Une vive concurrence a régné aussi sur les marchés de l'argent, déréglementés et internationalisés. Stimulés par la volatilité des taux d'intérêt et de change, les opérateurs recourent à des opérations sophistiquées dont les marges se réduisent et dont l'exécution (back office) et la surveillance sont particulièrement difficiles. Par ailleurs, les banques ont pris de fortes participations dans des sociétés de Bourse pour exercer sur un marché désormais continu le métier de « market-maker » consistant à se porter en permanence contrepartie à l'achat et à la vente, ce qui suppose des moyens financiers importants.

Si la désintermédiation transfère le risque, en revanche, qui dit « nouveaux métiers » dit « nouveaux risques ». Aussi, et bien que les banques ont bien résisté au krach boursier d'octobre 1987, les autorités occidentales ont adopté, de concert, en juillet 1988, un ratio minimal de fonds propres (dit Cooke) fondé sur les risques. Son respect ne sera pas facile en raison de la faiblesse des fonds propres et de la rentabilité des banques françaises. Cela tient à la structure de leurs recettes dans lesquelles les commissions de service occupent peu de place. En effet, alors qu'il bénéficie de l'avantage, unique, de l'interbancarité des cartes de paiement, le public discute la rémunération de la gestion des moyens de paiement qui ne rapporte que 5 % des recettes contre 45 % des coûts. Aussi les banques, astreintes à de lourds investissements informatiques, sont-elles contraintes de réduire vigoureusement leurs frais généraux et, partant, leurs effectifs.

François de Juvigny

Agriculture

Au cours de l'année 1988, il s'est produit un renversement de la situation des marchés agricoles, dû en grande partie à la sécheresse qui a surtout affecté la production céréalière américaine.

Alors que la surproduction semblait se généraliser, une insuffisance de l'offre dans certains secteurs s'est manifestée. À cet égard, les prix ont connu une évolution symptomatique ; ainsi, les cours du blé ont grimpé de 80 à 160 dollars la tonne, ceux de l'orge de 50 à 120 et ceux du soja de 200 à 300. De son côté, la CEE a écoulé ses stocks de beurre, soit un million de tonnes, en 12 mois. Le prix est alors passé de 1 000 à 1 600 dollars la tonne. En huit mois, la quasi-totalité des stocks agricoles mondiaux a été résorbée.

Malgré ce retournement favorable, la politique agricole commune continue d'être gênée par la croissance des excédents, liée au fait que la CEE parvient à l'autosuffisance sur les céréales, le sucre et la viande bovine. En effet, sa production croît à un rythme annuel de 2 % en volume, incompatible avec la croissance de la demande de produits agroalimentaires, qui ne dépasse pas 1 % par an. La politique agricole n'équilibre donc plus l'offre et la demande, ce qui entraîne une charge budgétaire de plus en plus lourde.

Face à cette situation génératrice d'un « excédent de terres », qui devrait atteindre 5 ou 6 millions d'hectares à la fin du siècle (la surface de la Belgique), la Communauté s'est engagée dans un processus original consistant à réduire les surfaces cultivables. Un programme a été mis en œuvre qui prévoit de soustraire 1 million d'hectares à la culture dans les États membres. À cet effet, des primes sont allouées aux agriculteurs volontaires.

La politique commune est également contestée par les États-Unis, qui réclament la disparition totale des aides. Face à cette situation, l'Europe est disposée à réduire progressivement les soutiens apportés, sans pour autant sacrifier son agriculture.

Gilbert Rullière

Distribution

En 1988, les mutations en cours dans la grande distribution, notamment les créations d'hypermarchés, marquent le pas.

Non seulement le nombre d'ouvertures d'hypermarchés tend à diminuer, mais des fermetures sont observées ; dans ce cas, il s'agit bien souvent de supermarchés qui ont été agrandis pour atteindre la taille des hypermarchés. Cette évolution s'explique par le fait que les créations, par la densité atteinte, mettaient en difficulté les supermarchés existants. D'un autre côté, les performances des divers groupes de distribution (Carrefour, Euromarché, Auchan, etc.) tendent à stagner. Cette léthargie est attribuée à l'alourdissement des charges et à la concurrence des nouveaux systèmes de distribution. L'accroissement des charges tient surtout au poids des investissements. En France, le coût d'un hypermarché est de plus en plus grevé par la hausse des prix fonciers et par la pression des collectivités locales qui, en contrepartie de leur accord, s'efforcent d'obtenir un maximum d'équipements.