sur le perron de Matignon, il déclare : « Nous avons été bernés ! ». Trois jours plus tard, il démissionne de son poste, pour, dit-il, laisser la place à un « tueur ».

    • Elle est née, la brebis clonée !

      Avec la naissance de Dolly a été franchie une étape essentielle dans l'histoire de la biologie. Pour la première fois, un mammifère (en l'occurrence une brebis) a été cloné de main d'humain à partir d'une cellule adulte prélevée sur sa « mère » biologique – soit, génétiquement parlant, sa copie conforme. Pour la première fois, la performance technique imaginée par Aldous Huxley en 1932 dans le Meilleur des mondes (1932) est devenue réalité. Des animaux sélectionnés sur des critères vétérinaires peuvent désormais être reproduits à volonté, et rien ne s'oppose plus, techniquement, à ce que le clonage soit demain pratiqué sur l'homme.

    • Le sport au défi des nouveaux dopages

      C'est, pour l'essentiel, la mise sur le marché il y a une dizaine d'années de deux hormones humaines produites par les techniques du génie génétique, l'érythropoïétine (EPO) et l'hormone de croissance, qui a révolutionné la pratique du dopage. Excessivement variées, souvent toxiques lorsqu'elles étaient efficaces, les substances dopantes utilisées jusqu'alors (et qui continuent encore souvent à l'être) empruntaient à différentes familles pharmacologiques mais pouvaient assez facilement être détectés, notamment par dosage dans les urines. Ainsi, le dernier cas spectaculaire de dopage mis en évidence ces dernières années, celui du sprinter canadien Ben Johnson – privé de son titre olympique en 1988 avant d'être suspendu une nouvelle fois en 1993 –, avait pour origine la prise de testostérone, hormone sexuelle mâle connue pour ses propriétés anabolisantes ; à l'époque déjà, les spécialistes de l'endocrinologie et de la médecine du sport n'avaient pas caché leur surprise de voir un athlète de ce niveau recourir à des procédés aussi... démodés.

    • Sida : réalité et limites d'un tournant

      Un rappel de l'état des lieux s'impose : on estimait fin 1996 que près de 23 millions de personnes étaient infectées par le VIH ; 14 millions en Afrique, 5,2 millions en Asie, 750 000 en Amérique du Nord et 500 000 en Europe. Le sida, stade ultime de l'infection, ne cesse de progresser dans les pays en voie de développement : les progrès thérapeutiques comme l'impact de la prévention y demeurent ténus. De fait, dans certains pays, l'espérance de vie a commencé à décroître sensiblement (d'au moins 5 ans, par exemple, en Thaïlande). La maladie concerne de façon plus importante des sujets très jeunes. Sur la seule année 1996, 400 000 nouveaux cas d'infection par le VIH ont été enregistrés chez des enfants de moins de quinze ans. À la fin de l'année 1997, plus d'un million d'enfants de ce groupe d'âge étaient touchés par cette maladie, dont plus de 90 % dans les pays en voie de développement. Depuis le début de l'épidémie, presque trois millions d'enfants de moins de quinze ans, infectés par le VIH, sont décédés. Si l'on extrapole les valeurs de 1997 aux années à venir, la mortalité des moins de cinq ans sera doublée d'ici l'an 2010 dans les pays les plus touchés alors que la mortalité infantile, tous âges confondus, sera accrue de 75 %.

    • L'eau menacée

      Le renouvellement naturel des eaux superficielles continentales s'explique par le climat, lui-même résultat d'un équilibre entre l'hydrosphère, l'atmosphère, la biosphère et l'énergie solaire. Cette dernière est le moteur du cycle de l'eau : elle entretient les mouvements ininterrompus de l'eau entre continents, océans et atmosphère. Le cycle se déroule ainsi : sous l'effet de l'évaporation des eaux océaniques et continentales et de la transpiration des êtres vivants, l'eau s'accumule dans l'atmosphère. Au cours de son ascension, la vapeur d'eau, en se refroidissant, se condense partiellement sous forme de nuages ; l'atmosphère se charge alors en eau à l'état de liquide, de vapeur ou de cristaux de glace. Les gouttes de pluie, les grêlons ou la neige retombent sous l'effet de la gravité, sur les océans et les continents. Une partie des eaux précipitées est soumise à l'évaporation et à l'évapotranspiration, tandis que l'autre ruisselle à la surface ou s'infiltre dans le sol et le sous-sol. Les eaux de ruissellement se concentrent dans les cours d'eau avant de rejoindre mers et océans, lacs et mers continentaux. Et le cycle reprend. L'inégale répartition des eaux superficielles s'explique par la dynamique du cycle de l'eau, elle-même déterminée par l'énergie solaire, les échanges énergétiques Terre-Soleil et Terre-atmosphère, le champ de pression atmosphérique, et par des facteurs astronomiques et géographiques. Les précipitations sont inférieures à l'évaporation dans les régions subtropicales et polaires, et supérieures dans les régions des basses et moyennes latitudes. Il n'est donc pas étonnant que la carte des ressources en eaux superficielles soit superposable à celle des précipitations.

