Autre initiative remarquée, celle de Mammouth, qui se lance en octobre dans la vente en vrac. L'opération porte sur 100 produits alimentaires, elle s'adresse aux 57 % de Français qui affirment préférer acheter les quantités exactes de riz ou de café dont ils estiment avoir besoin.

Certaines enseignes abordent la distribution de services : on vend désormais des assurances automobile chez Carrefour, des assurances habitation et des prêts pour le logement chez Habitat.

Enfin, l'informatique fait son entrée en force. D'abord comme aide à la gestion : l'automatisation va bon train et l'on prévoit que 480 magasins seront équipés de systèmes de lecture optique à la fin de l'année. Mais les progrès de l'ordinateur sont aussi proposés à la clientèle. Certains distributeurs installent des terminaux Minitel qui permettent de passer directement les commandes et d'informer sur tout ce qui se passe dans les magasins. Et très nombreux sont ceux qui préparent le lancement de cartes de paiement, assorties de toute une gamme de services. Pendant que les ordinateurs commencent à se vendre en libre-service, Hachette ouvre en janvier son multistore Opéra à Paris. Un magasin qui se veut un « espace de communication, de loisirs et de technologie de pointe », et qui préfigure peut-être la distribution du prochain millénaire.

Béatrice D'Erceville

Éditions

Larousse : le nouveau groupe

La loi Lang sur le prix unique du livre est-elle conforme au traité de Rome ? Après l'intensification de la guerre du discount lancée par les magasins de grande surface (Leclerc, Auchan, FNAC, etc.), on a attendu jusqu'à la fin de décembre la délibération de la Cour de justice européenne à Luxembourg. Ainsi le vacarme sur le terrain de la distribution, puis les passions déclenchées par la querelle juridique ont-ils quelque peu occulté les trois événements survenus ces derniers mois dans l'industrie de l'édition et qui concernent trois grandes maisons : Robert Laffont, Bordas et surtout Larousse.

Chez Robert Laffont, le relatif retrait de l'Institut de développement industriel confirme le redressement de la société d'édition qui, avec un capital renforcé, peut repartir de l'avant.

La société des Éditions Bordas, en revanche, se trouve confrontée à une situation juridique difficile. Pierre Bordas, son ancien président, a obtenu de la cour d'appel de Paris que la maison cesse toute utilisation de son nom patronynique. Mais un pourvoi en cassation a été déposé par Jean Manuel Bourgois, le nouveau président, celui qui, en trois ans, est parvenu à redresser l'entreprise. Explication de cet avatar : « Le patronyme est inaliénable et imprescriptible. » Or, aucune convention n'avait été signée entre les nouveaux actionnaires et le cofondateur pour s'assurer l'usage du nom patronymique de M. Bordas.

C'est Christian Brégou, 43 ans, qui est l'homme de l'année dans l'édition française. Le président de la CEP est devenu également celui du nouveau « Groupe Larousse ». Il nourrit beaucoup d'ambitions pour l'ensemble qui réunit désormais Larousse et Nathan. Un plan de « redressement social et économique » a été lancé.

Contrastes

L'enjeu est capital pour toute l'industrie de l'édition. Car, avec les 12 000 personnes qu'elle emploie directement et les dizaines de milliers qu'elle fait vivre, c'est une profession qui vit dangereusement. Son évolution sur une longue période — et dans le monde entier — a été marquée par une augmentation impressionnante de la part des nouveautés dans l'ensemble de la production éditoriale. D'où la dépendance accrue des éditeurs vis-à-vis des best-sellers aléatoires. D'où, également, la dépréciation rapide des titres qui figurent à leurs catalogues... Sur cette tendance de fond sont venus se greffer en France, ces dernières années, trois facteurs défavorables concomitants qui ont continué d'affecter l'édition en 1984 : d'abord, l'effondrement du marché des écoles, dû à la fois à la chute de la démographie et à la réduction des budgets de l'État et des collectivités locales : ensuite, le blocage du prix du livre en 1982 ; enfin, la morosité de l'économie et le laminage du pouvoir d'achat qui pénalisent en priorité certaines des dépenses dites « de loisirs ».