Le débat politique, lui, aura été marqué par la pauvreté des idées et la multiplication des « affaires » de toutes natures, le Carrefour du développement, le scandale des « fausses factures », comme tous ceux liés au financement des partis politiques, les attaques contre Albin Chalandon, Michel Droit, Charles Hernu ou François Mitterrand ont nourri une bonne partie des interventions et des commentaires. La justice n'en est pas sortie grandie (dans le sondage le Point mentionné précédemment, 56 p. 100 des Français déclaraient en avoir une mauvaise opinion), comme, par contrecoup, la plupart des institutions. La très faible participation aux élections prud'homales (plus de 50 p. 100 d'abstentions) est sans doute une illustration de cette perte de confiance dans les institutions nationales.

Le paradoxe de cette année 1987 est que même les nouvelles a priori favorables furent accueillies avec un grand scepticisme, comme si on en redoutait à chaque fois les effets pervers possibles. Comme si, dans un monde étrange et dangereux, les dés étaient en permanence pipés, et la France dupée.

Ainsi, la joie manifestée lors de la libération de deux otages, en novembre, fut loin d'être totale ou unanime. Le prix payé pour cette libération n'était-il pas trop élevé, ne constituait-il pas une incitation à la poursuite par les États terroristes d'une activité éminemment rentable en termes financiers et diplomatiques ? Ne faisait-il pas peu de cas des principes sans lesquels une démocratie perd son âme et sa dignité ?

C'est la même attitude de doute qui prévalut lors de la signature de l'accord Reagan-Gorbatchev sur le désarmement. Même s'ils furent sensibles à l'offensive de charme du numéro un soviétique, très à l'avantage dans ses rapports avec un Reagan vieillissant, beaucoup se demandèrent ce que cachaient les bonnes intentions d'un pays qui n'a pas changé sa vision du monde. Que deviendra l'Europe, étrangement absente de discussions qui engagent son avenir, une fois privée du bouclier américain ? La montée du neutralisme en Allemagne n'est-elle pas le premier résultat concret de la stratégie d'isolement poursuivie par l'URSS ?

Le référendum sur l'indépendance de la Nouvelle-Calédonie ne déclencha pas non plus l'enthousiasme collectif. Plus qu'au maintien de la présence française dans cette partie du monde, beaucoup ont pensé aux nouveaux ennuis qui se préparaient avec les indépendantistes. Le temps du colonialisme et de l'expansionnisme est bien révolu. Les mouvements qui agitent la Guadeloupe, Tahiti ou la Corse font apparaître une France frileuse et rétrécie. De plus, l'incapacité de l'Europe à éveiller un quelconque sentiment supranational laisse un vide qui n'est pas prêt d'être comblé.

Au total, 1987 aura été une année triste et grise pour les Français, qui ont cultivé l'angoisse et boudé les rares occasions qu'ils auraient pu avoir de se réjouir. Plus que dans le présent, inconfortable, ou le futur, incertain, c'est dans le passé que beaucoup se réfugient. De l'anniversaire du sacre de Hugues Capet, il y a mille ans, aux concours sur les années 60, en passant par les films retraçant l'Occupation (et le procès Barbie), tous les prétextes sont bons pour se souvenir et commémorer. En attendant le bicentenaire de la Révolution...

Gérard Mermet

Religions

Dans un monde qui se sécularise au rythme de la modernité, les grandes religions semblent perdre rapidement leur audience ; mais, dans le même temps, leurs élites et leurs militants se livrent à un renouvellement intérieur qui n'évite pas toujours les risques du fondamentalisme, de l'intégrisme.

Église catholique

Personnalité hors du commun, défiant tous les classements, le pape Jean-Paul II, dans son enseignement écrit et verbal, continue à juxtaposer les déclarations doctrinales traditionnelles et les gestes les moins convenus. Si, dans son message du 1er janvier, il se montre résolument tiers-mondiste, reprenant l'enseignement de Paul VI dans Populorum progressio (1967) sur le développement des peuples pauvres, l'encyclique Redemptoris Mater, du 25 mars, consacrée à la Vierge Marie, à laquelle le pape a voué l'année 1987, risque de heurter les protestants.