    • Combattre la douleur

      Notre culture a cessé d'exalter la douleur et son acceptation comme une valeur spirituelle. Mais peut-on enfermer la souffrance dans les limites d'une stricte définition ? Elle renvoie à un vécu avant tout subjectif. Comment traduire ce qui est vécu dans les situations cliniques par ceux qui s'expriment avec difficulté : enfants, sujets âgés, handicapés mentaux ? Comment prendre en compte toute la palette du senti et du ressenti douloureux ? Fréquente, complexe dans ses origines, la douleur liée à un cancer ou au sida préfigure, par exemple, au-delà de sa dimension physique, pour le patient comme pour sa famille, les moments difficiles d'une fin de vie. La combattre avec efficacité est une préoccupation médicale de plus en plus importante. C'est même devenu une véritable exigence éthique.

    • Face à la criminalité sexuelle

      La médiatisation quasi systématique dont font désormais l'objet les crimes sexuels donne le sentiment d'une augmentation du nombre de ceux-ci dans notre pays. En fait, il y a surtout évolution des mentalités : de plus en plus, les victimes et leurs proches déposent plainte, dans un contexte de meilleure compréhension et de meilleur accompagnement des démarches entreprises pour obtenir réparation. Globalement, les chiffres fournis par l'administration pénitentiaire permettent de constater une augmentation de 25 % des affaires jugées pour atteinte aux mœurs entre 1984 et 1994 (contre + 8 % pour l'ensemble de la criminalité sur la même période). La durée moyenne des peines prononcées par les cours d'assises pour viols sur mineurs est passée de 8,5 à 11 ans. Les établissements pénitentiaires qui accueillaient 3 717 condamnés pour crimes et délits sexuels le 1er décembre 1993 en comptaient 4 545 le 1er janvier 1996. Parmi ceux-ci, on constate une prépondérance de viols et autres agressions sur mineurs (2 858 condamnés) ; il s'agit à plus de 80 % d'incestes.

    • Pas de solution miracle à l'obésité

      L'ère des « bons gros » est révolue. L'obésité est désormais reconnue pour ce qu'elle est, une véritable maladie en train de déferler sur une bonne partie de la planète. Au point que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a décidé en 1996 d'établir une banque de données sur la prévalence mondiale de cette affection, et que de nombreuses équipes de recherche publiques ou privées se lancent dans la course aux traitements. Depuis trois ans, la génétique et la biologie moléculaires ont permis de mieux comprendre la régulation du poids corporel. Les généticiens espèrent ainsi expliquer ce que beaucoup d'obèses ressentent comme une injustice : pourquoi grossissent-ils à ce point alors que d'autres restent minces dans un environnement comparable ?

    • Fernand Léger au musée national d'Art moderne

      L'exposition s'ouvre par un rassemblement, dans la première salle, d'œuvres « cézaniennes ». De Cézanne, Fernand Léger a retenu une volonté de reconstruire la forme défaite par les impressionnistes : « Sans Cézanne, je me demande parfois ce que serait la peinture actuelle. Cézanne m'a appris l'amour des formes et des volumes, il m'a fait me concentrer sur le dessin. » Léger reconnaît cependant les limites plastiques d'une gamme trop sombre, refuse les camaïeux cubistes et revendique très tôt, aux côtés de Robert Delaunay, un usage instinctif de la couleur qui annonce l'importante série des Contrastes de formes de 1913. Il n'abandonne pas pour autant l'architecture du « dessin ». La salle des esquisses préparatoires aux Contrastes est ainsi très révélatrice de la méthode adoptée par l'artiste. Elle révèle un visage de Léger souvent ignoré, celui d'un dessinateur hors pair, que l'on retrouve tout au long de l'exposition dans quelques salles d'art graphiques remarquables. « Traiter la nature par le cône, la sphère... » disait Cézanne. Léger prend cette prescription à la lettre. Il passe toutes les formes organiques et vivantes sous le filtre géométrique d'arêtes délimitant les surfaces où viendront ensuite se lover des couleurs vives et pures, primaires et tricolores (bleu, blanc et rouge). Léger emprunte cette gamme peu ordinaire au vocabulaire attractif des affiches de la ville nouvelle. Peintre de la vie moderne, il transcrit sur la toile l'état de la sensibilité contemporaine.

    • Georges de La Tour au Grand Palais

      L'exposition, qui se veut didactique, est divisée en trois sections. Les œuvres sont présentées sur des cimaises de couleurs plutôt sombres, mais la scénographie, d'une grande sobriété, ne joue pas sur des effets de pénombre qui seraient redondants. La première section comprend des œuvres originales des débuts du peintre (jusqu'à 1647), montrées dans un ordre chronologique, malgré un regroupement par thèmes qui enfreint parfois la hiérarchie des dates. On y retrouve les premières œuvres, plus austères dans leur sujet et la facture, puis la Rixe, les Mangeurs de pois, les séries des Vielleurs et des Tricheurs, la Diseuse de bonne aventure. La Tour peint des scènes diurnes, n'adopte pas encore les clairs-obscurs qui le rendront fameux, à l'exception de l'Argent versé, où La Tour distribue déjà ses personnages autour d'une chandelle irradiante, révélant une possible influence des Hollandais. L'œuvre est marquée par la présence des gueux et des roublards, peuplée d'une humanité plutôt sombre.

    • César au Jeu de paume

      Consacré à la Biennale de Venise en 1995, César avait opté pour la monumentalité en proposant une énorme compression de ferraille de plus de 500 tonnes, occupant tout l'espace du pavillon français. Surenchère ou aboutissement, cette œuvre qui, par sa démesure, devenait performance, avait marqué une étape dans la réception critique récente de l'œuvre. Par ce remplissage d'espace, l'œuvre rappelait « l'Exposition du plein », que son ami Arman avait réalisée en octobre 1960 dans la galerie Iris Clair, en réponse à « l'Exposition du vide » organisée, quelques mois plus tôt, dans le même lieu par Yves Klein. Réunissant des débris de carcasses d'automobiles, l'œuvre de Venise jouait sur l'obsolescence de la marchandise, l'accélération des procédures de recyclage, la transformation des matériaux et, plus généralement, sur le principe de destruction. Sans doute avec un excès de lyrisme, l'écrivain Philippe Sollers, dans son commentaire intitulé « Guerre de César », assimilait ces compressions aux figures allégoriques de la dévastation guerrière, aux vestiges des bombardements, notamment ceux de Bosnie. L'œuvre se chargeait d'une gravité que l'on avait probablement oubliée, tant l'auteur, qui ne dément pas ses origines marseillaises, est connu pour son goût rabelaisien de la vie. Deux ans plus tard, alors qu'il avait reçu entre-temps le prestigieux Praemium Imperiale (l'équivalent japonais d'un prix Nobel des arts), César a donc de nouveau été mis à l'honneur, par une exposition de premier plan.

    • La querelle de l'art contemporain

      Même si elle a rebondi en 1997, la polémique sur l'art contemporain est un feuilleton déjà ancien, ce dont témoignent à eux seuls les propos iconoclastes d'un Claude Lévi-Strauss dans ses conversations avec Georges Charbonnier (1961) ou le pamphlet d'Yves Michaud sur les fonctionnaires de l'art (1991). Si récurrente soit-elle, cette polémique hexagonale a pourtant atteint son paroxysme après la publication en novembre 1996 d'articles de Jean Clair, conservateur du musée Picasso, des essayistes Jean Baudrillard et Jean-Philippe Domecq, de Marc Fumaroli, professeur au Collège de France, et du peintre Ben dans la revue de la nouvelle droite Krisis, une publication dirigée par Alain de Benoist qui avait fait en 1993 l'objet d'une campagne d'un comité de vigilants. Intitulé Art-non-art », le dossier de Krisis de novembre 1996 est à l'origine d'un article publié par le critique d'art Philippe Dagen dans les colonnes du Monde sous le titre « L'art contemporain sous le regard de ses maîtres censeurs » (15 février 1997). Si ce texte a mis le feu aux poudres, la polémique couvant depuis des années s'est déplacée une fois de plus : les « maîtres censeurs » avaient nécessairement tort puisqu'ils défendaient leur point de vue dans une revue idéologiquement contestable et dont, si l'on en juge par un récent dossier d'Art Press, les goûts esthétiques pour certains artistes des années 30 étaient douteux. Dans ce contexte, le débat s'est figé, avant de se réduire à des attaques personnelles.

    • Les cinquante ans du Festival de Cannes

      Pour le spectateur de 1998, le Festival de Cannes paraît être une vaste foire où les défilés de vedettes succèdent aux grandes fêtes arrosées de champagne. Cette image, aujourd'hui fallacieuse, est essentiellement façonnée par les émissions télévisées, qui ne retiennent que cet aspect de la manifestation. Exactement comme si les journalistes de l'audiovisuel commentaient l'actualité politique avec la langue de bois qui prévalait à l'époque de la guerre froide.

    • L'année littéraire 1997

      Pouvoir des mots ? De ce bruit ambiant Nathalie Sarraute, doyenne des lettres françaises avec ses quatre-vingt-dix-sept ans, fait danse dans son Ouvrez : entre la parade des mots changés en personnages. Couronnement d'une œuvre appréhendant le monde comme un tohu-bohu de phrases qui à la fois enivrent et emprisonnent. Claude Simon (notre dernier prix Nobel de littérature) aligne des colonnes sur les pages de son Jardin des Plantes, rangées de mots-fleurs dont les diaprures, par le jeu des visions imprévues, font s'interpénétrer les angoisses rencontrées au cours d'une vie et les respirations plus enivrées. J.M.G. Le Clezio rechercherait plutôt « les mots de pouvoir » (la Fête chantée), empruntant les chemins du mythe dans une quête à demi onirique, à demi mystique des quelques paroles amérindiennes préservées, avant de se purifier dans les mirages du désert nu, au cours de son pèlerinage au Sahara (Gens de nuage).

    • Des chefs-d'œuvre d'art khmer au Grand Palais

      Il aura fallu de longues tractations avec le Cambodge, toujours secoué par des conflits, pour réaliser cette exposition qui relève d'un véritable défi : rassembler les plus belles œuvres du musée de Phnom Penh – soixante-six au total – avec celles du musée Guimet, à Paris. La fascination exercée depuis le siècle dernier par les énigmatiques temples d'Angkor, enfouis sous une végétation luxuriante, ainsi que par l'histoire de cette civilisation de l'Asie du Sud-Est a donné tout son attrait à l'exposition.

    • L'année Schubert

      Certes, il ne fallait pas s'attendre à ce que ce bicentenaire atteigne l'éclat de celui de la mort de Mozart. Même si on peut le juger d'égale importance. Mais, malgré son impressionnante fécondité, Schubert s'est surtout illustré dans des formes discrètes et intimistes. C'est dans la mélodie, la mise en musique d'un poème que son génie monte au plus haut. Il n'a laissé aucun opéra célébrissime, dont la reprise fastueuse aurait pu mobiliser la critique internationale et déplacer les foules.

    • L'explosion de la technoculture

      Du coup, les organisateurs d'Amplitudes 97 (Festival des tendances musicales actuelles, à Annecy) s'interrogent : « Simple Boum Boum réverbéré ou musique du IIIe millénaire explorant de nouveaux territoires sensoriels ? » Et répondent : « La techno, qui changea dix fois de nom à mesure qu'elle implosait, new beat ou house dans les années 80, garage, ambient, hardcore plus tard, suscite les plus chaudes passions de cette fin de siècle. Provoquant les mêmes commentaires indignés que le jazz ou le rock en leur temps, le mouvement cyber s'associe facilement à une jeunesse marginale, exubérante ou irresponsable et ne grignote que, petit à petit, crédibilité et légitimité. Puissions-nous montrer que cette jungle électronique cache un réel esprit festif fondé sur un profond respect d'autrui. ». De son côté, le toujours alerte Jack Lang précise : « Il faut libérer la techno, c'est une vraie culture musicale populaire... une source de convivialité, d'échange, de tolérance. » Dans la foulée, Catherine Trautmann, le ministre de la Culture, surenchérit : « Le mouvement techno est extrêmement prolixe et créatif en France : sachons accompagner cet élan. »

    • La mode Cuba

      Aujourd'hui, Italiens, Canadiens, Espagnols, Allemands, Français et Sud-Américains abordent sans crainte l'île dont Christophe Colomb, la découvrant en 1492, s'est écrié « C'est la plus belle ». Le développement du tourisme représente une priorité nationale et une grande part d'investissements étrangers. Parallèlement à l'infrastructure cubaine – 60 000 Cubains travaillent pour le tourisme –, l'Espagne et la France occupent une bonne part de l'industrie hôtelière. Avec, comme symbole d'ouverture, la présence du Club Med qui a inauguré son premier village cubain à Varadero en 1996.

    • Swinging London

      Le styliste John Galliano, l'artiste Damien Hirst ou le groupe musical Oasis ont pris les places laissées vacantes par les enfants terribles des années 60, Mary Quant, David Bailey et les Beatles. La renaissance de la consommation a tout bouleversé, de l'art au cinéma, de la mode à la gastronomie et de la musique à la littérature. S'il existe un élément qui caractérise le courant créateur qui a déferlé sur la capitale au cours des dernières années, c'est bien le désir de profiter de tout ce qui est britannique. C'est une rupture radicale avec l'attitude qui prévalait à la fin des années 80 et au début des années 90, époque où l'on témoignait d'une passion envers tout ce qui n'était pas britannique : chic français, pouvoir économique allemand, films américains et design japonais. Qui aurait pu se douter qu'un « brit » pourrait se trouver un jour à la tête des créations Christian Dior, que des groupes exclusivement britanniques, comme Oasis et les Spice Girls, domineraient le monde de la musique ou encore que Londres rivaliserait avec New York sur le plan gastronomique ? Toujours est-il qu'au cours des cinq dernières années Londres est passée d'une profonde récession à un renouveau culturel. Pourquoi ?

    • Les parcs naturels régionaux

      La France compte 32 parcs naturels régionaux (PNR). Ils s'étendent sur 10 % du territoire national, englobent 2 600 communes en milieu rural, sont présents dans 55 départements et 20 Régions et regroupent 2,3 millions d'habitants. Créés en 1967, ils ont pour objet de protéger le patrimoine naturel de zones fragiles et de contribuer à un développement local durable. Les 12 et 13 juin, dans le Lubéron (Vaucluse), ces 32 PNR ont fait la fête en compagnie des quelque 2 600 maires concernés, venus de toute la France célébrer leur trentième anniversaire.

  • Sports
    • Sports 97 : une année charnière

      Ni olympique, ni vouée à la fièvre du football qui s'emparera de la France en juin et juillet 1998, l'année écoulée n'en a pas été morose pour autant. Point d'orgue de la saison 1997, les Championnats du monde d'athlétisme sont devenus un événement planétaire. Organisés à Athènes, ville désignée pour accueillir les Jeux de 2004, ils n'ont pas eu a pâlir d'une quelconque concurrence olympique. Malgré la pénurie de records du monde, ces dix jours d'athlétisme resteront le moment fort de l'année. D'abord, parce qu'ils ont révélé une nouvelle génération de champions représentée par les vainqueurs américains des 100 m, Maurice Greene et Marion Jones. Ensuite, parce qu'ils ont été le théâtre d'énormes surprises : sur les 44 titres décernés à Athènes, seulement dix ont récompensé des champions olympiques en titre. Enfin, parce qu'ils ont généré des exploits hors du commun. Comment en effet qualifier autrement le sixième titre consécutif de Sergueï Bubka, trente-trois ans, seul champion du monde à la perche de l'histoire ?

    • Disciplines

      Pour résister aux variations du baromètre de notoriété, la Fédération internationale d'athlétisme amateur (ce dernier terme n'a toujours pas disparu du sigle historique IAAF) a voulu que l'épreuve rassemble à tout prix toutes les stars du tartan. À tout prix : l'IAAF a créé une prime au mérite (360 000 F pour une médaille d'or, 600 000 F pour un record du monde). Toutes les stars, ou presque. Primo Nebiolo, le président de la Fédération internationale, a certes tenu à inviter tous les champions en titre, même ceux qui n'ont pas répondu aux critères de sélection. Mais certains le soupçonnent d'avoir imaginé cette nouvelle loi sportive pour permettre la qualification du seul Michael Johnson, – héros des Jeux d'Atlanta et accessoirement roi de l'Audimat –, blessé et donc absent des sélections américaines. Quoi qu'il en soit, le Texan a défendu victorieusement son titre du 400 m plat. Mais, ni lui, ni personne, n'a battu de record du monde durant les dix jours de compétition. Malgré l'appât du gain.

  • Statistiques
  • Nécrologie

    BAO DAÏ (Vinh Thuy, dit), homme politique vietnamien Hué, 22 octobre 1913 Paris, 31 juillet 1997 En 1932 à Hué, sous le nom de Bao Daï, il succède à son père sur le trône impérial du protectorat français d'Annam. Il tente alors d'imposer une monarchie constitutionnelle moderne, mais doit y renoncer face à l'intransigeance du colonisateur. Il tente de profiter de l'occupation japonaise en mars 1945 pour dénoncer le protectorat français, mais doit bientôt s'exiler à Hongkong. Après l'installation du régime d'Ho Chi Minh dans le nord du pays, il devient, en 1949, le chef de l'État vietnamien sous contrôle français. Après la défaite de Diên Biên Phu, il s'exile définitivement en France.